L'entreprise est ambitieuse, pour ne pas dire titanesque: réunir 13 acteurs - et pas les moindres! - pour composer un spectacle livrant la fabuleuse histoire de l'humanité, par la voix des divinités. Les exilés de la lumière est née de la plume de Lise Vaillancourt en 1991, à la demande du comité organisateur des fêtes du 350e anniversaire de Montréal. Après plusieurs années de dormance, cette cosmogonie verra enfin la lumière à Espace Libre.

«Un grand divertissement pour des temps sombres.» Lise Vaillancourt avait cette ambition en tête lorsqu'elle a écrit Les exilés de la lumière, en 1991. «C'est drôle que la pièce soit jouée ces temps-ci, parce qu'on est en plein dans le même climat.»

À travers la Révolution tranquille ou la rébellion de 1837, celle qui écrit pour le théâtre depuis 27 ans trace la cosmogonie d'une épopée divine. Rien de moins. «J'avais envie de parler des grands thèmes de l'amour, de la mort, pourquoi on arrive ici, pourquoi on vit, pourquoi on meurt, ce que cela signifie d'aimer sur terre», résume Lise Vaillancourt, dans les bureaux d'Espace Libre.

Shakespearienne a été l'influence qui a habité Lise Vaillancourt, pendant l'écriture de cette fresque où les dieux sont à l'image des hommes. Des castes de divinités et d'anges évoquent les grands thèmes de l'humanité, en prenant comme véhicules un clochard, un mineur et un poète qui vit une peine d'amour et écrit la nuit.

«Pour incarner la Révolution tranquille, j'ai imaginé les traits d'une jeune adolescente endormie. Et l'amour à notre époque est incarné par un jeune Cupidon qui a vieilli, qui est poqué.»

Vision nocturne

La nuit est le personnage principal des Exilés de la lumière, souligne Lise Vaillancourt, qui a voulu par cette pièce traduire la faculté extraordinaire que possèdent les êtres de se raconter l'aventure humaine.

«C'est par la nuit que toute cette histoire commence. C'est à cause d'elle que le ciel se dépeuple, que les anges descendent sur terre...»

Alors que Bob de René-Daniel Dubois vient de tirer sa révérence au Théâtre d'Aujourd'hui, la comparaison est inévitable entre le destin des Exilés de la lumière et la pièce-événement de RDD qui, elle aussi, a vu le jour en 1991. «J'ai connu René-Daniel Dubois à l'époque où il commençait à écrire Bob. Je ne sais pas ce qui est arrivé cette année-là, où nous avons tous les deux écrit des pièces qui nous ont traversés et suivis pendant un certain temps, qui portent nos compréhensions.»

La cosmogonie de Lise Vaillancourt a connu plusieurs revers, avant de finalement voir le jour. Le projet de le monter à l'occasion du 350e de Montréal a avorté. La pièce a eu du succès lors de sa mise en lecture en 1993 au Festival des francophonies de Limousin. Forte de cette réponse enthousiaste, Lise Vaillancourt est allée frapper aux portes des théâtres montréalais avec ce texte pour un minimum de 13 acteurs. Une initiative qui lui a valu de chaleureux refus. «Quatre lieux, une quinzaine d'acteurs, cela coûtait trop cher», évoque-t-elle.

C'est finalement en créant sa propre compagnie, en comptant sur l'appui de son ami Olivier Choinière et en s'associant au metteur en scène Geoffrey Gaquère que le miracle a eu lieu. «Nous avons aussi une réponse extraordinaire des acteurs et d'Olivier Kemeid, qui nous accueille en codiffusion à Espace Libre.»

Les Émilie Bibeau, Carl Béchard, Mathieu Bolduc, Markita Boies et une dizaine d'autres courageux se sont donnés sans compter pour que se matérialise cette fresque qui habite Lise Vaillancourt depuis 17 ans. Après tout, ce n'est pas tous les jours qu'on a l'occasion de refaire le monde...

Les exilés de la lumière, texte de Lise Vaillancourt, dans une mise en scène de Geoffrey Gaquère, du 10 au 20 décembre à Espace Libre.