Nous sommes à Chinon, en France, en 1183. C'est Noël, et Henri II a décidé d'en profiter pour voir ses trois petits princes, Henri, Richard et Jean, et faire sortir sa femme Aliénor de sa captivité. Une histoire de famille comme une partie d'échecs où les couteaux dans le dos fusent de partout. Avec Le lion en hiver, le Théâtre Jean-Duceppe poursuit sa saison avec une leçon d'histoire.

Je suis en compagnie de trois comédiens qui me font penser à trois gamins espiègles. Il y a le talentueux Olivier Morin - très actif sur nos scènes depuis quelques années - à qui le metteur en scène Daniel Roussel a confié le rôle de Jean. Patrice Godin (que les habitués du petit écran connaissent bien) campera Richard Coeur de lion sur la vaste scène de chez Duceppe, métamorphosée en château d'Henri II Plantagenêt. Et Sébastien Delorme fera Henri, celui qui est coincé entre ses deux frangins convoités pour prendre le trône du paternel.

 

«On suit Henri II qui essaie de déterminer lequel de ses trois fils prendra la succession. Aliénor veut que ce soit Richard qui lui succède, un choix justifié parce que c'est un bon soldat. Sauf que Henri II, allez savoir pourquoi, préfère Jean, le petit pustuleux. Probablement parce qu'il sait qu'en le couronnant, il va pouvoir continuer à régner à travers lui», explique Olivier Morin.

Une saga familiale qui carbure aux vacheries et aux manigances, donc. Avec Monique Miller et Michel Dumont dans les rôles du sanguinaire couple royal.

«Malgré les machinations, on perçoit énormément d'amour entre le roi et son ex-femme. En tant que spectateurs, on leur pardonne de se déchirer ainsi. Ils ne sont pas capables de se tuer, même si cela réglerait tout: Henri II pourrait épouser sa petite jeune, mais il est dépendant de sa vieille reine qu'il a cachée dans une prison, en Angleterre. Ils me font penser au couple de Who's Afraid of Virgina Woolf», avance Sébastien Delorme.

Mises en échec

«On a un plaisir sportif à se piquer les uns les autres. On fait des alliances pour manigancer, comploter. C'est vraiment très drôle!» soutient Olivier Morin, qui affirme que Le lion en hiver est une saga historique truculente et pas du tout sérieuse. «En salle de répétition, on disait que ça nous faisait penser à un Feydeau pas de portes, tellement il y a d'entrées et de sorties. On dit un truc, puis quelqu'un arrive et entend ce qu'il ne devrait pas. Alors on est dans la merde. C'est très intelligent et brillant.»

Écrit par l'Américain James Goldman, Le lion en hiver a été porté au cinéma en 1968, avec Katharine Hepburn et Peter O'Toole qui tenaient les rôles d'Henri II et Aliénor. Pour cette production chez Duceppe - la pièce a déjà été jouée à deux reprises au Rideau Vert - le théâtre a demandé à Élizabeth Bourget de rafraîchir la traduction. «C'est une langue très «parlée», pas guindée du tout. On est plus proche de Mamet que de la cour», insiste Patrice Godin.

Les tragédiens n'ont rien inventé: l'histoire nous rappelle que les sagas de pouvoir sont d'inépuisables sources d'inspiration pour le théâtre. Et il n'y a que l'humour anglais pour faire un jeu d'esprit tout en vous plantant un couteau dans le dos.

Le lion en hiver, texte de James Goldman, traduction d'Élizabeth Bourget, dans une mise en scène de Daniel Roussel, du 29 octobre au 6 décembre au Théâtre Jean-Duceppe.