Le TNM ouvre sa saison avec une production de la troupe circassienne Les 7 doigts de la main. Du cirque sur la scène du TNM ?! Pourquoi pas. Voilà un bout de temps que le cirque occupe une place noble dans les programmations des grandes compagnies de théâtre, autant à Paris qu'à Broadway ou à Londres. Et l'avenir des arts vivants sera hybride ou ne sera pas.

Sauf que Le Murmure du coquelicot n'est pas une pièce hybride : c'est un spectacle bâtard. Pas complètement cirque pour les amateurs abonnés à la TOHU, ni assez théâtral pour plaire aux fans des Denoncourt, Bouchard, Keimed et cie.

Signée par Sébastien Soldevila (le cofondateur des 7 doigts de la main qui cosigne aussi la mise en scène avec Shana Caroll), la pièce veut «faire tomber les frontières entre les artistes de cirque et les acteurs de théâtre». L'auteur a imaginé une histoire (écrite pour Rémy Girard) pour être jouée par deux acteurs et six acrobates. Alors que les premiers font avancer le récit, les seconds viennent l'appuyer, tel un choeur de haute voltige.



C'est donc l'histoire d'un acteur raté (Girard, pas au meilleur de sa forme) convoqué à une audition où on lui promet «le rôle de sa vie». Or cette ultime audition qu'il passe devant Mme B. (Pascale Montpetit dans un registre caricatural) va le bousculer. Car elle fait ressortir des pans de souvenirs de son enfance, de sa jeunesse, de ses amours. Et il réalise qu'il tourne en rond et ne s'est jamais remis de l'abandon de sa mère, à sept ans.

Drôle de poésie

«Tout comme l'acteur est l'athlète du coeur, l'acrobate est le poète du danger», écrit-on dans le programme. Encore faut-il qu'il y ait poésie. Le texte du Murmure du coquelicot est le maillon faible ici. On ne s'improvise pas plus auteur que trapéziste. Soldevila a écrit une histoire insipide, décousue, bavarde et bourrée de clichés. On dirait un mauvais film de Claude Lelouch ! (Y a en t-il des bons...)

Des exemples de sa prose :  Il était comme un clou récalcitrant bien décidé à ne pas se laisser enfoncer dans l'enclume de la vie» ; «Elle avait des cheveux noirs comme du pétrole qui s'enflamme». Noir Mégantic ?  Avec des métaphores aussi lourdes, pas surprenant que Rémy Girard se soit trompé cinq ou six fois dans ses répliques, le soir de la première.

Au final, cette production sert mieux les acrobates que les acteurs. Lorsque les artistes circassiens sont présents et interagissent avec les acteurs, l'intérêt monte d'un cran (leurs numéros de cirque sont également très bien exécutés). Tous de blancs vêtus (magnifiques costumes signés Lucien Bernèche), ils s'avèrent aussi habiles physiquement qu'à l'aise dans leurs personnages. S'ils ne projettent pas autant que des acteurs professionnels, ils habitent parfaitement l'espace scénique.

Malgré ses qualités, ce mariage forcé entre le cirque et le théâtre donne un spectacle qui se cherche sans vraiment se trouver.

> Au Théâtre du Nouveau Monde, jusqu'au 12 octobre.