(Montréal) Des flèches sur les murs, des pastilles au sol. Des poteaux ou cordons de sécurité, une borne de gel désinfectant. Port du masque à l’intérieur des lieux communs, jusqu’ici rien de nouveau. Beaucoup a été dit sur les mesures sanitaires dans les salles de spectacles et autres lieux publics. Mais en vrai, c’est comment de jouer dans une salle au quart de sa capacité ?

François-Simon Poirier, qui tient l’affiche de Toutes choses parfaites au théâtre Duceppe, pensait plus à l’idée de renouer avec le public qu’à la COVID-19. Dans un théâtre qui compte désormais 177 places en tenant compte de la distanciation, « c’est sûr que ce n’est pas tout à fait pareil. Mais c’est mieux que je pensais, les gens sont plus chaleureux. Ils étaient contents que ça reprenne. Ça donne un autre feeling, une espèce de magie du moment, une complicité ».

Maude Hébert se trouve aussi privilégiée de faire partie de ceux et celles qui sont allés voir une pièce depuis la réouverture. « C’était bien excitant. On n’était pas du tout dans l’appréhension. Toutes les mesures étaient prises », poursuit la femme de 31 ans. Comme M. Poirier, elle a noté la fébrilité dans l’air, la joie de croiser des amis.

Le comédien compare l’expérience de jouer devant une foule éparpillée à celle d’un exposé oral en expliquant que « faire un exposé devant cinq personnes, c’est plus stressant que devant une classe pleine ».

Pour celui qui avait hâte de renouer avec le public, c’est toutefois un sentiment qui s’estompe rapidement. « Même s’il y a moins de réactions, il faut que je donne le même spectacle ». Pour son collègue Anglesh Major, qui lui succèdera sur la même scène, il a les mots suivants : « “Have fun”, puis c’est à peu près comme d’habitude. »

Le jeune comédien de 28 ans, qui campera King Dave dans la pièce du même nom à compter du 29 septembre, trouve « qu’il y a quelque chose d’intime dans la manière dont la scène est construite. Donc je n’ai pas l’impression que j’aurai à remplir un vide immense. Je veux juste que mon énergie enveloppe la salle. »

Au-delà des attentes qui viennent avec le fait de porter un solo sur ses épaules, c’est le privilège de se voir offrir un si grand rôle, surtout à son âge, qui lui vient en tête. Il est également heureux d’avoir pu collaborer au texte et de pouvoir apporter une nouvelle langue au théâtre. Celle qu’il entend en se promenant dans la métropole, celle qu’il parle avec ses amis.

Le public en redemande

Le public est au rendez-vous de ces expériences théâtrales nouveau genre. Il n’y a qu’à constater les représentations qui affichent déjà complet. C’est justement le cas du spectacle Toutes les choses parfaites. Des supplémentaires ont d’ailleurs été ajoutées les 20, 22 et 27 septembre. C’est aussi le cas de Je suis mixte, pièce de Mathieu Quesnel, dont même les supplémentaires affichent complet. Cette reprise jouée à La Licorne était la première à fouler les planches et ouvrait le bal de cette saison hors norme.

Navet Confit apparaît sur Zoom avec deux tranches de bacon en arrière-plan, pour une entrevue à propos de ce spectacle déjanté qu’il joue aux côtés de ses comparses Benoit Mauffette et Yves Jacques. « C’est le club des bons amis ! » lance Yves Jacques en évoquant le quatrième automne consécutif qu’ils partagent sur scène. Les deux comédiens décrivent à la blague, l’ambiance en salle comme une salle de cinéma d’auteur. Ils affirment tout de même ressentir l’engagement et le soutien du public bien que la capacité de la salle est passée de 200 à 50.

« Mathieu avait pensé ajouter quelque chose pour souligner le fait qu’on jouait en temps de pandémie, explique Navet Confit, mais l’idée a été écartée. Oui on arrive sur scène avec des masques, mais je pense que ça fait du bien quand t’arrives dans une zone de fiction, qu’il y ait une brèche qui s’ouvre. Les gens ont envie de parler d’autres choses ».

Ils seront au Périscope à Québec du 1er au 10 octobre où il ne reste plus que quelques places. Ensuite ils reviendront à Montréal pour poursuivre la tournée dans quelques Maisons de la culture.

Les grandes retrouvailles

« Le public de théâtre de Québec est extrêmement fidèle », confirme Sophie Vaillancourt-Léonard du côté du Trident. « Il est au rendez-vous. Je dirais même qu’il nous attendait. » Le Théâtre du Trident qui avait prévu de grandes manifestations sur scènes et pour le public pour sa saison anniversaire a revu sa programmation. « Jamais on s’est dit : on annule les 50 ans. Au lieu, faisons plein de petites fêtes. Notre but était aussi de faire travailler le plus de gens possible. »

Ce sont quatre spectacles solos qui ont été montés pour ce que Le Trident appelle Les grandes retrouvailles. Les représentations sont prévues dans quatre endroits différents à 18 h 30 et à 20 h pour permettre aux gens de voir deux spectacles la même soirée s’ils le veulent.