À Montréal, la réouverture des théâtres se fait lentement, mais sûrement. Le Centaur et le Théâtre La Chapelle ont été les premiers à accueillir le public vendredi soir. Dans le strict respect des consignes et du protocole sanitaires. Compte rendu.

Plus solennelle et moins conviviale qu’en temps normal, une sortie au théâtre en zone rouge demeure une expérience joyeuse… Et essentielle pour bien des amateurs.

La Presse l’a constaté vendredi soir en assistant à un spectacle au Centaur Theatre, en compagnie de 36 spectateurs, dans une salle dont la jauge habituelle est de 241 places. On y présentait Mob, la version anglaise de La meute, le thriller à succès de l’autrice et comédienne Catherine-Anne Toupin, créé en 2019 à La Licorne.

Sous la marquise à l’abri de la pluie, un vieux couple, Joe et Linda, attend patiemment l’ouverture des portes du théâtre fondé par Maurice Podbrey en 1969. « J’avais très hâte de revenir au théâtre », nous dit l’homme de 86 ans et abonné du Centaur depuis 50 ans ! « J’ai toujours été fidèle au Centaur. Et je préfère le théâtre au cinéma, dit Joe (il refuse de nous donner son nom de famille). Ça se passe en direct, devant nous. »

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Harmony Walker donne des masques d’intervention aux spectateurs à l’entrée du Centaur Theatre.

Christine Picard est aussi très heureuse de pouvoir retourner au théâtre. « J’ai acheté mon billet au lendemain de l’annonce de la réouverture des salles de spectacle par le premier ministre Legault. J’avais surtout hâte de voir cette pièce en particulier. Je voulais voir la reprise de La meute chez Duceppe, mais ç’a été annulé à cause du confinement. Par chance, on a décidé de reprendre la production en anglais. »

Le directeur artistique du Black Theatre Workshop, Quincy Armorer, n’aurait raté pour rien au monde la réouverture du Centaur. « J’ai pleuré quand j’ai acheté mon billet, il y a deux jours… C’était le dernier. Le théâtre m’a tellement manqué depuis un an », confie-t-il.

Même si le public est clairsemé, le Centaur demande aux gens d’arriver d’avance, par petits groupes, et à 10 minutes d’intervalle. Comme dans les embarquements en avion, on entre et on sort de la salle selon sa rangée, en suivant un parcours balisé. Une fois à notre place, on garde son masque et on ne bouge plus.

Avant le début de la représentation, la directrice artistique Eda Holmes arrive sur scène pour s’adresser au public. « WELCOME BACK ! Je suis ravie de vous revoir au Centaur. Je distingue même des sourires sous vos masques », lance-t-elle sous les applaudissements.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, COLLABORATION SPÉCIALE

Eda Holmes, directrice artistique du Centaur, salue les premiers spectateurs à l’ouverture du théâtre.

Le 13 mars 2020, le Centaur avait annulé Mob, alors que la production venait juste de prendre l’affiche. Le décor est resté sur la scène tout ce temps : « Ce qui nous a permis de reprendre la pièce rapidement », explique Eda Holmes. Elle précise que les acteurs ont répété avec leurs masques, mais qu’ils sont exemptés de les porter durant la représentation. « Ils sont toutefois testés pour la COVID-19 toutes les 72 heures par du personnel de santé », précise Mme Holmes.

Qui plus est, le metteur en scène Andrew Shaver a modifié sa mise en scène pour éviter les contacts physiques entre les (trois) interprètes. Par exemple, il a travaillé avec le chorégraphe de combat Robert Montcalm pour ajuster une scène pivot de bagarre.

Soulagement à La Chapelle !

À quelques rues au nord du Vieux-Montréal, le Théâtre La Chapelle a présenté ce week-end un concert expérimental de l’artiste Ben Shemie, accompagné du Quatuor Molinari. Les musiciens comme les 34 spectateurs étaient masqués. Le chanteur, lui, avait le droit d’enlever son couvre-visage sur scène, en observant une distance sûre. Ici, comme au Centaur, un employé est posté à l’extérieur pour accueillir les gens et appliquer le protocole. Une autre personne dirige chaque spectateur à son siège, l’un après l’autre.

« Tout s’est bien déroulé, je suis très content de cette réouverture », commente le directeur artistique de La Chapelle, Olivier Bertrand, en entrevue à La Presse samedi.

PHOTO ADIL BOUKIND

Le directeur artistique de La Chapelle, Olivier Bertrand, est soulagé du déroulement de la réouverture de son théâtre vendredi soir.

C’est un grand soulagement après coup. Depuis une semaine, toute l’équipe était anxieuse, fébrile, en s’assurant de bien préparer ce retour du public. On était pressés par le temps. Il fallait répondre à mille questions. Vendredi, quand on a enfin pu ouvrir les portes du théâtre, à 18 h 40, tout s’est bien passé, avec fluidité, dans le respect des consignes.

Olivier Bertrand, directeur artistique de La Chapelle

Malgré les contraintes et la lourdeur du protocole sanitaire, le plaisir de jouer et de voir du théâtre demeure bien présent aux yeux du directeur. Il a hâte au 6 avril, pour présenter le prochain spectacle de l’homme de théâtre Jérémie Niel et de la chorégraphe Catherine Gaudet. « À notre échelle, c’est formidable de rester ouverts, dit Bertrand. La Chapelle est un espace restreint. On dépend moins de la billetterie. Je n’ai pratiquement rien changé à la programmation initiale. On parle de troisième vague… Je sais bien que les choses peuvent rapidement évoluer. Mais j’essaie de voir toujours le verre à moitié plein. »

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