« Michel a le talent d’être présent même quand il n’est pas là », a lancé Marc Messier jeudi soir lors d’un évènement soulignant le don des archives de la pièce Broue à Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ). Il réagissait alors, à la blague, à une confidence du fils de son camarade Michel Côté, Maxime Le Flaguais, qui assurait que malgré ses absences obligées, son père n’avait jamais manqué à son rôle de papa.

Michel Côté présent même quand il n’est pas là ? Difficile de mieux résumer l’esprit de l’évènement qui se tenait aux Archives nationales, sous la forme d’un entretien animé par la présidente-directrice générale de BAnQ, Marie Grégoire, avec Marc Messier, Marcel Gauthier et Maxime Le Flaguais, fils de celui que ses collègues ont d’emblée décrit comme « le pilier de cette troupe, le capitaine de l’équipe ».

Au sujet de la santé de son père, qui souffre d’un cancer de la moelle osseuse, Maxime Le Flaguais a sobrement dit lors de la période de questions suivant l’entretien que son état est « assez stable » et qu’il est « en isolement à l’hôpital », en attente d’une greffe. « Il a le moral, on est remplis d’espoir, on se croise les doigts et vous devriez en faire autant. »

Maxime Le Flaguais n’était pas sur place que pour représenter son père, mais aussi en tant qu’authentique fan du populaire spectacle, qu’il connaît par cœur. Enfant, le comédien écoutait souvent les cassettes audio d’enregistrements de vieilles représentations auxquelles son paternel et ses partenaires s’en remettaient, eux, afin de se rafraîchir la mémoire après des vacances.

Vu que mon père me manquait quand il partait jouer Broue, le soir, j’écoutais la pièce avant de m’endormir et j’étais un peu avec lui. J’ai entendu mon peuple rire pendant toutes ces années-là, en m’endormant, et ça m’a mis de bonne humeur pour toute la vie.

Maxime Le Flaguais

Ces cassettes comptent parmi les 400 documents audiovisuels légués à BAnQ, auxquels s’ajoutent 5 mètres linéaires de documents textuels (différentes versions du texte, notes, correspondance, calendriers) et 800 photos. La majeure partie du fonds est déjà accessible aux chercheurs, aux étudiants ainsi qu’au grand public.

C’est nul autre que Marc Messier qui, l’été dernier, s’est chargé d’aller récupérer les boîtes en question dans l’entrepôt où elles patientaient. « J’ai été obligé de tout apporter ça dans mon garage », a raconté l’acteur un peu plus tôt dans la journée, lors d’un entretien téléphonique avec La Presse.

Et il n’a évidemment pas su résister à l’envie de jeter un œil à ce qui se trouvait dans ces cartons. Constat ? « En voyant tous les articles de journaux, je me suis aperçu d’à quel point ça avait été populaire », répond-il le plus sérieusement du monde. « Non, mais c’est vrai ! Ça n’avait aucun maudit bon sens, à quel point c’était populaire. On l’oublie avec le temps. »

C’est réellement arrivé

Créée le 21 mars 1979 au Théâtre des Voyagements, situé au 5145, boulevard Saint-Laurent à Montréal, Broue a failli être écrite non pas par Claude Meunier, Jean-Pierre Plante, Francine Ruel et Louis Saia, mais par le regretté Michel Garneau, qui avait signé les trois précédentes pièces de la troupe composée de Côté, Gauthier, Messier et de Véronique Le Flaguais.

PHOTO MICHEL GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Messier, Marcel Gauthier et Michel Côté en octobre 1985

Lorsque la comédienne doit s’absenter des planches afin de donner naissance au premier fils du couple qu’elle forme avec Michel Côté, le trio a l’idée d’une pièce entièrement masculine, faisant écho à l’imminente ouverture des tavernes aux dames. Mais Garneau, surchargé et surmené, renonce à écrire le texte, moins d’un mois avant la première.

Le problème, c’est que nous autres, on était pressés. On avait aménagé ce petit théâtre-là, il fallait payer les factures, on n’avait pas d’argent, on ne pouvait pas reculer.

Marc Messier

Les trois amis proposent alors à plusieurs auteurs de leur pondre un sketch, dont Claude Meunier, avec qui Messier avait fraternisé au sein de l’équipe de l’émission jeunesse La fricassée. Plusieurs autres déclineront l’invitation. « Et peut-être que certains s’en mordent les doigts, lance Messier en riant, parce que ne serait-ce que financièrement, Broue a été une expérience intéressante. »

Après 3322 représentations, la distribution originale de Broue buvait sa dernière goutte le 22 avril 2017 au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke. Benoît Brière, Martin Drainville et Luc Guérin portent toujours le bock bien haut, en tournée partout au Québec.

« Si ces archives peuvent servir à quelque chose, j’aimerais qu’elles donnent de l’espoir aux jeunes comédiens qui entrent dans le métier, souhaite Marc Messier. Dans le temps, on nous disait : “Le Québec, c’est petit, quand t’as joué un mois, c’est beau.” Écoute, on a joué 38 ans ! On ne l’invente pas, ça nous est arrivé. Et si ça nous est arrivé, ça peut arriver à d’autres. Je te le dis : ces choses-là peuvent arriver. »