Samedi à 20 h, Télé-Québec présente, en direct du Diamant, La face cachée de la Lune, la pièce de théâtre la plus vue et la mieux connue de Robert Lepage. Pour la première fois depuis sa création, en février 2000, le spectacle sera défendu en tandem, alors qu’Yves Jacques donnera la réplique au célèbre metteur en scène. La Presse en profite pour décrypter cette œuvre phare dans l’univers de l’artiste multidisciplinaire de Québec.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Yves Jacques (sur la photo) donnera la réplique à Robert Lepage dans la mise en scène de La face cachée de la Lune qui sera présentée par Télé-Québec, en direct du Diamant.

Les 20 ans de la création

Robert Lepage a créé le solo La face cachée de la Lune le 29 février 2000 au Théâtre du Trident, à Québec. Au printemps dernier, Lepage devait souligner le 20e anniversaire de sa création, mais la pandémie a tout chamboulé. Voilà que Télé-Québec marque le coup pour le 21e anniversaire, en programmant le spectacle ce week-end, samedi et dimanche. Qui plus est, l’évènement se veut « historique », car on n’a pas vu de théâtre en direct à la télévision depuis environ 25 ans, selon le diffuseur. Le spectacle est présenté en collaboration avec Ex Machina, Le Diamant et Productions Déferlantes.

Trouver sa place

La face cachée de la Lune juxtapose deux histoires ; l’une universelle, l’autre intime. À travers la conquête spatiale entre deux nations rivales, l’URSS et les États-Unis, la pièce raconte la vie du cosmonaute soviétique Alexei Leonov (le premier homme qui est sorti dans l’espace) dans les années 1960. Elle montre aussi la relation conflictuelle entre Philippe et André, deux frères aux antipodes, jaloux et compétitifs. À la suite du décès de leur mère, ils vont devoir outrepasser leurs différends pour se rapprocher. Lepage explore aussi le thème de la difficulté de trouver sa place dans l’univers, un sens à son existence… Et le besoin d’aller voir ailleurs pour mieux se retrouver.

PHOTO OLIVIER PONTBRIAND, ARCHIVES LA PRESSE

Robert Lepage

Maintenant orphelin

Robert Lepage a 42 ans lorsqu’il crée la pièce en février 2000. Sa mère vient tout juste de mourir, et avec son père aussi disparu, le voilà orphelin. Après avoir exploré le globe et le répertoire théâtral (Shakespeare en tête) dans les années 80 et 90, le metteur en scène a l’idée d’un spectacle plus autobiographique, à partir d’évènements récents de sa vie. La Lune est une référence à la figure maternelle. Sa face cachée se dévoile au fil de la représentation à travers le deuil de Philippe. « Bien que j’étais en paix avec elle, j’appréhendais beaucoup le moment de sa mort », a confié Lepage à l’époque, en entrevue pour le programme du Trident. « Je me suis senti comme suspendu dans l’univers, à la dérive, dans un vertige. […] Toute la vie, on compte sur ses parents inconsciemment, espérant qu’ils nous expliquent les choses de la vie, même s’ils n’ont aucune réponse à donner. De par leur présence, il y a déjà un élément de réponse, un lien, une attache sensible… Et ça nous rassure. »

Succès planétaire

Depuis deux décennies, La face cachée de la Lune a été vue par des centaines de milliers de spectateurs dans 28 pays, du Brésil à l’Australie, en passant par l’Allemagne, la Suède, l’Espagne, Singapour… En 2002, comme son horaire était surchargé, Lepage a demandé à Yves Jacques de le remplacer pour jouer dans le spectacle à travers le monde. « Je l’ai joué au moins 355 fois », estime le comédien en entrevue avec La Presse. Et quel est son meilleur souvenir de tournée ? « Je me souviens avoir été très impressionné de monter sur la scène du Théâtre d’art de Moscou, répond Yves Jacques. À cause du symbole, du privilège de jouer dans ce lieu sacré où Stanislavski a produit des pièces de Tchekov. Et aussi à Séoul. À la fin du spectacle, le public était bouleversé, ému au plus profond de ses tripes. Pour les Coréens, l’histoire de la rivalité (et de la réconciliation) entre les deux frères, c’est aussi celle de leurs propres familles déchirées, et de leur pays divisé entre le Nord et le Sud. »

PHOTO TIRÉE DU SITE IMDB

Robert Lepage dans l’adaptation cinématographique de La face cachée de la Lune

Du théâtre au cinéma… à la télé

En 2003, Robert Lepage réalise l’adaptation de sa pièce au grand écran et y joue. Avec Céline Bonnier et Anne-Marie Cadieux, entre autres. Le film, qui est offert sur la plateforme Éléphant, fait surtout ressortir le côté humoristique de la pièce, avec plusieurs gags et clins d’œil. « Un critique du Los Angeles Times a déjà dit que l’écriture de Robert [Lepage] dans La face cachée de la Lune lui rappelle les films de Woody Allen, raconte Yves Jacques. C’est un bel exercice de pouvoir jouer la pièce pour les gens dans leur salon. La présence du public en salle va nous manquer, bien sûr, mais la magie du théâtre sera au rendez-vous. »

Diffusion à Télé-Québec : le samedi 6 février à 20 h
Rediffusion : le dimanche 7 février à 20 h 30