De Je suis Cobain (peu importe) à Corps célestes, Dany Boudreault est associé à la fine pointe de la création au Québec. Cette semaine, le comédien remonte sur les planches du Théâtre Denise-Pelletier, cinq ans après son impressionnant Puck, dans Le songe d’une nuit d’été. Dans Châteaux du ciel, il interprète Louis II de Bavière, un roi hors du commun. Et moins fou que l’on croit.

C’est un roi hors du commun, extravagant, fascinant ! Louis de Wittelsbach, couronné Louis II, roi de Bavière, à 19 ans, a fait l’objet de plusieurs ballets, opéras, pièces et films, dont le mémorable Ludwig – Le crépuscule des dieux, de Visconti, avec Helmut Berger et Romy Scheinder.

Cousin de l’impératrice Sissi, bisexuel et fervent catholique, passionné de musique, mécène et protracteur de Richard Wagner, Louis II a été « un modèle de philanthropie », selon Boudreault. « Il croit vraiment à la beauté de l’art pour sauver le monde », dit l’acteur « grand germanophile » qui parle allemand.

Contrairement au mythe répandu, Ludwig n’était pas fou, estime Dany Boudreault. « En tout cas, je ne joue pas la folie », lance le comédien qui défend le rôle sur la scène du TDP jusqu’au 15 avril. « Il sera écarté du pouvoir à cause de sa soi-disant folie. Je le vois plus comme un roi idéaliste, dysfonctionnel et queer avant l’âge. Un roi qui ne fitte pas avec son époque ni dans le système. Et un homme profondément seul. »

Châteaux du ciel est signé Marie-Claude Verdier, dans une mise en scène de Claude Poissant. En 2022, la jeune autrice a remporté le pric Michel-Tremblay pour le meilleur texte créé à la scène, soit celui de Seeker. « Marie-Claude est une autrice étonnante, dotée d’un imaginaire exceptionnel ! Elle a écrit un texte de science-fiction (Seeker), juste après ce drame historique, construit comme une épopée, avec un souffle qui fait penser à des auteurs romantiques, comme Schiller ou Victor Hugo », soutient-il.

La face cachée du roi

Pour le comédien, Châteaux du ciel n’est pas une autre histoire de royauté comme tant de pièces dans le répertoire. « Albert Camus disait qu’on devrait être du côté de ceux qui subissent l’Histoire, plutôt que de ceux qui la font. À mon avis, Ludwig l’a aussi subie. Il a été un roi isolé, puis destitué de force, mort exilé dans des circonstances encore inconnues. Louis n’est pas juste héritier au trône ; c’est une victime broyée par le système. »

PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE

Dany Boudreault

Ce roi déçu va résister à l’état du monde de l’Europe au XIXsiècle. Le royaume est en guerre quand Ludwig accède au trône et le jeune roi se heurte à la politique du chancelier Bismarck. « Je le vois comme un grand idéaliste, avec une soif d’absolu immense. Il n’a pas d’enfant. Il veut laisser une trace, un legs de beauté. Alors, il finance la construction d’un grand théâtre, conçu spécialement pour Wagner, aujourd’hui devenu le Palais des festivals de Bayreuth. Et bien sûr, il fait construire ces célèbres châteaux de contes de fées. Des merveilles d’architecture intégrées à la nature dans les Alpes. D’ailleurs, l’ensemble de châteaux en Bavière demeure l’attrait touristique le plus visité en Allemagne », explique le comédien qui est allé les visiter l’été dernier en apprenant son texte.

Tout désir réprimé peut finir par rendre un humain instable. Vers la fin de sa vie, Ludwig ne vit que la nuit et ne supporte pas la lumière du jour. Il se cache et craint le monde externe. « Il y a des liens à faire avec le personnage de Blanche Dubois. Comme Ludwig, l’héroïne de Tennessee Williams refuse de vieillir et ne sort pas de l’adolescence, de ses obsessions. Il y a aussi quelque chose du Neverland de Michael Jackson dans l’univers de Louis II. Des gens qui s’enferment dans leur imaginaire pour fuir la réalité. Dans un monde onirique », conclut-il.

Le metteur en scène Claude Poissant dirige une imposante distribution. Outre Dany Boudreault, on trouve Mikhaïl Ahooja, Félix Beaulieu-Duchesneau, Annick Bergeron, Frédéric Blanchette, Myriam Gaboury, Maxime Genois, Fabrice Girard, Daniel Parent et Mary-Lee Picknell.

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