En 2020, au théâtre, c’est l’ère de la conscientisation. Les compagnies programment de plus en plus des œuvres qui abordent des questions graves et cruciales pour l’avenir de la planète. Au péril climatique, le théâtre répond par l’urgence artistique. Comme chez Duceppe, où l’on propose ici en primeur une scénographie écoresponsable, de « la construction du décor jusqu’au choix des accessoires ».

C’est avec cet état d’esprit que Duceppe présente Les enfants. Créée à Londres en 2016, et reprise depuis au Royaume-Uni et en Amérique du Nord, la pièce de la Britannique Lucy Kirkwood symbolise la prise de conscience environnementale de la jeune génération, les 20-35 ans. Elle touche à plusieurs thèmes, des enjeux climatiques aux legs des générations, en passant par le couple, la famille, la responsabilité sociale et citoyenne.

Après la catastrophe

La scène se passe dans le chalet de deux ingénieurs à la retraite forcée. Si Adèle et Robin sont retraités, ils sont surtout survivants d’un tsunami qui a provoqué un accident à la centrale nucléaire où ils travaillaient. L’auteure s’est inspirée de la catastrophe de Fukushima au Japon, bien que l’action soit située en Angleterre, dans une région non spécifiée, au bord de la mer. Toutefois, le huis clos pourrait se dérouler n’importe où, même au Québec. L’excellente traduction de Maryse Warda fait sonner le texte dans une langue proche de nous.

Le quotidien du couple est bousculé par l’arrivée d’une vieille amie, Rose (Chantal Baril) qui tarde à lui dire pourquoi elle est venue. Or, on comprendra plus tard que sa visite n’est pas inopinée. Rose, une éternelle célibataire qui a passé à travers bien des épreuves, jugera le conformisme et le quotidien « douillet » d’Adèle et de Robin (Danielle Proulx et Germain Houde, fort convaincants en amoureux routiniers). La personnalité tranchante de Rose contraste avec celle de ses deux amis. Elle est efficacement rendue par l’immense talent de Chantal Baril, une actrice qu’on ne se lasse jamais de voir sur scène !

Bonheur d’occasion

« Comment organiser son bonheur personnel sans hypothéquer l’avenir des autres ? » Telle est la question au cœur de la pièce de Kirkwood. Malheureusement, dans la production signée Marie-Hélène Gendreau, on ne sent pas du tout ce confort matériel ni le bonheur personnel des protagonistes. Et le décor réalisé par Marie-Renée Bourget Harvey suggère tout… sauf un « nid douillet ».

Soyons francs, le radeau de ce couple de « boomers » est à la dérive. Leur amour rapiécé coule de partout, à l’image de leur cuvette qui déborde. Un détail qui nous vaut une scène de dégât d’eau superflue. Alors qu’elle semble avoir tout perdu, on comprend mal pourquoi Adèle refuse la demande de Rose. Si sa génération s’accroche à quelque chose, c’est plus à un cauchemar qu’au bonheur.

Dans le récit apocalyptique de ces trois grands enfants, les babines ne suivent pas les bottines. Les personnages semblent prisonniers d’une histoire qui n’est pas la leur. Et leur héritage, élément essentiel à l’argument de la pièce, semble aussi mince que les feuilles de laitue qu’ils avalent en guise de souper.