(Londres) Les professionnels de l’automobile au Royaume-Uni ont prévenu mardi que la production de voitures allait s’écrouler en cas de Brexit sans accord commercial et tarifaire avec l’UE, au moment où le secteur souffre déjà d’un coup de frein de la demande mondiale.  

Mardi, deux annonces sont venues rappeler que ce secteur en pleine forme il y a deux ans emprunte désormais des chemins bien cahoteux.  

DIX BAISSES DE PRODUCTION CONSÉCUTIVES

Les professionnels de l’automobile au Royaume-Uni ont d’abord fait état d’une chute de 14 % de la production de voitures au mois de mars sur un an, avec quelque 126 000 véhicules sortis des chaînes d’assemblage. Il s’agit de la dixième baisse consécutive, provoquée par un ralentissement de la demande tant en Asie qu’en Europe-alors que près de 8 voitures sur 10 produites sur place sont destinées à l’exportation, dont la moitié pour l’UE.  

PHOTO PETER DEJONG, AP

Le PDG de Ford Europe, Steve Armstrong, a prévenu qu'un Brexit dur serait «désastreux» pour l'industrie automobile. On le voit ci-haut le 2 avril lors du dévoilement de modèles Ford hybrides à près d'Amsterdam, aux Pays-Bas.

Se tournant vers l’avenir, l’Association des constructeurs et des vendeurs automobiles (SMMT), qui a diffusé ces données, a aussi prévenu que la production de voitures allait s’écrouler en cas de Brexit sans accord avec l’UE.  

Si les négociations entre Londres et Bruxelles finissaient de façon « positive » avec « un accord favorable et une période de transition maintenant le statu quo », la production de voitures au Royaume-Uni pourrait s’établir à 1,36 million cette année, certes moins qu’en 2018 (1,52 million), mais elle remonterait ensuite pour atteindre 1,42 million en 2021, d’après la SMMT.

RETOUR AUX NIVEAUX DE PRODUCTION DE 1985

A l’inverse, si le pays sort de l’UE sans accord avec Bruxelles-ce qui introduirait des droits de douane importants-, la production dégringolerait d’environ 30 % par rapport à ses niveaux récents, prévoit la SMMT. Elle tomberait à 1,07 million de voitures en 2021, revenant à ses niveaux déprimés du milieu des années 1980.

PHOTO SIMON DAWSON, BLOOMBERG

Un assembleur travaille sur moteur à l'usine Jaguar Land Rover de Halewood, en Angleterre. U.K.,

« Malgré la prolongation des négociations, le compte à rebours du Brexit tourne toujours et le spectre d’une sortie sans accord demeure », a prévenu le directeur général de la SMMT, Mike Hawes.  

« Il y a quelques années, notre industrie automobile était bien partie pour produire deux millions de voitures par an à l’horizon 2020-un objectif désormais impossible à atteindre au moment où se brouille l’image du Royaume-Uni comme pays stable et attractif pour investir », a déploré M. Hawes.  

L’automobile fait partie des secteurs les plus touchés par l’incertitude autour du Brexit. Près de 8 voitures sur 10 produites au Royaume-Uni sont destinées à l’exportation-dont la moitié pour l’UE.  Sauf une usine Aston Martin au Pays de Galles, toutes les usines d'assemblage et de pièces des constructeurs automobiles sont situées en Angleterre.

LAND ROVER PRODUIRA EN SLOVAQUIE

En écho à ce sombre constat, Jaguar Land Rover (JLR) a annoncé quelques heures plus tard que son nouveau VUS Defender serait produit en Slovaquie, et donc pas au Royaume-Uni où ce tout-terrain massif était assemblé jusqu’en 2016 (l'année où la production de l'ancien modèle a été arrêtée).  

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Nissan a renoncé à produire le VUS X-Trail 2020 dans son usine géante de Sunderland (nord-est de l’Angleterre).

Le constructeur britannique a indiqué dans une déclaration transmise à l’AFP que ce nouveau Land Rover Defender serait assemblé dans son usine de Nitra inaugurée en octobre dans l’ouest slovaque.

Certes, JLR n’avait pas caché précédemment ses ambitions pour ce site slovaque, où il a investi un milliard de livres et sa capacité de production de 150 000 véhicules par an pourrait à terme doubler. Le groupe, qui n’a pas lié cette décision au Brexit, va en outre équiper ce véhicule d’un moteur fabriqué à Wolverhampton (centre de l’Angleterre) et a assuré investir encore sur son site anglais voisin de Solihull, où il va produire notamment la prochaine génération de Range Rover.  

Reste qu’il s’agit d’une mauvaise nouvelle supplémentaire pour cette industrie au Royaume-Uni dont l’actualité est rythmée dernièrement par des annonces souvent déprimantes, notamment de la part des constructeurs japonais très implantés.  

Nissan a renoncé à produire le VUS X-Trail 2020 dans son usine géante de Sunderland (nord-est de l’Angleterre) et Honda a annoncé la fermeture en 2021 de son usine de Swindon (sud-ouest de l’Angleterre), même s’il n’a pas évoqué le Brexit. 

Réjouissance rare dans cette série noire, Toyota a annoncé fin mars qu’il allait fabriquer une nouvelle voiture hybride pour son partenaire Suzuki au Royaume-Uni.