Ariel Ifergan vit par les temps qui courent une des plus prolifiques périodes de ses 20 ans de carrière.

De plus en plus présent à la télévision — Alerte Amber, Cerebrum, Ruptures et L’effet secondaire, notamment —, l’acteur a interprété le rôle du philosophe Spinoza dans le dernier film de Micheline Lanctôt, Une manière de vivre. Et voilà qu’il va endosser le rôle-titre de la pièce Adieu Monsieur Haffmann, qui ouvre la saison du Rideau Vert mardi.

La pièce écrite par Jean-Philippe Daguerre a remporté quatre prix Molière lors de sa création en 2018, en France. En 1940, dans Paris sous occupation allemande, où les lois antisémites s’installent lentement mais sûrement, un bijoutier juif décide de céder sa boutique à son assistant catholique, à la condition que ce dernier accepte de le cacher dans le sous-sol du commerce. Entre Joseph Haffmann, Pierre Vigneau et sa femme (interprétés par Renaud Paradis et Julie Daoust) va s’installer une danse où le meilleur et le pire de l’être humain vont se manifester.

Linda Sorgini et Laurent Lucas — qui effectue sa première apparition sur scène dans son Québec d’adoption — complètent la distribution.

C’est la metteure en scène et directrice artistique du Rideau Vert, Denise Filiatrault, qui a offert le rôle du bijoutier à Ariel Ifergan.

« J’avais joué pour elle dans Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ? en 2017 et elle a pensé à moi pour ce rôle. J’ai accepté sur-le-champ, même si je ne connaissais pas la pièce. À la lecture, j’ai trouvé le texte très bien écrit, la pièce, bien construite. On sent bien les enjeux psychologiques des personnages, leur humanité. Aujourd’hui, toute l’histoire de la Seconde Guerre mondiale peut sembler noire ou blanche. On peut se dire qu’on aurait su quoi faire dans telle ou telle situation, mais en 1940, c’était difficile de savoir ce qui allait se passer. La propagande antisémite était très présente, comme le prouvent les extraits radio qu’on entend sur scène. »

La pièce est très réaliste ; certains personnages ont d’ailleurs existé. C’est un drame, mais il y a tout de même plusieurs moments où le public va rire. Peut-être nerveusement…

Ariel Ifergan

Fils d’un père juif sépharade né au Maroc et d’une mère française — qui se sont rencontrés à un arrêt d’autobus du quartier Côte-des-Neiges —, Ariel Ifergan admet qu’il a pu aisément se reconnaître dans le personnage de Monsieur Haffmann. « Il a le même âge que moi, est père de famille comme moi. Ça a nourri mon travail de comédien. »

Question délicate de la journaliste : est-ce que le rôle devait obligatoirement être porté par un comédien d’origine juive, comme lui ?

« Je suis extrêmement content qu’on m’ait confié ce rôle, mais non, ce n’est pas une obligation à mes yeux. Je suis très heureux qu’on se pose de grandes questions sur la diversité et sur la condition féminine dans les arts. On progresse et c’est génial. Mais il n’existe pas de solutions toutes simples à ce débat complexe. Il ne suffit pas de dire que le comédien doit avoir la même nationalité, la même couleur de peau et la même religion pour obtenir un rôle. »

S’il faut passer un test d’ADN avant de décrocher un rôle, c’est contre-productif et ça peut être une arme à double tranchant. Je prône plus de subtilité… J’aime notamment le fait que plusieurs des rôles que j’ai joués à la télé récemment avaient une nationalité étrangère, oui, mais que ce n’était pas l’élément central du personnage.

Ariel Ifergan

D’ailleurs, on lui a très souvent confié des rôles de Maghrébins ou de personnages de confession musulmane, dans le téléroman Virginie notamment ou dans la pièce La maison aux 67 langues, présentée à La Licorne en 2019. « Mon père étant né au Maroc, je me sens plus proche des Maghrébins que des juifs polonais, disons. Je viens de deux familles tellement différentes, j’ai des amis qui ont cinq ou six origines dans leur arbre généalogique… Moi, je suis avant tout Montréalais ! »

Un Montréalais qui, comme tous les autres Montréalais, a connu avec une bonne dose d’anxiété l’apparition de la COVID-19 et le confinement qui en a découlé. « Avec les autres comédiens, on a réfléchi à certains parallèles entre la situation actuelle et celle que vivent les personnages de la pièce. Bien sûr, les deux époques ne se comparent pas, mais dans les deux cas, on ne sait pas le temps que ça va durer ni comment tout ça va se terminer. Imaginez vivre tout ça en temps de guerre, alors qu’on risque sa vie… Monsieur Haffmann est caché dans la cave et il ne sait pas si c’est pour quelques semaines, quelques années ou pour toujours ! »

Adieu Monsieur Haffmann sera présenté au Rideau Vert dès le 29 septembre. Supplémentaires annoncées jusqu’au 14 novembre.

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