« Vivre, c’est passer d’un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner », a écrit Perec. Ce conseil aurait bien servi le personnage central du Ravissement, Arielle. Car la jeune fille se heurte systématiquement aux choses et aux êtres.

Le jour de ses 18 ans, alors qu’elle tente de se détacher de son entourage pour voler de ses propres ailes, Arielle (Laetitia Isambert, très juste) doit faire face à sa mère, à son amoureux et à son patron. Elle se heurtera au mur de leur incompréhension. Avant de plonger dans l’impasse.

« Comment être soi-même dans un monde où l’on nous dit quoi faire et comment penser ? », écrit-on dans le programme du Quat’Sous. « La pièce est une réflexion sur la fragilité, l’impulsivité et les conséquences qui en découlent. »

Il faut s’en remettre au programme, tant ce texte est déstabilisant, déroutant, voire glissant. Arielle est si mystérieuse qu’elle se dérobe et se détache à chaque réplique.

Bien sûr, comme le remarque le metteur en scène, Claude Poissant, on n’est pas obligé de tout comprendre dans une pièce. Toutefois, il y a des limites à l’incompréhension.

Si les énigmatiques aspirations d’Arielle échappent à ses créateurs (comme ils disent en entrevues), il y a peu de chances qu’elles touchent le spectateur. Ce dernier suit l’histoire d’Arielle par le truchement des personnages secondaires, très typés, en cherchant un fil assez solide pour justifier le drame annoncé.

Qui est Arielle ?

Sans donner des clés pour (tout) comprendre, l’auteur aurait pu mieux cerner son personnage central. Qui est cette fille ? Une rebelle qui se révolte contre un monde qui s’écroule ? Une Antigone qui résiste au pouvoir ? Une Iphigénie sacrifiée sur l’autel de sa liberté ?

Comme à son habitude, Claude Poissant dirige les acteurs avec doigté et justesse. Nathalie Mallette interprète la mère d’Arielle avec aplomb ; le jeune amoureux en déroute est parfaitement rendu par Simon Landry-Désy, et Etienne Pilon est jouissif de suffisance et de cruauté dans son rôle de patron. (Au théâtre, Etienne Pilon est l’un des meilleurs acteurs de composition de sa génération !)

Malgré un travail de conception et de création impeccable de l’équipe, cette production ne ravira que les inconditionnels du théâtre intime d’Étienne Lepage. Son ravissement est de courte durée.

★★★

Le ravissement, d’Étienne Lepage, mise en scène par Claude Poissant. Avec Reda Guerinik, Laetitia Isambert, Simon Landry-Désy, Nathalie Mallette et Etienne Pilon.

Jusqu’au 16 novembre, au Quat’Sous.

> Consultez le site du Quat’Sous : https://www.quatsous.com/spectacles/le-ravissement