Les tableaux du peintre Francis Bacon sont de ceux qui brûlent la rétine par leur beauté, mais aussi leur cruauté. Il en va de même avec la pièce Tableau final de l’amour, spectacle sans compromis imaginé par la metteure en scène Angela Konrad à partir du roman de Larry Tremblay.

Sur une scène nue encadrée de murs blancs – sorte d’écrans vierges où tous les fantasmes peuvent se projeter –, on assiste les yeux grands ouverts aux déchirements d’un couple d’amants ainsi qu’aux jeux pervers qui les unissent.

Dans la peau de Francis Bacon, Benoit McGinnis est par moments méconnaissable. Sa bouche se tord quand il raconte ses pulsions sexuelles ou son enfance violente auprès d’un père qui le trouvait « défectueux ». Car le peintre a besoin de cruauté pour jouir et créer autant que l’asthmatique qu’il est cherche l’air pour vivre.

Samuël Côté, qu’on entend peu, offre une présence physique magnétique et troublante dans le rôle de l’amant George Dyer, un voyou entré chez Francis Bacon pour le cambrioler, mais qui finira par devenir son modèle. Son corps nu presque désarticulé rappelle les tableaux fulgurants qui le mettent en scène.

PHOTO PATRICE TREMBLAY, FOURNIE PAR L’USINE C

Tableau final de l’amour reste un spectacle puissant, où la souffrance et le sublime se mêlent avec brio pour nous hanter longtemps.

Ensemble, le peintre et son ombrageuse muse vont développer une relation empreinte de passion, mais aussi de douleur. Angela Konrad n’hésite pas à les montrer luttant, s’aimant et se détestant dans une série de vignettes fiévreuses. La performance très physique, voire chorégraphiée, des deux acteurs force d’ailleurs l’admiration : les deux interprètes finissent la représentation couverts de sueur, de saleté et de larmes.

Les mots tranchants de Larry Tremblay (qui signe l’adaptation dramaturgique) trouvent ici un écho puissant. Ils se cognent aux murs avant d’entrer dans le cœur des spectateurs, brûlants comme des tisons. Car cette histoire ne peut que mal finir. Et lorsque le peintre finit par découvrir – trop tard – l’étendue de l’amour que lui portait son amant, son immense douleur passe de la scène à la salle.

Il faut pour cela de grandes performances d’acteurs et des mots justes. Ce spectacle nous offre les deux.

À la mise en scène, Angela Konrad utilise une fois encore la musique de façon magistrale, s’en servant à petites touches, mais toujours au bon moment. Lorsque le Requiem de Mozart surgit sur des scènes de charniers de la Seconde Guerre mondiale, l’horreur du monde conjuguée aux affres de cette relation torturée nous coupe le souffle.

PHOTO PATRICE TREMBLAY, FOURNIE PAR L’USINE C

La performance physique des deux acteurs force l’admiration.

La metteure en scène use toutefois des voix enregistrées des deux interprètes à plusieurs moments dans le spectacle, ce qui prive le public d’une partie du plaisir associé au théâtre : celle de recevoir les mots alors qu’ils sortent de la bouche des interprètes, chargés par l’émotion du moment.

Malgré ce léger bémol, Tableau final de l’amour reste un spectacle puissant, où la souffrance et le sublime se mêlent avec brio pour nous hanter longtemps.

Une note pour finir : les représentations printanières du Tableau final de l’amour, qui se tiennent dans la salle intime de l’Usine C, affichent déjà complet (y compris celles présentées dans le cadre du FTA). Des représentations sont prévues en septembre ; les billets sont déjà en vente.

Consultez le site de l’Usine C
Tableau final de l’amour

Tableau final de l’amour

D’après le roman de Larry Tremblay, mise en scène d’Angela Konrad. Avec Benoit McGinnis et Samuël Côté.

À l’Usine C, Jusqu’au 3 juin, supplémentaires en septembre

8,5/10