On connaît bien Ginette Noiseux la directrice artistique, à la tête du Théâtre Espace Go depuis 35 ans. On connaît sa passion pour l’écriture contemporaine, son engagement pour les femmes artistes. Or, on connaît moins Ginette Noiseux la conceptrice de costumes, celle qui a créé les vêtements de près de 70 productions théâtrales en carrière.

C’est elle qui a dessiné les vêtements des spectacles Électre et La brèche à Espace Go ; ceux des Reines au Théâtre du Nouveau Monde aussi... « Ce sont quelques-uns des projets qui m’ont rendue le plus heureuse dans ma vie », dit-elle en entrevue avec La Presse. En mars prochain, si Omicron le permet, on pourra admirer son travail de créatrice des costumes avec Mademoiselle Julie, production du Rideau Vert dirigée par Serge Denoncourt.

En 1995, en rêvant au lieu actuel qui abrite sa compagnie, Ginette Noiseux voyait déjà la réalisation d’un centre de création théâtrale où graviteraient plusieurs corps du métier. Derrière l’édifice du boulevard Saint-Laurent, on trouve un atelier pour la confection de costumes, un studio d’enregistrement multimédia, une grande et lumineuse salle de répétition, ainsi que les bureaux des compagnies Ubu et Porte-Parole. « J’ai toujours vu Espace Go comme un centre de développement et de recherche théâtrale. Un lieu de référence pour les avant-gardes en arts vivants », explique Mme Noiseux, rencontrée dans son atelier de costumes adjacent au théâtre, peu de temps avant Noël.

Dans l’atelier de Ginette Noiseux
  • La conceptrice de costumes et directrice d’Espace Go, Ginette Noiseux, dans l’atelier de costumes de sa compagnie

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    La conceptrice de costumes et directrice d’Espace Go, Ginette Noiseux, dans l’atelier de costumes de sa compagnie

  • Ginette Noiseux : « J’ai toujours dit que c’est Barbeau qui m’a mise au monde. »

    PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

    Ginette Noiseux : « J’ai toujours dit que c’est Barbeau qui m’a mise au monde. »

  • Quelques costumes de théâtre

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    Quelques costumes de théâtre

  • Esquisses de costumes

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    Esquisses de costumes

  • Créations de Ginette Noiseux

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    Créations de Ginette Noiseux

  • Robes et costumes de l’atelier

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    Robes et costumes de l’atelier

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Classes de maîtres

Diplômée en scénographie de l’École nationale de théâtre en 1978, Ginette Noiseux a pensé se diriger en science plus jeune, avant de tomber dans le bain des arts vivants. « Je trouve dans mon travail de conception de costumes une passion semblable à celle que j’avais pour la physique... L’atelier est un laboratoire. »

La directrice n’a jamais porté ombrage à la conceptrice.

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Ginette Noiseux, directrice d’Espace Go

Je n’aurais pas pu diriger la compagnie durant toutes ces années s’il n’y avait pas eu un espace pour la créatrice, pour mon travail de conception. J’aime me trouver libre dans un atelier, pour dessiner, faire des tests, de la recherche, etc.

Ginette Noiseux, directrice d’Espace Go

À court ou moyen terme, quand les mesures sanitaires le permettront, Mme Noiseux veut organiser dans l’atelier de costumes des stages, des classes de maîtres, destinés aux jeunes concepteurs et conceptrices. « Depuis quelques années, il y a beaucoup d’ateliers qui ont fermé à cause des coupes dans les budgets. Le plus gros atelier actuellement... c’est le Village des valeurs ! Il faut penser à la transmission du savoir, car le théâtre est un art éphémère. »

Créer des costumes est exigeant. C’est un travail qui demande des mois de recherche. Par exemple, pour Les reines au TNM, Ginette Noiseux a mis neuf mois de recherche sur les motifs, les couleurs et les matières, avant de livrer les six robes portées par les comédiennes à l’automne. « On les appelait nos femmes-tapisseries », illustre-t-elle en parlant de ses costumes inspirés du Moyen Âge.

Concrètement, comment se décline son travail de conception ?

« La première chose que je fais, c’est de trouver les matériaux, les tissus avec lesquels je vais travailler. Ensuite, il y a les motifs, le choix des couleurs, les tests de teinture, la coupe... Quand tu entres en confection, c’est très important de savoir si un tissu va bien tomber sur le corps. »

Céline Bonnier, actrice caméléon !

Pour Ginette Noiseux, le costume vient aussi nourrir le travail de l’acteur dans la composition de son personnage. D’où l’importance de viser la parfaite harmonie entre les corps et les textiles. Si un interprète est mal à l’aise dans son costume, elle le sait tout de suite. « Habiller un corps, c’est passionnant ; mais un corps féminin, encore plus, dit-elle. Une actrice comme Céline Bonnier est capable de se transformer totalement d’un rôle à l’autre. Céline peut mesurer six pieds dans une production, puis devenir toute trapue pour un autre rôle. C’est un caméléon. »

Ginette Noiseux se réjouit de l’évolution des mentalités depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre. « Au début des années 1980, une femme scénographe, cela ne se pouvait pas. C’était mal vu par les chefs d’atelier sur les grands plateaux. Le milieu de la conception était alors très misogyne. J’étais tout le temps en colère ! Heureusement, trois “fées” se sont alors penchées sur mon berceau : André Brassard, Paul Buissonneau et François Barbeau... J’ai toujours dit que c’est Barbeau qui m’a mise au monde ! »

Aujourd’hui, Ginette Noiseux est sereine, et elle espère bien transmettre, à son tour, un savoir pour la relève en conception au théâtre.