Le jeune dramaturge et metteur en scène Olivier Arteau a beau avoir gagné ses lettres de noblesse à Québec, c’est à Montréal qu’il passera l’hiver, notamment au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, où il présentera sa pièce Made in Beautiful (La Belle Province) dès le 14 janvier. Puis Maurice, au mois de mars, ce projet théâtral de la comédienne Anne-Marie Olivier, présenté chaque soir avec un spectateur choisi au hasard.

On lui fait remarquer qu’il a un véritable nom d’artiste. Peut-être est-ce grâce à l’aura d’un autre « Artaud », Antonin celui-là, mais force est d’admettre que ça sonne plutôt bien, Olivier Arteau. L’acteur et metteur en scène accepte le compliment avec amusement et confesse avoir coupé le « Gauthier » de son nom…

Toujours est-il qu’Olivier Arteau est une nouvelle voix de la dramaturgie québécoise qui ne manque pas d’originalité. Le jeune homme de 27 ans, qui a grandi à Joliette avant de migrer à Montréal pour étudier en théâtre au cégep de Saint-Laurent, entame une résidence d’artiste de deux ans au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CDTA).

Avant d’entrer au Conservatoire d’art dramatique de Québec, il est parti en Biélorussie pour étudier la méthode de jeu Stanislavski. Une technique qui consiste essentiellement à puiser dans ses émotions pour « jouer vrai ». 

J’avais entendu dire que les traductions françaises n’étaient pas exactes, donc, moi à 19 ans, j’étais crinqué, je me suis dit que j’irais là-bas pour apprendre la vraie méthode !

Olivier Arteau

Ce qu’il a retenu ? « En gros, ils observent la vérité par le geste et non par la parole, répond-il, et je pense que ce principe-là a dicté mon parcours par la suite. En rentrant, je me suis d’ailleurs inscrit en danse à l’UQAM avant d’aller au Conservatoire… »

Ses pièces Doggy dans gravel et Antigone témoignent de cette approche où le texte se construit finalement après plusieurs heures d’improvisations et de répétitions.

Made in Beautiful (La Belle Province), créée à Québec il y a deux ans, relève du même procédé. Ce qui n’a pas empêché l’auteur d’y étoffer un propos. La pièce est construite autour du personnage de Linda, qui réunit chaque année sa famille le jour de… l’Halloween. Autour d’elle, on retrouvera sa fille, son ex-mari (devenu gai), sa sœur, le chum de sa sœur, son frère, sa cousine, sa mère aussi.

Chaque année, donc, le clan qu’on pourrait dire issu d’une classe disons (très) moyenne se rassemblera autour du personnage de Linda, qui tentera — tant bien que mal — d’élever le niveau de la discussion, notamment en abordant des sujets d’actualité ou de politique.

PHOTO YAN DOUBLET, ARCHIVES LE SOLEIL

Dans Made in Beautiful (La Belle Province), Olivier Arteau a voulu reprendre l’idée du legs reçu en tant qu’individu, mais aussi en tant que membre d’une génération qui ne partage pas les mêmes craintes que les plus vieux.

« Cette pièce est une recherche identitaire sur la révolution dans laquelle je suis né en tant que Québécois, nous dit tout de go Olivier Arteau, qui a vu le jour en 1992. J’ai réalisé que je ne m’étais jamais fait raconter les grandes histoires du Québec. Il n’y a pas eu de transmission. Donc, le spectacle commence avec le référendum de 1995 et se poursuit avec le bogue de l’an 2000, #metoo, le mariage de même sexe, le printemps érable, etc. »

Olivier Arteau a voulu reprendre cette idée du legs reçu en tant qu’individu, mais aussi en tant que membre d’une génération (Y) qui ne partage pas les mêmes craintes que les plus vieux…

« Par rapport à la langue, illustre-t-il, je n’ai pas les mêmes inquiétudes que mes parents ou mes grands-parents. Peut-être parce qu’on cherche à avoir une ouverture sur le monde qui soit la plus grande possible, j’ai de la difficulté à voir les dangers qui nous guettent, même si je conviens que la langue est en mutation. » 

Le but du show est justement de créer un dialogue pour se parler de ces enjeux, pour me contredire aussi.

