L’auteure, comédienne et metteure en scène Marie Brassard remporte le prestigieux prix de théâtre Siminovitch, elle « dont le travail a renforcé le paysage théâtral canadien et fait évoluer cette forme d’expression artistique ».

La metteure en scène de La fureur de ce que je pense (créé à partir des textes de Nelly Arcan) et créatrice de pièces emblématiques comme Jimmy, créature de rêve, Peepshow ou encore Moi qui me parle à moi-même dans le futur, recevra une bourse de 75 000 $, la plus importante du milieu des arts de la scène.

Marie Brassard, finaliste aux côtés des auteurs et metteurs en scène canadiens Ravi Jain, Ann-Marie Kerr et Sherry J. Yoon, s’est dite à la fois « surprise » et « encouragée » par l’obtention de ce prix. « Ce n’est pas un milieu facile pour un créateur indépendant et j’ai toujours créé un peu en parallèle des institutions, dans des festivals, donc oui, c’est encourageant d’avoir cette reconnaissance de ses pairs, c’est très gratifiant. Vraiment, je suis honorée et très contente de recevoir ce prix, qui va me permettre de réfléchir à mon travail et d’investir dans de nouveaux projets », nous a confié Marie Brassard.

« L’œuvre de Marie est à la fois onirique, éphémère et actuelle, viscérale et percutante », a écrit le jury présidé par Guillermo Verdecchia.

Elle est reconnue pour le développement patient et minutieux de ses créations, pour son écoute profonde et pour sa capacité à tirer le meilleur de ses collaborateurs.

Extrait du communiqué

Marie Brassard, qui a collaboré dès ses débuts avec le metteur en scène Robert Lepage (La trilogie des dragons, Le polygraphe, Les sept branches de la rivière Ōta, etc.), a toujours intégré la technologie à ses créations théâtrales, jouant notamment sur le son de sa voix.

« Cette expérimentation a été un outil qui m’a permis de trouver un chemin pour faire de la mise en scène, dit Marie Brassard. J’écrivais avec ma voix en quelque sorte. Et en la modifiant, grâce à la technologie, ça m’a permis d’incarner des personnages qui n’étaient pas de mon âge ni de mon sexe. De faire des propositions de jeu vraiment étonnantes et de créer des atmosphères sonores avec ma voix et mon corps, et ça, c’est tout un sport ! »

Le Japon, source d’inspiration

Le Japon a toujours été au cœur des projets de création de Marie Brassard, qui dirige la compagnie Infrarouge. On l’a vu dans sa dernière pièce Violence, mais aussi dans son interprétation géniale du Fusil de chasse, de Yasushi Inoué, qu’avait adaptée et mise en scène François Girard.

La créatrice a aussi présenté La fureur de ce que je pense en tournée au Japon, comme les pièces Le polygraphe et Les sept branches de la rivière Ōta, qu’elle a coécrites avec Robert Lepage.

Qu’est-ce qui fascine tant la créatrice de 63 ans du pays du Soleil-Levant ? « Je pense qu’au départ, c’est en voyant un documentaire sur des danseurs de butō, une danse tellement étrange, abstraite, expressionniste et méditative, répond-elle. Puis j’ai visité le Japon avec Robert Lepage et je suis tombée sous le charme. J’aime la façon dont les Japonais intègrent l’art dans leur quotidien. Ce sont des gens d’une grande excentricité, contrairement à ce qu’on pourrait croire. J’ai toujours eu une admiration pour eux. »

PHOTO KEVIN MILLET, FOURNIE PAR L’AGENCE KARINE LAPIERRE

Le dramaturge Philippe Boutin

Comme le veut la tradition, c’est le lauréat du prix Siminovitch qui désigne son « prétendant », pour la bourse de 25 000 $, qui complète le grand prix – d’une valeur totale de 100 000 $. Marie Brassard a désigné Philippe Boutin, auteur de The Rise of the BlingBling  La Genèse, Le vin herbé ou encore Détruire nous allons, qui avait été jouée sur un terrain de football.

« J’ai vu The Rise of the BlingBling, dit Marie Brassard, et ce qui m’a épatée, c’est que j’ai reconnu dans sa mise en scène des formes théâtrales anciennes qui étaient renouvelées, revisitées, comme la commedia dell’arte ou la tragédie grecque. De voir ça de la part de quelqu’un de jeune, ça m’a touchée. »

Et puis, les projets de Philippe sont ambitieux et rassembleurs, avec des équipes énormes, ça prend beaucoup de moyens, donc j’ai voulu l’encourager.

Marie Brassard

Parmi les autres Québécois qui ont reçu le grand prix Siminovitch, mentionnons les conceptrices Stéphanie Jasmin (2018) et Annick La Bissonnière (2015), le dramaturge Olivier Choinière (2014), la metteure en scène Brigitte Haentjens (2007), la conceptrice Louise Campeau (2003) et la dramaturge Carole Fréchette (2002).

En ce moment, Marie Brassard travaille sur la mise en scène d’un opéra de chambre de Keiko Devaux, qui sera présenté à la Fonderie Darling en février prochain. Elle mettra également en scène un spectacle de finissants de théâtre au Centre national des arts d’Ottawa et au Rideau Vert en 2023.

L’auteure et metteure en scène a reçu de nombreuses distinctions au cours de sa carrière. En 2016, elle a été décorée de l’Ordre des arts et des lettres du Québec.