Exit Juste pour rire. C’est sous le nom des Agents doubles que les sœurs Rozon, Lucie et Luce, se relancent dans l’arène artistique avec Verdict, une production théâtrale mettant en vedette Paul Doucet et Marie-Thérèse Fortin, qui interpréteront quatre plaidoiries marquantes « qui ont fait avancer le Québec ».

Luce Rozon parle d’un « devoir de mémoire » en évoquant cette production automnale pilotée par le directeur artistique Pierre Bernard, qui donnera l’occasion au public québécois d’entendre les arguments des plaidoiries de quelques-unes des causes les plus notables des 50 dernières années.

« Parce que ça se passe dans une cour de justice, on peut penser que ça va être trop technique, mais non, ça s’adresse à tout le monde, et les plaidoiries sont pleines de gros bon sens, insiste Luce Rozon. Ça nous fait prendre conscience du chemin qu’on a parcouru au Québec au cours des dernières années. Ce sont des décisions qui font qu’on vit dans une société plus inclusive et plus ouverte. »

Il sera question des procès de Henry Morgentaler, accusé de pratiquer des avortements illégaux en 1973 ; du procès plaidé par MAnne-France Goldwater visant à faire reconnaître le mariage de même sexe en 2001 ; des plaidoiries judiciaires devant le coroner dans l’affaire Joyce Echaquan, l’an dernier ; et du procès de Basil Parasiris, en 2008, accusé du meurtre d’un policier, mais qui plaidait la légitime défense.

Ce sont les documentaristes Nathalie Roy (Fugitifs, Histoires à mourir debout) et Yves Thériault (Les coulisses du palais) qui ont fait le choix des plaidoiries — en fonction des documents disponibles et de l’importance des causes. Un travail titanesque a été réalisé pendant un an et demi par le couple pour ramener ces plaidoiries de 3 à 5 heures à un concentré de 15 ou 20 minutes. Travail qui a d’ailleurs été approuvé par les plaideurs d’origine — tous vivants.

Le metteur en scène Michel-Maxime Legault, qui a parlé d’une production « nécessaire » après les deux années de pandémie, a eu le défi de créer l’espace de jeu de ces plaidoiries.

PHOTO FOURNIE PAR LES AGENTS DOUBLES PRODUCTIONS

Le metteur en scène de Verdict, Michel-Maxime Legault

« C’est un vrai défi », reconnaît l’acteur et metteur en scène qu’on a vu beaucoup au théâtre, mais qui a aussi été occupé ces dernières années à monter des productions de cirque (Entre ciel et mer, d’Éloize) ou d’opéra (Il Trovatore).

Mais on mise beaucoup sur le sujet, et on espère ébranler le spectateur, le faire réfléchir. On aura en appui des projections, des photos d’archives, des extraits audio, c’est un peu un voyage historique.

Michel-Maxime Legault, metteur en scène de Verdict

Les deux acteurs qui plaideront (seuls) à tour de rôle, Paul Doucet et Marie-Thérèse Fortin, s’y préparent comme pour un spectacle solo.

« Ça reste un défi de défendre un texte de 10-12 pages, seul sur scène », nous dit Paul Doucet, qui porte également la toge d’avocat dans la série Indéfendable (à TVA). En fait, l’acteur a commencé sa carrière à la télévision dans la série Les grands procès, en 1994, qui retraçait également les moments forts de notre histoire judiciaire. « Je jouais le rôle d’un expert en empreintes digitales dans le procès de Jacques Mesrine, se souvient-il. Je sortais de l’UQAM… »

Ce qui l’a impressionné dans ce projet ? « L’importance du propos, répond-il, et son actualité, encore aujourd’hui. »

L’avortement, l’affaire Joyce Echaquan, on a l’impression de faire œuvre utile, parce qu’il y a tellement de droits qui ne sont pas acquis. Et puis les textes sont écrits d’une manière tellement précise, il y a une qualité et une intelligence incroyables dans ces plaidoiries, c’est un vrai château de cartes, on ne peut pas manquer une seule virgule.

Paul Doucet

Même son de cloche du côté de la comédienne Marie-Thérèse Fortin, qui plaidera la cause de l’avortement et du mariage de même sexe.

« La plaidoirie comme telle peut être théâtrale, nous dit-elle. Il s’agit de porter le texte, convaincre, toucher. Il y a une qualité de la langue aussi, la construction du texte, tout est calculé, il y a beaucoup de similitudes avec le théâtre, il faut juste trouver la bonne dose de combativité pour défendre le texte devant un public, l’investir de notre énergie, parce que ça n’a pas été écrit pour être joué au théâtre non plus. »

PHOTO FOURNIE PAR LES AGENTS DOUBLES PRODUCTIONS

Une scène de Verdict

La dernière cause, celle de Basil Parasiris, sera plaidée à tour de rôle par les deux avocats et c’est le public qui fera office de jury (on ne divulgâchera donc pas ici le verdict !). « Ça nous donnera l’occasion de créer une dynamique à deux, d’affrontement », nous dit Marie-Thérèse Fortin. À la fin, c’est ce même public qui décidera de la culpabilité (ou non) de l’accusé.

« Quand on a lu les plaidoiries des deux avocats, nous racontent Nathalie Roy et Yves Thériault, on se disait après avoir lu le texte de la Couronne : il est coupable. Et après avoir lu celui de la défense : c’est sûr qu’il doit être acquitté. Donc avec les sœurs Rozon, on s’est dit que pour ce cas-là, on laisserait le public choisir. »

Évidemment, ces quatre causes ne sont que la pointe de l’iceberg. On ne trouve par exemple aucune cause liée au mouvement #metoo (Léa Clermont-Dion c. Michel Venne ?), au FLQ, à l’aide médicale à mourir ou à la protection du français… Est-ce qu’un Verdict 2 ou 3 est envisageable ? Nathalie Roy et Yves Thériault n’attendent que le signal des sœurs Rozon. « On est partants, répond Yves Thériault, c’est sûr que le palais de justice est une source inépuisable de sujets. C’est un théâtre extraordinaire de la vie humaine. »

Verdict. À partir du 6 octobre au Gesù. Puis, en tournée partout au Québec du 5 novembre au 10 mai 2023.

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