Prises une à une, elles sont tantôt allumées, tantôt réservées, tantôt ouvertes sur le monde, tantôt pleines de préjugés. Chacune a sa personnalité en devenir. Une fois rassemblées, ces neuf jeunes femmes de 16 ans deviennent Les Louves, une équipe de soccer qui doit se serrer les coudes pour atteindre la finale nationale, mais surtout pour composer avec les petits et grands drames qui ébranleront leur solidarité.

Car drames il y aura, c’est obligé. Déjà que l’adolescence n’est pas une période facile à vivre… et qu’elle n’est pas plus simple à décrire, sommes-nous tentée d’ajouter. En effet, combien de films, de séries télé ou de romans réduisent cette étape charnière à des stéréotypes éculés ?

L’Américaine Sarah DeLappe a su éviter ce piège avec sa première pièce, une comédie dramatique qui a connu un grand succès off-Broadway en 2016, aujourd’hui présentée dans sa première traduction française sur les planches de l’Espace Go. 

L’auteure fait mouche en dépeignant de jeunes femmes vibrantes, pétries de paradoxes, capables de discuter du génocide cambodgien, de menstruations, de Harry Potter et de religion dans la même minute (voire la même seconde).

Construit comme une orchestration pour neuf voix féminines (une dixième s’ajoute pour la finale, très émouvante), le texte est composé de répliques que se renvoient sans cesse les interprètes, à l’image de joueuses qui dribleraient avec un ballon. Parfois, les dialogues vont jusqu’à se chevaucher, dans une cacophonie qui nous fait malheureusement perdre le fil de certaines conversations.

Jeu d’équipe

Pour livrer cette partition éclatée, très exigeante physiquement, les neuf jeunes actrices n’ont eu d’autre choix que d’apprendre à jouer ensemble, au propre comme au figuré.

La metteuse en scène, Solène Paré, a en effet décidé d’utiliser la scène dans sa pleine largeur, pour donner un espace maximal à ses actrices-joueuses. Les interprètes traversent ainsi l’immense rectangle gazonné à la course, y manient le ballon avec une précision impressionnante et s’y échauffent à l’unisson, tandis que les répliques fusent à vitesse grand V. 

La chorégraphie (car c’en est une) est bien huilée. Le rythme est soutenu et l’énergie déployée sur scène force l’admiration. Malgré une nervosité palpable le soir de la première (quelques répliques bafouillées étaient carrément incompréhensibles), les interprètes affichent une belle assurance. Le peu d’expérience de certaines se fait parfois sentir, mais pas de quoi écorcher l’oreille…

Impossible en outre d’écrire ici qu’une interprète éclipse les autres ; comme le soccer, cette pièce repose entièrement sur le jeu d’équipe. 

D’ailleurs, aucun personnage ne porte de nom ni même de prénom : chacune n’est identifiée que par le numéro de son chandail. Notons tout de même que les performances d’Alice Moreault, de Claudia Chillis-Rivard et de Zoé Tremblay-Bianco étaient particulièrement convaincantes.

En finissant, on se doit de souligner la traduction très juste de Fanny Britt, qui a su mettre dans la bouche des personnages tout le vocabulaire et la syntaxe des adolescentes québécoises. Aucun faux pas : on se croirait dans n’importe quelle école secondaire de la province. Genre…