(Stanstead) Chevauchant Stanstead, au Québec, et Derby Line, dans le Vermont, la bibliothèque et salle d’opéra Haskell est depuis longtemps un lieu de rencontre international où les citoyens canadiens et américains peuvent se mêler librement de part et d’autre de la frontière tracée au sol, à condition de retourner dans le bon pays par la suite.

Mais la rencontre qui a suscité le plus de discussions dans le bâtiment de style victorien en est une qui n’a jamais eu lieu.

Lorsque l’écrivain Ross Murray s’est installé à Stanstead en 1992, il est devenu fasciné par une légende locale extravagante : celle voulant que les Beatles se soient presque rencontrés à la salle d’opéra au début des années 1970 pour discuter d’une tournée de retrouvailles.

La rumeur, qui perdure malgré l’absence de preuves, fait l’objet d’une pièce de Ross Murray, All Together Now, qui mêle histoire et fiction pour créer un hommage comique à la bibliothèque et aux réalités uniques de sa localisation frontalière — où, à certains endroits, une rangée de pots de fleurs est tout ce qui sépare le Canada des États-Unis.

« C’est vraiment un endroit magique, cette bibliothèque, car elle dessert deux communautés dans deux pays », a déclaré Ross Murray avant de se corriger.

« Non, elle sert une communauté dans deux pays. »

La pièce de Ross Murray, sous-titrée The Possibly True Story of a Thing That Almost Happened (L’Histoire peut-être vraie d’une chose qui s’est presque passée), inclut des personnages historiques de la ville, dont la bibliothécaire et le maire. Comme dans la vraie vie, les Beatles ne font jamais leur apparition.

« La pièce ne traite pas, ultimement, de la rumeur sur les Beatles, elle parle plutôt des liens créés par les gens à la bibliothèque », a-t-il expliqué.

Ross Murray a souligné que les résidants de Stanstead et de Derby Line sont habitués à être décrits par des journalistes et d’autres étrangers attirés par leur frontière de pots de fleurs et par leur engagement à maintenir une communauté qui dépasse les frontières nationales, bien que les résidents ne puissent plus errer d’un pays à l’autre aussi librement qu’avant.

Mais il est rare qu’ils se voient présentés par l’un des leurs, a-t-il noté.

« Une ville s’est vraiment entrelacée avec l’autre, et il y avait beaucoup plus de va-et-vient entre la communauté, les gens et les organisations », a-t-il observé.

« C’est ce qui est beau, selon moi, et la pièce souligne le fait que nous sommes une seule et même communauté, et ce, malgré les obstacles qui se sont ajoutés au cours des 15 dernières années. »

La pièce est présentée les vendredis, samedis et dimanches par la troupe Borderline Players, composée d’acteurs amateurs des deux côtés de la frontière.

John Young, qui interprète trois personnages, dont le narrateur douanier américain, a affirmé jeudi qu’il trouvait spécial de se produire à la salle d’opéra, un édifice patrimonial richement décoré construit en 1904, délibérément à cheval sur la frontière.

« Ça a été fait intentionnellement pour servir deux communautés, de cette façon, et comme emblème significatif de l’amitié entre nos deux pays », a-t-il expliqué alors qu’il s’apprêtait à répéter sur la scène de l’opéra, transformée pour ressembler à celle de la bibliothèque à l’étage inférieur.

Leanne Harple, une professeure de théâtre, interprète la bibliothécaire Adelaide Prangley. Mme Harple, qui, comme M. Young, est originaire de Glover, dans le Vermont, se souvient avoir entendu parler de la rumeur selon laquelle les Beatles se seraient réunis quand elle était jeune.

« J’aimerais croire que cela s’est réellement passé et qu’il y a cette énorme opération de camouflage », a-t-elle dit en riant.

Stanstead, une ville paisible de cottages historiques pittoresques et de jardins bien entretenus, où les VUS de la GRC montrent les seuls signes visibles d’une sécurité accrue, semble un lieu de rencontre improbable pour le mythique groupe britannique.

Mais M. Murray insiste sur le fait que le scénario n’est pas si exagéré.

Pendant une période, en 1973, John Lennon et Paul McCartney ont chacun fait face à des accusations liées à la drogue, ce qui aurait laissé John Lennon réticent à quitter les États-Unis et Paul McCartney incapable d’y entrer. La bibliothèque Haskell, où les citoyens des deux pays peuvent circuler sans passeport, aurait été l’endroit idéal pour éviter la frontière », a-t-il soutenu.

« Donc, s’ils avaient voulu avoir une rencontre, ça aurait été un excellent endroit pour cela. »

Mais après avoir recherché des sources locales et communiqué avec d’éminents historiens spécialisés dans les Beatles, Ross Murray a conclu que non seulement la réunion n’avait pas eu lieu, mais qu’il n’y avait aucune preuve concrète qu’elle a même été planifiée.

Il a également tenté de communiquer avec le représentant de Paul McCartney, qui n’a pas répondu.

Malgré le manque de preuves de la rencontre, Ross Murray n’est pas tout à fait prêt à rejeter la légende locale.

Il a affirmé que plusieurs anciens résidants, y compris l’ancienne bibliothécaire, ont juré que c’était planifié et qu’il y avait suffisamment de mentions écrites pour lui faire croire que la rumeur n’était pas née pour rien.

« Il n’y a pas de fumée sans feu », a-t-il lancé, faisant écho à l’une des répliques de John Young dans la pièce.