Le Sud-Ouest, c'est cinq quartiers étalés sur 15,7 kilomètres carrés où vivent 71 546 citoyens. Or, plus qu'un simple arrondissement, c'est aussi un véritable terroir d'où émanent des histoires abracadabrantes. Dès aujourd'hui, le Théâtre La Licorne présente Foirée montréalaise, un cabaret du temps des Fêtes où le public est plongé dans une «soirée canadienne» renouvelée. La Presse est allée sur les lieux qui ont inspiré les artistes. Visite guidée.

L'homme fort du quartier

À la sortie de l'autoroute, regardant au loin le Centre universitaire de santé McGill (CUSM), l'homme fort du quartier, le mythique Louis Cyr, nous accueille dans le Sud-Ouest. Cette statue, un symbole fort de Saint-Henri, est l'une des inspirations de l'auteur Simon Boulerice, qui a contribué à Foirée montréalaise.

Le quartier du «bonjeir»

Bien en vue sur la mezzanine de la station de métro Place-Saint-Henri, cette murale de Julien Hébert (ce même artiste à qui l'on doit le symbole emblématique de l'Exposition universelle de Montréal) fait référence au livre Bonheur d'occasion, de l'auteure Gabrielle Roy. «C'est encore Simon Boulerice, qui sait dénicher ces petites choses du quotidien [que l'on ne voit pas toujours], qui intègre cette oeuvre à son texte», explique Marilou Huberdeau, assistante à la mise en scène de Foirée montréalaise.

La gardienne des clés

Dans le local exigu de Boudreau Serrurier, dans la Petite-Bourgogne, France accueille ses clients depuis 35 ans. Elle est en quelque sorte la gardienne des clés du Sud-Ouest. «C'était le commerce de mon père. Quand il était encore parmi nous, on l'appelait la mascotte! Il venait dans ses temps libres saluer ses anciens clients. Les gens sont fidèles par ici. Je vois des gens qui venaient à l'époque de mon père, leurs enfants viennent aujourd'hui nous voir», raconte-t-elle, pétillante, derrière son comptoir. Cette entreprise est le dernier lieu associé à l'univers de Simon Boulerice que nous avons visité dans le cadre de cette visite guidée du Sud-Ouest.

L'incontournable canal

Qui dit Sud-Ouest dit canal de Lachine, lieu historique du Canada. L'auteur Pierre-Michel Tremblay y campe une histoire qui évoque Griffintown, quartier en émergence où s'installent plusieurs micro-entreprises technologiques. «On est ici aux écluses Saint-Gabriel, qui est un lieu de passage pour les bateaux. On est en plein milieu du canal de Lachine, dans un coin en développement. Mon histoire est celle de Louis-Philippe, qui vit dans un des nouveaux condos du secteur. Il est super créatif, mais il vivra une crise existentielle», explique M. Tremblay.

La Taverne qui n'est plus

La Taverne Magnan est un phare de Pointe-Saint-Charles, mais le lieu s'est éteint il y a deux ans. Dans l'univers de François Archambault, il renaîtra lors de Foirée montréalaise. Marie-Joanne Boucher, comédienne, explique qui est son personnage. «Je rencontre quelqu'un qui habite dans un condo pas loin. Il mange ici presque tous les jours. On "brosse" ensemble chez Magnan. [...] Pour ma part, quelque chose va changer ma vie. Quand on est jeune, on fait parfois des choses que l'on regrette. Ça sera mon cas», dit-elle.

Le quartier en grève

«Je raconte l'histoire d'un ouvrier irlandais, né en 1850, qui a travaillé au deuxième élargissement du canal de Lachine, dit Mylène Bérubé, auteure et interprète de son conte. Toutes sortes de personnages interviennent, dont un certain Joe Beef. L'homme est un ancien de l'armée britannique qui a ouvert une taverne ici à Montréal et qui s'est impliqué dans toutes sortes de causes, dont la grosse grève de 1877, où les travailleurs qui oeuvraient sur le canal ont cessé de travailler. Moi, en 2016, je suis une guide touristique qui raconte ce qui est arrivé.» 

Histoires vécues

Guy Vaillancourt a souvent travaillé dans les anciennes usines d'Imperial Tobacco, à Saint-Henri. «J'étais peintre en bâtiment. On venait souvent ici faire de l'entretien», raconte-t-il, se rappelant qu'une fois, l'usine l'avait engagé pour repeindre l'équipement qui n'avait pas les bonnes couleurs, c'est-à-dire celles de l'entreprise. «Dans Foirée montréalaise, je raconte des anecdotes, mais tout ce que je dis est vrai. Il y a des histoires d'amour, je dis aussi certaines choses "croches" qui se passaient parfois», dit-il, espiègle, refusant catégoriquement d'expliquer davantage ce qu'il veut dire par «choses croches».

La sainte de Ville-Émard

Quand il fait trop froid, raconte Jean-François Boudreau, les Albanais du quartier placent autour du coup de la statue de Mère Teresa un foulard. En cet après-midi d'automne ensoleillé, elle n'avait pas encore enfilé ses habits hivernaux. «Ça fait 10 ans que j'habite dans le Sud-Ouest, et mon histoire est racontée à travers les yeux de mon voisin Ronnie. Il me raconte tout ce qui se passe dans le quartier», explique M. Boudreau.

De gigantesques sculptures

Passionné de Ville-Émard, Jean-François Boudreau nous dirige vers la station de métro Monk, située à quelques mètres de sainte Mère Teresa. Sur la mezzanine, il pointe vers de gigantesques sculptures représentant des travailleurs. «Ces géants font honneur à ceux qui ont construit le métro», explique-t-il. OEuvres du sculpteur Germain Bergeron, elles ont été conçues à partir d'acier utilisé pour construire les lampadaires du quartier.

Un univers «écosculpté»

Foirée montréalaise, mise en scène par Martin Desgagné, est inspirée des veillées d'antan, nous a expliqué ce dernier quelques jours avant la première du spectacle. Cette année, il a fait appel à l'écosculpteur Alain Cadieux, dont l'atelier est situé dans un ancien commerce de Ville-Émard qu'il a entièrement rénové.

Ses oeuvres 

Alain Cadieux parcourt son quartier, les brocantes et les lieux inusités à la recherche de matériaux pouvant lui inspirer des sculptures. Certaines de ses oeuvres seront exposées au Théâtre La Licorne pendant Foirée montréalaise, tant dans le bistro que dans la salle aménagée pour le spectacle dans une forme de rond, rappelant aux spectateurs qu'on se rassemblait autrefois dans le salon pour se raconter des histoires.

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Foirée montréalaise, mise en scène par Martin Desgagné, avec Mylène Bérubé, Marie-Joanne Boucher, Jean-François Boudreau, Simon Boulerice, Luc Bourgeois et Guy Vaillancourt. Présentée du 6 au 23 décembre au Théâtre La Licorne.

Photo François Roy, La Presse

La murale Bonheur d'occasion, de Julien Hébert, dans la station Place-Saint-Henri du métro de Montréal