Elles sont huit. Huit femmes autochtones ou racisées qui viennent parler d’amour et de sensualité dans le cadre d’un évènement intitulé Neecheemus, qui signifie « mon amour » en langue crie.

L’artiste pluridisciplinaire Émilie Monnet a invité des femmes « inspirées et inspirantes » à prendre la parole pour quatre représentations à Espace Go. La poétesse Joséphine Bacon, l’auteure-compositrice-interprète Elisapie, l’ethnologue Isabelle Picard, la peintre et romancière Virginia Pésémapéo Bordeleau ainsi que la chorégraphe Angélique Willkie ont notamment accepté l’invitation.

Avec ce spectacle, Émilie Monnet a eu envie de parler d’Amour (avec un grand A) et de plaisir alors que la froidure de la pandémie faisait rage. « L’actualité était lourde et j’avais le goût de parler du plaisir d’être ensemble et de ce qui fait du bien. Pour moi, l’amour est une valeur fondamentale, au cœur des relations humaines, mais aussi de nos relations avec la Terre. Et on a bien besoin d’amour par les temps qui courent. »

Au milieu d’un décor qui rappelle la tente autochtone avec ses tapis, ses peaux et ses bougies, chacune des interprètes va venir « porter son tison au feu », comme le dit si joliment Joséphine Bacon.

Cette dernière a tout de suite accepté l’invitation. « Émilie nous permet d’être libres, spontanées, lance la poétesse de 76 ans. Pour moi, l’amour représente plusieurs verbes. Ou plutôt un grand verbe avec un grand A. » Joséphine Bacon va réciter un poème écrit pour l’occasion, mais elle va aussi transmettre un pan de la tradition orale de son peuple en racontant l’histoire de Carcajou et de sa première rencontre avec les femmes.

« Il a vu des femmes de l’autre côté de la rivière. Ces femmes étaient autosuffisantes. Carcajou va devoir user de plusieurs stratagèmes pour se rendre jusqu’à elles. Et c’est grâce à cette rencontre que tout a commencé et qu’on a connu le sexe. J’aime beaucoup Carcajou, car il fait beaucoup de bêtises. Son histoire nous met le sourire aux lèvres ! »

Elles seront huit interprètes sur scène plus deux musiciennes qui viendront envelopper les mots de leurs musiques, soit Frannie Holder et Anachnid. Caroline Monnet, la sœur d’Émilie, ajoutera sa touche avec des projections d’amoureux qui s’embrassent. Et les hommes ? « C’est dans les mots que les hommes seront là », lance Joséphine Bacon.

Un évènement inclusif et intergénérationnel

Pour Émilie Monnet, il allait de soi d’ouvrir la discussion en accueillant des femmes racisées, comme Marie-Louise Bibish Mumbu (qui agit à titre d’autrice seulement) et Tatiana Zinga Botao (qui lui servira d’interprète.) « J’ai eu envie d’ouvrir la notion d’autochtonie au-delà du Québec et du Canada. Il y a des peuples autochtones en Afrique aussi, avec des rites et leurs relations avec le territoire. Il y a des choses très intéressantes à partager. Notre peuple est très inclusif et j’avais envie de leur tendre la main pour les inviter sous la tente. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Joséphine Bacon (à gauche) et Émilie Monnet partagent une grande complicité.

Je tenais aussi à rassembler plusieurs générations de femmes. On a beaucoup à apprendre les unes des autres. Et on aime différemment en ville et au territoire. Il suffit de penser à Tinder… L’éventail amoureux est très diversifié.

Émilie Monnet

Joséphine Bacon renchérit : « Me retrouver avec ces jeunes, avec des femmes indiennes, c’est un bonheur, une offrande que j’accepte. Les côtoyer me nourrit pour le reste de la journée. Ce spectacle sera un beau partage entre nous et avec le public. »

Ensemble, toutes ces femmes ont le désir de réfléchir à notre rapport à l’autre et aux dommages causés par la colonisation sur ces mêmes rapports. « Il y a des choses qui existaient avant la colonisation et qui n’ont pas été transmises. Il y a des enseignements à aller chercher, notamment en réfléchissant à la liberté qu’avaient les femmes wendates. Des bribes de mémoire sont arrivées jusqu’à nous par les écrits des jésuites », dit Émilie Monnet.

Elle poursuit : « J’ai envie d’offrir un autre regard sur notre peuple. L’impact de la colonisation a engendré plusieurs problèmes, notamment pour ce qui est des violences sexuelles. Or, la sensualité est une notion qui est ancrée au territoire. Chez nous, l’amour est plus qu’une relation physique ou charnelle. »

Chacune viendra donc apporter son éclairage personnel, selon la forme qui lui plaira. Chansons, contes, nouvelle érotique, poème… Et comme le promet Joséphine Bacon, les mots pourront changer de soir en soir, à l’image de la tradition orale…

Pour Émilie Monnet, Neecheemus marque le début d’un nouveau cycle après celui consacré à l’histoire de l’esclave autochtone Marguerite Duplessis. « Ce cycle de l’amour s’attardera davantage sur la frontière entre l’humain et le non-humain. Il sera notamment question de notre rapport aux arbres, mais aussi d’amitié. » Bref, la source est loin d’être tarie pour Émilie Monnet.

Du 19 au 22 janvier, à Espace Go

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