Guylaine Tremblay va enfin jouer Les étés souterrains, un solo écrit sur mesure par Steve Gagnon pour la vedette d’Unité 9, qui devait le jouer il y a un an. La Presse a rencontré la comédienne cette semaine en compagnie d’Édith Patenaude, qui signe la mise en scène de cette production fort prometteuse.

Les premières répliques des Étés souterrains, une pièce de Steve Gagnon écrite il y a deux ans pour Guylaine Tremblay, ressemblent à un cri du cœur des artistes privés de public depuis trop longtemps :

« Que ça fait du bien ! Juste d’être ici. De vous retrouver, mes amis d’amour. »

« C’est incroyable que la pièce commence ainsi, car c’est exactement ce que je ressens à quelques jours de retrouver enfin le public », confie Guylaine Tremblay à La Presse, lorsqu’on la retrouve dans le décor de la production, avec la metteuse en scène Édith Patenaude, au Théâtre La Licorne.

Le spectacle, présenté jusqu’au 8 mai, est déjà complet. Tous les billets se sont vendus en une heure ! « Mais on va le reprendre plus tard, nous confirme Guylaine Tremblay. On ne peut pas dire quand… C’est une trop belle pièce pour la jouer sans avoir pu rejoindre son public. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Édith Patenaude, Guylaine Tremblay et Steve Gagnon

Mesures sanitaires obligent, la comédienne jouera devant 50 spectateurs. Est-elle contrariée par la situation ?

« Pas du tout. Vous savez, l’être humain a une grande capacité à s’adapter. Il y a un an, vous m’auriez dit que j’allais jouer devant 50 personnes, j’aurais pensé, ça s’appelle un flop. Aujourd’hui, je suis aussi fébrile de monter sur scène devant 50 spectateurs que pour 800 personnes. »

J’ai l’impression – espérons-le du moins – que chaque soir va être magique. Il y aura moins de monde, mais les gens présents seront remplis du désir de (re)voir du théâtre. Ils vont boire les mots de Steve [Gagnon].

Guylaine Tremblay

Un accouchement tardif

La comédienne a commencé à apprendre le texte il y a… 14 mois ! La production, qui devait prendre l’affiche le 14 avril 2020, a été reportée à plusieurs reprises. Le 2 mars dernier, avant l’annonce de la réouverture des théâtres à Montréal, La Licorne a fait une « générale » devant les concepteurs. « On disait à la blague : c’est notre première… et notre dernière. »

Finalement, l’année de pause aura été bénéfique pour la production. « On serait arrivés à temps en 2020, mais tout le monde a fait un bout de chemin et poussé ses réflexions sur la pièce, explique Édith Patenaude. On a démystifié des enjeux autour de la conception de l’éclairage, du décor, de la mise en scène et de la vidéo intégrée au récit. »

Guylaine Tremblay prend la balle au bond : « De mon côté, une fois l’adrénaline du printemps dernier retombée, j’ai pu relire le texte doucement, sans aucun souci de mémorisation ou de performance. Les mots se sont déposés et le personnage m’est apparu plus clairement. Ce temps de digestion m’a permis de faire d’autres propositions à Édith [Patenaude]. »

Femme de personne

Les étés souterrains est une incursion dans la vie d’une professeure d’histoire de l’art dans la cinquantaine qui, année après année, durant ses vacances, retrouve des amis en Provence. C’est une femme chaleureuse, vivante, libre et très émancipée. Elle est aussi d’une grande franchise et s’assume complètement. « Par exemple, elle réplique à un homme : “Voyons, il est super, mon corps ! Tu ne le trouves pas beau, mon corps ? !” C’est rare d’entendre une femme de plus de 50 ans parler comme ça de son corps », s’étonne son interprète.

Cette femme parle beaucoup et elle en est fière. « On bâtit pas juste avec les mains, dit-elle dans la pièce. On bâtit avec la parole. Je fais pas juste parler ; je construis. »

C’est presque une définition du théâtre ? « Tout à fait ! répond Guylaine Tremblay. La force du théâtre, c’est la parole. Je suis convaincue qu’un peuple ou une personne qui ne parle pas, qui ne nomme jamais les choses, fait en sorte que rien ne change. »

La pièce aborde aussi le thème de la solitude, de l’isolement… ce qui a pris une résonance encore plus forte depuis la pandémie.

Depuis 12 mois, on a tous été forcés à une forme d’introspection – bien que très variable selon le contexte sociofamilial. Du moins, on a tous été immobilisés quelque part. Or, la pièce raconte l’histoire d’une femme extravertie qui a aussi besoin de solitude. Une femme “impudique du corps, mais pudique du cœur”, comme elle se décrit.

Édith Patenaude, qui signe la mise en scène de la pièce

Contrairement à ce que bien des gens peuvent penser, cette pudeur s’applique aussi à Guylaine Trembay. « Je suis une verbomotrice qui aime s’exprimer en public. J’ai une image de femme très extravertie. Or, j’ai aussi, comme le personnage, besoin de solitude pour m’aider à savoir qui je suis réellement. Car il faut se retrouver seul pour revenir à l’essence de ce que nous sommes. »

« Avec mon métier, je suis souvent en représentation devant les gens. Mais dans ma vie, j’ai un jardin secret. Personne, sauf mes proches, ne sait qui je suis véritablement », conclut la populaire actrice.

La pièce Les étés souterrains affiche complet à La Licorne jusqu’au 8 mai. Mais la direction doit annoncer bientôt de nouvelles dates pour des représentations plus tard en 2021.

> Consultez le site web du Théâtre La Licorne