L'explosion du World Trade Center a inspiré plusieurs romanciers et quelques cinéastes. Mais sept ans après les événements du 11 septembre, le théâtre s'est encore peu épanché sur le sujet. Voix émergente de la dramaturgie new-yorkaise, le jeune auteur Andrew Dainoff s'est inspiré de son expérience personnelle de la tragédie du World Trade Center pour écrire Ceux que l'on porte (All You Can Handle). Le théâtre PÀP amorce sa saison avec ce texte autobiographique qui sera mis en scène par Vincent-Guillaume Otis.

Quand la première tour a été frappée, Andrew Dainoff dormait. À l'époque, il bossait dans un bar et menait une vie d'oiseau de nuit. «Je venais de déménager dans le Chinatown, tout près du World Trade Center. C'était très étrange de voir les explosions en direct à la télé, tandis que par la fenêtre, je pouvais apercevoir de la vraie fumée», me raconte-t-il au bout du fil.

 

Instinctivement, Dainoff a ressenti le besoin de se rapprocher le plus possible du lieu de la tragédie. Il a enfilé un pantalon et un chandail, s'est couvert la tête d'une casquette et de lunettes, a cueilli en route un masque chirurgical donné par le personnel d'urgence d'un hôpital.

«J'ai pris un tas de photos. J'avais besoin de documenter l'événement, ne pas être qu'un simple témoin.»

Le 11 septembre a été le déclencheur d'une suite d'événements malheureux dans la vie d'Andrew Dainoff. Pendant les mois qui ont suivi la tragédie, deux de ses amis sont morts. À New York, il était entouré d'autres rescapés qui, comme lui, étaient traumatisés par les attaques.

«C'est une pièce autobiographique, quelque chose de très réaliste», soutient Vincent-Guillaume Otis, qui a découvert les écrits de Dainoff par l'entremise du traducteur David Laurin. Amoureux de New York, Otis s'est senti interpellé par la sensibilité de Dainoff, sa façon d'entremêler le vrai et le faux, de rendre palpable sa description des lieux. «Il s'inscrit dans la lignée des Mamet et compagnie, par sa façon d'insister sur des détails précis qui donnent un réaliste au jeu», ajoute le jeune metteur en scène.

Quand David rencontre Sally

Ceux que l'on porte raconte l'histoire de David, un mec qui a quitté Los Angeles par amour pour Sally, avec qui il vit un amour ado, passionnel, fusionnel. Mais sa bien-aimée va périr dans les attentats du WTC. Et puis, tout comme dans la «vraie» vie d'Andrew Dainoff, la disparition d'êtres chers - un sera abattu, l'autre sera emporté par le sida - assombrira l'existence du personnage central de la pièce.

Pour rendre la descente tragique de ce guitariste de jazz, Vincent-Guillaume Otis a choisi la voie de la pudeur des sentiments. L'idée du deuil est explorée à travers des références musicales et des références propres à la culture nord-américaine.

«Le 11 septembre, dans la pièce, est un tournant qui fait basculer la vie de David dans la tragédie. C'est aussi une histoire d'amour avec la ville de New York, qui l'adopte, le prend dans son sein...»

Andrew Dainoff raconte que pendant les mois qui ont suivi les attaques, il a intensément vécu cet esprit de solidarité et même de festivité qui avait gagné les New-yorkais. «Nous étions en vie. Plusieurs d'entre nous, pendant cette période, buvaient beaucoup d'alcool. Pour engourdir la douleur mais aussi célébrer notre survie.»

Comme citoyen et comme artiste, Vincent-Guillaume Otis ressentait aussi le besoin de parler de cet événement qui a marqué tout le monde. «J'avais 20 ans, le 11 septembre 2001. Cette date est désormais une charnière historique. Et la trame de Ceux que l'on porte, est le «géo-émotif» versus le «géo-politique.»

Ceux que l'on porte, une production du Théâtre PÀP, texte d'Andrew Dainoff, traduction de David Laurin, mise en scène de Vincent-Guillaume Otis, du 14 octobre au 1er novembre dans la salle 2 de l'Espace GO.