Michel Monty a ajouté une épaisse sauce de farce dans sa mise en scène du Malade imaginaire, à l’affiche du Rideau Vert. Sa lecture du classique de Molière est complètement malade ! Elle fait penser à un sketch de la famille Paré dans La petite vie, de Claude Meunier. 

Pour le meilleur et pour le pire…

Habillé en mou avec une tuque du Canadien sur la tête, cloué à son « La-Z-Boy », Argan s’apparente d’entrée de jeu au Popa de Meunier, en plus « magané ». Sa servante, l’incontournable Toinette, est aussi hystérique que la rebelle Caro. Enfin, sa seconde femme, la belle Béline, n’a rien à envier à la superficielle Lison avec ses tenues monochromes.

Vous voilà donc avertis : cette production nage dans l’irrévérence. D’ailleurs, dans le programme de la soirée, la directrice artistique Denise Filiatrault écrit, en guise de réponse à ceux qui se demandent pourquoi remonter Le malade imaginaire en 2020 : « Parce que Michel Monty s’engage à prendre la pièce à bras le corps, à l’ausculter sous toutes ses coutures, la faire tousser et recracher sa substantifique moelle pour lui restituer sa santé et sa jeunesse. » 

Pourquoi pas ? En 350 ans, Molière en a vu bien d’autres. Voyons voir ce qui cloche ici…

PHOTOJEAN-FRANÇOIS HAMELIN, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Luc Guérin dans Le malade imaginaire

Peur d’avoir peur

Croyant souffrir de tous les maux et infections du monde, Argan (formidable Luc Guérin !) a peur de mourir. Chaque jour, l’hypocondriaque en chef demande l’aide de médecins pour calmer son angoisse de la mort. Le père veut même marier sa fille unique à un futur praticien imbécile. Mais Angélique (Anne-Marie Binette, survoltée) aime Cléante (Maxime Mompérousse, suave en jeune premier déjanté) ; elle défie son père qui, sur les conseils de l’hypocrite Béline (Émilie Lajoie, hilarante en parvenue chromée), menace de l’envoyer au couvent. Chacun, à sa manière, profite de la faiblesse d’Argan. Mais Toinette (Violette Chauveau, qui tire un peu la couverte) veille au grain. Finalement, la servante au grand cœur fera triompher l’amour… Et le bon sens. 

Secouer le monument

Le metteur en scène ne se prive de rien. Il secoue Molière, ce « monument » du théâtre français, de tous bords tous côtés, avec une bonne dose d’autodérision. La distribution s’en donne aussi à cœur joie. Outre la solide performance de Luc Guérin, le notaire de Benoît Mauffette est hallucinant ! Le docteur Diafoirus et son affligeant fils sont défendus avec aplomb par Patrice Coquereau et Frédérick Tremblay. 

Toutefois, à force de vouloir faire rire à tout prix, Michel Monty noie son dindon dans la farce satirique. Sa direction occulte la part sombre de l’œuvre, la réflexion et les thèmes sérieux sous-jacents à la comédie de Molière : l’angoisse de la mort, bien sûr, mais aussi la solitude, la convoitise, le charlatanisme, la bêtise des pseudo-savants… 

Car, sous les phobies du malade imaginaire, on trouve un peu nous, ô mortels !, plus préoccupés par nos bilans de santé que par l’état de la Cité ; affolés que le moindre virus se transforme en épidémie. À force de craindre la mort, le pauvre Argan finit par passer à côté de la vie.

Malheureusement, Michel Monty efface toute trace dramatique dans son Malade. Il s’amuse avec Molière, fait capoter la pièce dans tous les sens (de La Bolduc à Dynasty en passant par le cinéma d’horreur). On apprécie l’irrévérence, on comprend le grotesque, mais on repassera pour la pertinence. Trop, c’est comme pas assez.

Le malade imaginaire
Mise en scène de Michel Monty
Avec Luc Guérin, Violette Chauveau, Patrice Coquereau
Au Rideau Vert, jusqu’au 29 février
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