Le milieu du théâtre québécois s’est rassemblé dimanche soir au Théâtre du Rideau Vert pour offrir un dernier hommage au metteur en scène André Brassard, mort le 11 octobre dernier.

La salle de 425 places était quasi pleine pour cette célébration animée par le metteur en scène René Richard Cyr. Selon l’une des organisatrices de l’évènement, l’actrice Violette Chauveau, c’est André Brassard lui-même qui a demandé que l’évènement se tienne au Rideau Vert. Rappelons que c’est ici que sa carrière a pris son envol avec la présentation de la pièce de Michel Tremblay Les Belles-Sœurs, en 1968.

« Ce lieu était important pour lui, explique Violette Chauveau. Il y a deux ans, alors que sa santé était fragile, André m’a aussi remis une photo qu’il m’a demandé de garder précieusement pour ne la sortir que lors d’un hommage posthume. » Cette image, projetée sur un écran en fond de scène, a été suivie par des dizaines d’autres pendant les trois heures qu’a duré l’évènement. On a ainsi pu voir — en photo et en vidéo — André Brassard à différentes étapes de sa vie.

PHOTO FOURNIE PAR LE THÉÂTRE DU RIDEAU VERT

André Brassard a lui-même choisi cette photo présentée lors de la cérémonie posthume en son honneur.

C’est donc sous le regard « plein d’intelligence, de délinquance, mais aussi d’humanité » d’André Brassard (pour reprendre les mots de René Richard Cyr) que s’est déroulée cette soirée chargée d’émotions.

Hommages et lectures

« Nous avons imaginé un hommage très simple, mais qui lui ressemble, avec des gens qu’il aimait et qui l’aimaient en retour », dit Violette Chauveau. Plusieurs acteurs et actrices sont ainsi montés sur scène pour lire des extraits de textes ; certains ont été mis en scène par Brassard au cours de sa carrière, d’autres sont d’auteurs qu’il affectionnait particulièrement, comme Jean Genet, François Villon ou Paul Claudel. Alex Bergeron, Guy Nadon et Monique Spaziani, notamment, sont de ceux qui ont participé aux lectures.

Un grand frisson a parcouru le public lorsque Normand Chouinard et Rémy Girard ont repris pour un court instant les rôles de Vladimir et d’Estragon, les deux personnages principaux d’En attendant Godot, de Samuel Beckett. C’est André Brassard qui avait dirigé le duo lors de la présentation (mémorable) de la pièce au Théâtre du Nouveau Monde, en 1992.

Kathleen Fortin a aussi offert un des moments forts de la célébration avec une interprétation très sentie d’une chanson que Brassard aimait beaucoup, Pourquoi chanter, de Louise Forestier.

Les mots de Michel Tremblay, avec qui André Brassard a collaboré pendant des décennies, ont évidemment résonné haut et fort, notamment avec la lecture d’un extrait d’Albertine en cinq temps par Élise Guilbault, Maude Guérin et Julie Vincent, entre autres.

PHOTO ANDRÉ CORNELLIER, FOURNIE PAR LE THÉATRE DE QUAT'SOUS

Michel Tremblay et André Brassard, en avril 1973

Lorsque Michel Tremblay est monté sur scène pour lire un texte de son cru dédié à son comparse de toujours, la salle s’est levée d’un bloc pour l’applaudir longuement. Ce à quoi le dramaturge a répondu, avec un demi-sourire : « Vous auriez dû attendre après [la lecture du texte], d’un coup vous haïssez ça ! » Ce texte qui imaginait l’arrivée de Brassard « au paradis des artistes » était plein de tendresse et d’humour.

Lors des nombreux extraits audio et vidéo présentés, on a pu réentendre le metteur en scène et enseignant à l’École nationale de théâtre présenter ses réflexions sur le côté sacré du théâtre, sur le rôle de l’acteur, sur la maladie (il a été victime d’un AVC en 1999 qui l’a forcé à s’éloigner de son métier). Il a évoqué avec son style toujours coloré sa vision de l’enseignement, citant une de ses plus grandes inspirations, Jean Genet : « Il s’agissait de t’enflammer et non de t’enseigner. »

Ce à quoi plusieurs dizaines d’étudiants (passés et présents) en art dramatique ont répondu en grimpant sur scène pour interpréter en chœur la chanson Allumer le feu de Johnny Hallyday. Dans la salle, tous se sont levés d’un bond pour chanter et taper des mains avec cette chorale improvisée. La cérémonie n’était pas faite pour se terminer dans la tristesse, mais dans la joie : celle de la transmission de l’amour éternel du théâtre. André Brassard aurait sans doute été d’accord.