(Paris) Son grand frère, le Festival d’Édimbourg, a été annulé. Mais en pleine pandémie, le Festival d’Avignon, la plus célèbre manifestation théâtrale au monde, croit encore à une édition 2020.

C’est un peu En attendant Godot : l’ensemble des festivals d’été en France, ceux de musiques actuelles comme ceux du lyrique (Festival d’Aix-en-Provence, Chorégies d’Orange, etc.) attendent un miracle, celui d’un déconfinement début mai, suivi d’une réautorisation des rassemblements.

« On est inquiet, mais on a encore de l’espoir », affirme à l’AFP le directeur du Festival d’Avignon Olivier Py, qui a dévoilé mercredi, en ligne, la programmation « rêvée » de l’édition 2020 (3-23 juillet).

Dans cette présentation, chaque artiste évoque son spectacle brièvement de sa chambre, son salon, son jardin. Pas moins de 45 spectacles et 65 % d’artistes internationaux sont annoncés.

Est évoquée la possibilité d’un report ou d’une forme réduite, avec la question de savoir, en cas de maintien, si le public sera tout de même au rendez-vous.

Pour M. Py, il n’y a pour le moment qu’une certitude : « si le déconfinement n’intervient pas dans la deuxième quinzaine du mois de mai, il sera difficile d’organiser un festival ».

Mais, souligne-t-il, « il est de ma responsabilité de maintenir le plus longtemps possible cette possibilité, car ça serait un manque de courage incroyable que de jeter l’éponge aujourd’hui ». « De toute façon, nous respecterons ce que les autorités sanitaires exigeront de nous ».

Depuis sa création en 1947, le Festival n’a été annulé qu’une fois, en 2003, en plein conflit des intermittents.

« Manque de visibilité »

Pour M. Py, une annulation « mettrait en péril un nombre incalculable de compagnies internationales et l’économie de la ville ».

La Cité des Papes devient chaque juillet la « capitale du théâtre », attirant 700 000 visiteurs. Il y a le Festival principal, dit le « in », mais surtout le « Off », encore plus grand (plus de 1500 spectacles, par un millier de compagnies dans 200 théâtres de la ville).

Les retombées économiques pour Avignon seraient de l’ordre de 100 millions d’euros, dont 25 millions générés par le « in ». Une annulation serait catastrophique pour des milliers d’artistes et de techniciens, dont de nombreux intermittents.

Mardi, le « Off » a affirmé aussi continuer à se préparer, même si les organisateurs sont « conscients qu’une fin du confinement après le 4 mai [...] rendrait difficile, voire impossible, pour de nombreuses compagnies et producteurs » d’y participer.

« Points d’interrogation »

Pour le « in », c’est la date d’ouverture le 3 juillet qui est « la plus fragile en termes de calendrier ».

La Cour d’honneur, lieu emblématique du Palais des Papes où se tient le spectacle d’ouverture devant 2000 personnes, a été confiée, fait rare, à un chorégraphe, Dimitris Papaioannou, alors que traditionnellement le Festival s’ouvre avec une pièce de théâtre.

« Il a répété en janvier et en février », précise M. Py mais ce site historique aux nombreuses règles de sécurité nécessite du temps. « Il faut impérativement qu’on commence à monter la cour début mai ».

Le Festival « in » est doté d’un budget d’environ 13 millions d’euros, dont 57 % de subventions et 43 % de recettes propres.

Le maintien du Festival est d’autant plus fragilisé que, selon M. Py, « il y a plus de créations que jamais, une trentaine, et une grande partie des spectacles n’ont pas été créés ».

Parmi les grands noms prévus, l’omniprésent Ivo van Hove présentera son adaptation de Freud d’après Jean-Paul Sartre, le Lituanien Oskaras Korsunovas, sa version de l’Othello de Shakespeare, la Catalane Angélica Liddell qui monte une pièce inspirée de Liebestod, le titre de la musique de la finale de l’opéra Tristan und Isolde de Wagner ou encore Brett Bailey avec Samson, du théâtre musical.

Le réputé chorégraphe israélien Hofesh Shechter monte une création, Double murder tandis qu’Israel Galcan et Nino de Elche présente en première française Mellizo doble.

Une seule compagnie a annulé pour l’instant : « La très grande majorité des équipes sont prêtes à présenter les spectacles même si ce n’est pas exactement le spectacle qu’ils voulaient », selon M. Py.

Cette édition a pour « fil rouge » Eros et Thanatos (désir et mort), thème choisi bien avant l’hécatombe liée à la COVID-19.

« Le théâtre, quel que soit le monde qu’on découvrira à la fin du confinement, survivra », a conclu M. Py.