Olivier Arteau

Pendant deux heures, les personnages de la pièce aborderont ainsi (non sans humour) des sujets qui ont marqué l’actualité au cours d’une douzaine de ces soirées déguisées où les discussions fuseront, du banal au moins banal. Des discussions tenues à bout de bras par Linda, qui souffre de la maladie d’Alzheimer.

« Elle lutte un peu contre l’ignorance du reste de la famille, précise Olivier Arteau. Si on n’a plus Linda et si on perd cette grand-mère qui va plus tard mourir, qui reste-t-il pour nous raconter ce qui s’est passé avant ? C’est comme les seules détentrices de tout ce passé-là, et ce sont elles qui peuvent nous aider à comprendre ce qui se passe aujourd’hui. »

Malgré eux, les membres de cette famille chaotique évolueront au fil de ces soirées costumées qui se dérouleront sur une période de 25 ans.

« On évolue selon les enjeux qui nous concernent, croit Olivier Arteau. C’est pas vrai que tout le monde évolue également. On ne peut pas embrasser tous les enjeux non plus, toutes les causes. C’est vrai qu’à certains moments, il y a des personnages qui ont des commentaires racistes, ça relève de l’ignorance, mais ce que je veux dire, c’est qu’il ne faut pas dénigrer cette ignorance, parce que les points de vue des gens changent. »

À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, du 14 au 31 janvier

Trois autres projets d’Olivier Arteau

Hope Town

C’est l’occasion de voir Olivier Arteau, l’acteur, qui est l’une des têtes d’affiche de cette pièce de Pascale Renaud-Hébert mise en scène par Marie-Hélène Gendreau. L’argument en quelques lignes : Isabelle passe des vacances en Gaspésie avec son chum Francis. Dans un Subway de Hope Town, elle se retrouve nez à nez avec son frère Olivier (Olivier Arteau) disparu six ans plus tôt à l’âge de 16 ans. « C’est une réflexion sur la famille. Est-ce qu’on a le droit de ne pas aimer sa famille ? Pourquoi l’a-t-il quittée ? Il y aura une tentative de réconciliation. C’est un texte qui est vraiment intéressant », nous dit-il.

À La Licorne, du 29 février au 7 mars

Maurice

Toujours en mars, Olivier Arteau mettra en scène ce projet théâtral de la brillante femme de théâtre de Québec Anne-Marie Olivier. L’auteure et comédienne, qui est aussi directrice artistique du Théâtre du Trident, a créé ce projet à la suite d’une série de rencontres qu’elle a eues avec Maurice Dancause, qui souffre d’aphasie depuis plusieurs années. Maurice est le résultat de ces rencontres qui ont été regroupées en une douzaine de sujets. Chaque soir, elle incarnera le personnage de Maurice et recréera les conversations qu'elle a eue avec lui avec des spectateurs choisis au hasard.

À la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, du 24 mars au 11 avril

Pisser debout sans lever sa jupe

C’est le titre volontairement provocateur de la nouvelle création d’Olivier Arteau, qui sera programmée au cours de la prochaine saison du CDTA, toujours dans le cadre de sa résidence d’artiste. Une pièce sur « la honte du féminin et l’hégémonie de l’homme hétéronormatif », même si les choses s’améliorent, croit Olivier Arteau. « C’est quelque chose qui me pousse à adopter une attitude la plus masculine possible et d’inhiber toute forme de féminité », précise-t-il. Le dramaturge fera une résidence de deux semaines en mai au Studio Vasse à Nantes, à l’invitation du chorégraphe Yvann Alexandre.

Au Centre du Théâtre d’Aujourd’hui, à la saison 2020-2021