Il a été, pendant plus de 50 ans, la voix et le visage de nombreux personnages tant sur les planches qu’à la télévision ou au cinéma. Jacques Galipeau s’est éteint à l’aube, dimanche, à l’âge de 96 ans.

Né en septembre 1923, Jacques Galipeau a connu une carrière d’une longévité remarquable. De ses premières expériences au Théâtre des Noctambules au début des années 50 jusqu’au film La turbulence des fluides de Manon Briand en 2002, il a enchaîné de nombreux rôles dont ses plus marquants ont sans doute été au petit écran.

Au milieu des années 50, il est Octavien Tourangeau dans le téléroman Le Survenant, scénarisé par Germaine Guèvremont. Il reprendra le même rôle dans Marie-Didace, en 1958. En 1969, il se joint à la distribution des Belles histoires des pays d’en haut pour jouer le rôle de Cléophas Destulipes, dit « le grand Cléophas », aux côtés de Jean-Pierre Masson et Andrée Champagne, célèbres Séraphin et Donalda Poudrier de l’époque.

De 1974 à 1976, il incarne Edmond, le père du clan Germain, cette famille modeste de l’après-guerre dont le quotidien était raconté chaque semaine à Radio-Canada dans La Petite Patrie. Vincent Bilodeau jouait alors le fils, alter ego de l’auteur Claude Jasmin. « Ça m’a vraiment touché d’apprendre le décès de Jacques, car j’ai un souvenir très tendre de lui », dit M. Bilodeau.

C’était un homme d’une gentillesse unique, extraordinaire. Il était très discret, très réservé, à la limite de la timidité, mais il était aussi un pince-sans-rire qui pouvait vous sortir une blague avec le plus sérieux des visages. Par son tempérament réservé, il ressemblait beaucoup au véritable père de Claude Jasmin, que nous avions rencontré lors des tournages.

Vincent Bilodeau, qui a joué aux côtés de jacques Galipeau

Du théâtre au cinéma

Sa carrière théâtrale s’amorce au milieu du siècle alors qu’il est membre de la Compagnie du masque, à Montréal. Il y fait alors la rencontre de l’auteure-compositrice-interprète et actrice Pauline Julien. Il l’épouse en 1950 et le couple s’envole pour un séjour parisien qui durera six ans. Ils auront deux enfants, Pascale et Nicolas, avant de divorcer en 1957. Il est aussi le père de trois autres enfants, soit Isabelle, Laure et notre collègue, la journaliste Silvia Galipeau.

C’est à Paris que Kim Yaroshevskaya rencontre Jacques Galipeau. Il en est resté entre eux une amitié indéfectible. « C’était un être vraiment exceptionnel. On a fait beaucoup de théâtre ensemble, notamment du Ionesco. On a joué La cantatrice chauve, La leçon, Macbett. » Dans cette dernière production, au TNM en 1973, il interprétait Duncan et Kim Yaroshevskaya, Lady Duncan.

La dernière fois qu’on a joué ensemble, c’était dans Le malentendu de Camus, au TNM, en 1993. C’était quelqu’un de très dynamique avec un sens de l’humour très remontant ! Il était très fantaisiste et parlait de toutes sortes de choses. C’était très agréable de le côtoyer.

Kim Yaroshevskaya, qui a joué aux côtés de Jacques Galipeau

Les théâtres de Montréal le verront souvent apparaître sur leurs planches, où il participera à une cinquantaine de productions. Il est de L’alouette de Jean Anouilh, mise en scène par Gratien Gélinas à la Comédie canadienne en 1958. Au TNM, en 1972, il joue le rôle-titre dans Jules César de Shakespeare et partage alors la scène avec plusieurs grosses pointures, dont Jean-Louis Roux et Gilles Pelletier. Il endosse aussi le rôle principal du Maire dans Medium Saignant, célèbre pièce signée Françoise Loranger, revisitée en 1976 à la compagnie Jean Duceppe.

Il participe, souvent avec des seconds rôles, à des pièces de Shakespeare, d’Ionesco ou de Miller au TNM et porte les répliques de Corneille ou de Molière à la Nouvelle Compagnie Théâtrale du Théâtre Denise-Pelletier. Au milieu des années 90, à l’âge de 72 ans, il interprète Feraponte dans Les trois sœurs de Tchékhov, dans une mise en scène d’Yves Desgagnés.

Au cinéma, il aura l’occasion de jouer sous la direction de réalisateurs et de réalisatrices de renom : outre Manon Briand pour La turbulence des fluides (son dernier rôle au grand écran en 2002), il est dirigé par Léa Pool dans Emporte-moi (1999), Jean-Marc Vallée dans Liste noire (1995) ou encore Jean-Claude Lord, pour Bingo (1974).