Fidèle au film original, la pièce La société des poètes disparus réussit à en honorer l'esprit et transpose avec succès les moments cocasses comme plus dramatiques, grâce à une mise en scène minimaliste mais efficace et au jeu solide des acteurs. Une belle façon d'introduire la jeune génération à une poésie tout, sauf ennuyeuse !

La création présentée au Théâtre Denise-Pelletier ne réinvente pas la roue et ne s'éloigne pas du célèbre film sorti en 1989 et réalisé par Peter Weir d'après le scénario de Tom Schulman. C'est d'ailleurs ce dernier, lauréat de l'Oscar pour le meilleur scénario original à l'époque, qui signe l'adaptation théâtrale, traduite avec sensibilité par Maryse Warda.

Tout comme dans l'opus original, l'action est campée en 1959, dans la prestigieuse Welton Academy, où le destin des garçons qui la fréquentent est tracé d'avance pour eux, sans qu'ils aient un mot à dire sur le sujet. Jusqu'à ce que leur vie soit chamboulée par leur nouveau professeur de littérature, monsieur Keating, qui les initiera à la force transformatrice de la poésie, loin des préceptes scolaires. Patrice Dubois, qui interprète le professeur, réussit à saisir l'esprit du personnage original porté par Robin Williams et à le faire sien.

Les costumes, dont les uniformes portés par les élèves, témoignent d'une époque certes révolue, mais l'ensemble reste moderne grâce à la mise en scène efficace de Sébastien David et à la scénographie judicieusement épurée de Jean Bard.

La scène, entièrement occupée par une structure de bois en forme d'escaliers, se transforme au gré de l'action en estrade, en salle de classe, en grotte, en chambre, en scène de théâtre, grâce à l'utilisation de différents accessoires - beaucoup de livres, un tableau, une machine à écrire, une branche d'arbre... - et de modulations d'éclairage, qui offrent des transitions visuellement réussies entre les différentes scènes. Mention spéciale aux tableaux, plus oniriques, où se découpent les silhouettes des garçons bougeant au ralenti sur fond de couleur.

Grâce à une traduction qui reflète de façon fort authentique, mais sans tomber dans le joual ni les clichés, la langue utilisée par les jeunes aujourd'hui, le texte participe aussi à ce sentiment de contemporanéité. Les jeunes acteurs, tous solides (mention spéciale à Émile Schneider, qui a su saisir l'intensité exacerbée du personnage tragique qu'est Neil Perry), sont spontanés, naturels et rendent crédible la camaraderie complice et taquine d'une bande de jeunes qui vont à l'école ensemble. Les éclats de rire fusant dans la salle lors de la première en témoignent.

Saisir le jour

Génératrice d'émotions - on passe du rire aux larmes en une heure quarante-cinq minutes -, la pièce offre une belle montée dramatique et nous emporte dans son action, même pour ceux qui la connaissent déjà. La mise en abyme du théâtre dans le théâtre, qui nous permet d'assister à un extrait du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, cristallise avec force le basculement de l'action.

Dans le programme, Sébastien David affirme que le texte n'a pas pris une ride malgré les années, et il n'a pas tort. La pression de correspondre à la norme et aux attentes des autres existe toujours aujourd'hui, même si les normes, elles, ont changé depuis les années 60.

Ce qui est intemporel le reste également : cette idée que « les mots peuvent changer le monde ».

Tout comme dans le film, la pièce réussit à distiller l'attrait irrépressible qu'exercent les poètes et leurs écrits sur ces jeunes au coeur battant qui ont soif de « saisir le jour » et qui veulent sucer la « moelle secrète de la vie ». Et nous avec eux.

Si les nostalgiques y trouveront leur compte, cette pièce vaut la peine d'être découverte par une nouvelle génération qui n'a pas vu le film et qui pourra y poser son propre regard. L'abécédaire inséré dans le programme donne d'ailleurs des portes d'entrée sur le sujet qui serviront aux groupes scolaires et à leurs enseignants. Bien joué !

La société des poètes disparus. Mise en scène de Sébastien David. Texte de Tom Schulman, traduit par Maryse Warda. Jusqu'au 17 avril (grand public) et 26 avril (représentations scolaires), au Théâtre Denise-Pelletier.