Le théâtre de l'Opsis - comme le temps passe vite -, arrive déjà au troisième chapitre de son cycle états-uniens. Une année consacrée aux classiques de la littérature américaine. Avec l'adaptation du roman de William Faulkner Le bruit et la fureur, dans un premier temps, et Réveillez-vous et chantez de Clifford Odets, en mars 2009. L'Espace GO s'apprête à recevoir la visite des torturés membres de la famille Compson, dans une adaptation signée Pierre-Yves Lemieux.

Le moment ne saurait être mieux choisi: alors que nos voisins du Sud s'apprêtent à se rendre aux urnes, l'Espace GO prête sa scène aux personnages sudistes de Faulkner. Un texte sur la déchéance d'une famille, dans un pays au bord de la crise économique. Pendant ce temps, dans la salle 2, se poursuivent les représentations de Ceux que l'on porte, du New-Yorkais Andrew Dainoff, un récit semi-autobiographique inspiré du 11 septembre 2001.

 

«La vie est une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur et qui ne signifie rien», a écrit Shakespeare. La phrase, paraît-il, a inspiré à Faulkner le choix du titre de son roman adapté pour la scène par Pierre-Yves Lemieux.

«J'en ai fait du jazz pour quatre solistes», dit celui qui, il y a 25 ans, avait tenté une première appropriation pour la scène de ce chef-d'oeuvre de la littérature américaine. C'était dans un exercice, à l'Option-théâtre du cégep Lionel-Groulx. «J'ai joué quelques extraits en lecture, qui m'ont confirmé le potentiel dramatique du roman», poursuit-il dans les lumineux locaux de L'Opsis.

Luce Pelletier, qui signe la mise en scène de ce spectacle qui réunit entre autres Francis Ducharme, Pierre-François Legendre, Émilie Bibeau et Patrick Hivon, parle du côté tchékhovien de Faulkner. Il ne faut pas y chercher une série d'événements, de rebondissements, ses intrigues étant davantage faites de liens familiaux. «C'est un vrai travail de création. On a remanié, retranché, ajouté. Ce sont presque des monologues, qui nous donnent accès à l'intériorité des personnages qui nous parlent», explique la directrice de L'Opsis.

S'approprier Faulkner

Colossal, donc, était le travail pour faire passer à la scène ce vaste et complexe roman. Pierre-Yves Lemieux a abordé la tâche en conservant le plus possible le genre et style de chacun des quatre chapitres, tout en mettant en lumière les quatre personnages centraux. Le résultat, juge-t-il, s'apparente à une partition de jazz livrée par quatre solistes.

«Chaque personnage a sa propre langue: le frère universitaire n'a pas le même langage que le gars qui travaille à la quincaillerie. Cela illustre la déchéance de la famille: plus le temps passe, plus il y a un écart langagier entre la grand-mère et la petite-fille», soutient Lemieux, qui ajoute que Le bruit et la fureur est avant tout une pièce sur «un homme face au destin, face à sa tragédie.»

Deux ans après Under Construction, le premier jalon du cycle américain, on retient que Luce Pelletier a fait de cette étape dans le parcours de l'Opsis une exploration de la famille. «J'imagine que c'était ma façon de parler des États-Unis», songe celle qui a décidé de prolonger le cycle d'une année. D'une part, parce qu'elle veut se donner une transition, mais aussi pour offrir une seconde vie à Une maison propre, texte de Sarah Ruhl mis en scène par Martin Faucher, vu l'hiver dernier à l'Espace libre.

D'ici là, Benjy, le simple d'esprit, Quentin, l'étudiant suicidaire, Jason, le frère jaloux et Caddy, la petite soeur s'apprêtent à prendre corps sur la scène de l'Espace GO. Pendant ce temps, l'économie flanche au sud de nos frontières. L'histoire ne se lasse pas de se répéter. Heureusement, il y a le théâtre pour se changer les idées.