C’est dans l’air du temps parmi les créations en théâtre au Québec. D’Annick Lefebvre à Olivier Arteau, une génération d’artistes, née entre les deux référendums sur la souveraineté, sent le besoin de se réapproprier l’histoire, les mythes et les grands projets qui ont marqué la société québécoise après la Révolution tranquille, dont, bien sûr, la question nationale qui a divisé les générations précédentes.

« Comme si l’ambition politique avait tué le rêve d’un pays ? », s’interroge Gabriel Plante, lauréat du prix Gratien-Gélinas du meilleur texte d’un auteur émergent en 2016 pour Histoire populaire et sensationnelle. Cette pièce sera présentée à Espace Libre mardi dans une mise en scène de Félix-Antoine Boutin, avec entre autres Christian Bégin, Jacques L’Heureux, Philippe Boutin et Sébastien David.

La pièce raconte une histoire d’héritage et de transmission. On y assiste à l’étrange quête d’identité de Zandré (sic), dont les parents — des baby-boomers felquistes joués par Bégin et L’Heureux — ont « troqué la vie du ministre Pierre Laporte contre de prodigieuses allocations familiales ». Le jour de son 18e anniversaire, le fils décide de quitter la maison familiale pour affronter le monde extérieur. Il réalise alors qu’on ne lui a rien appris, ni à lire, ni à écrire, ni à aimer. Pire, il ne connaît même pas son nom ! 

Aux yeux de l’auteur de 32 ans, sa pièce est un palimpseste impressionniste, une fable drôle, parfois grotesque, sur le legs que les boomers ont laissé à sa génération. Sent-il une colère des jeunes face à cet héritage et l’état des lieux au Québec ? « [En quelque sorte], il y a un peu de colère et de déception, mais ce n’est pas le message de base qu’on veut transmettre avec le spectacle, répond Plante. On est plus dans le désir de réinventer le projet collectif. Peut-on faire un troisième référendum et passer à une autre étape s’il vous plaît ? »

« En revisitant la mythologie québécoise, Gabriel [Plante] a écrit une uchronie, explique Sébastien David, une fiction qui repose sur la réécriture de l’Histoire à partir de la modification du passé. Chaque génération fait ses révolutions pour finir par se contenter de lieux communs. L’Histoire est une roue qui tourne. »

Liberté de création

Félix-Antoine Boutin et Gabriel Plante produisent le spectacle avec leur compagnie, Création Dans la chambre. Ils sont contents de le présenter sur la scène d’Espace Libre. « Il existe un lien filial entre l’héritage d’Espace Libre, du Nouveau Théâtre Expérimental et notre travail, disent-ils. Depuis 40 ans, cette maison théâtrale est un lieu de liberté artistique et ça nous sied bien. »

D’ailleurs, les créateurs aimeraient bien qu’Histoire populaire et sensationnelle participe à la discussion théâtrale, difficile à tenir avec le rythme et les moyens de production actuels mais nécessaire pour la suite des choses et du monde. « J’ai voulu me réapproprier l’héritage québécois, en intégrant ses mythes, ses récits et ses fictions dans un nouvel univers, baroque, bigarré et ouvert, afin de laisser toute la place à l’imagination du spectateur, conclut Gabriel Plante. Ma pièce est satirique, mais il y a aussi beaucoup de tendresse. »

Au Théâtre Espace Libre, du 28 janvier au 8 février.

Consultez le site du spectacle : http://espacelibre.qc.ca/spectacle/saison-2019-2020/histoire-populaire-et-sensationnelle