Nicolas Pinson est sorti de l’option théâtre du cégep Lionel-Groulx en 2001. Et pourtant, sa carrière d’acteur n’a commencé qu’en 2012, après une décennie de drogue et d’autodestruction. « J’ai déjà joué stoned. Je me suis fait barrer de certains endroits. Je n’étais pas du monde. »

Cette période trouble, durant laquelle Nicolas Pinson a suivi quelques cures de désintoxication et atteint plusieurs bas-fonds, a inspiré Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits), une nouvelle série attendue mercredi sur Crave.

Réalisée par Jean-François Rivard (C’est comme ça que je t’aime, Les invincibles) et Mathieu Cyr (Entre la mer et l’écorce), cette comédie dramatique en 10 épisodes dépeint la descente aux enfers d’un animateur vedette qui souffre de dépendance. On parle d’un problème majeur de consommation, le genre qui repousse ton entourage, attire les policiers et t’entraîne dans l’un des trips à trois les plus crados de l’histoire au fond des toilettes d’un pub miteux à 3 h du matin, un mardi.

Bande-annonce de Bon matin Chuck

En entrevue, Nicolas Pinson affirme être « une personne transparente ». L’expression semble bien choisie. L’ouverture avec laquelle il raconte son cheminement est désarmante.

Je suis un enfant triste qui s’est médicamenté parce qu’il n’était pas capable de vivre la réalité, parce que trop sensible, trop perméable, trop fébrile, trop de stock à gérer… J’avais besoin de déconnecter.

Nicolas Pinson

L’idée derrière Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits) émane de Nicolas Pinson, Mathieu Cyr, Émilie Lemay-Perreault et Jean-François Rivard. Ce dernier a ensuite assuré l’écriture avec Sarianne Cormier et Patrick Dupuis.

Nicolas Pinson qualifie l’expérience de « thérapeutique ». On peut certainement s’imaginer pourquoi.

On peut aussi concevoir qu’après plusieurs années de dépendance, tourner des scènes de consommation et d’anéantissement total fasse ressurgir des traumas passés qu’on essaie d’oublier. En d’autres termes, un toxicomane qui replonge volontairement au cœur d’un bourbier dans lequel il s’est maintes et maintes fois enlisé nous apparaît – même fictivement – un tantinet dangereux…

« C’était un trigger [déclencheur] », concède le principal intéressé.

En guise d’exemple, il relate le tournage d’une séquence durant laquelle il devait s’enfiler des lignes de cocaïne, ou plutôt du lactose en poudre, la substance que sniffent habituellement les acteurs à l’écran.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Nicolas Pinson

« Quand j’ai fait ma première track, la mémoire physique m’est revenue. J’ai fait : “Oh my god !” Ça m’a ramené en arrière. Ça a réveillé quelque chose, un feeling… Les yeux, les tics, le physique… C’était fou raide ! Mais c’était du lactose. »

« Toute ma vie, ce sont des choses qui vont rester. Ce sont des chemins cérébraux qui sont tout tracés », signale le comédien.

Beaucoup d’émotions

Nicolas Pinson était visiblement émotif, la semaine dernière, au visionnement de presse des premiers épisodes de Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits). Au micro après la projection, l’acteur a peiné à refouler ses larmes. Il avait vécu la même chose en avril au festival Canneseries, où l’offrande des productions St Laurent TV (La maison des folles, Amours d’occasion) était présentée en compétition officielle.

Car en plus d’être un projet hyper personnel, Bon matin Chuck pourrait marquer un tournant dans l’itinéraire professionnel du comédien. Au cours des dernières années, son nom a figuré au générique de quelques séries télé, mais jamais dans des rôles principaux : « chauffeur de taxi » dans Ma mère, « réceptionniste de nuit » dans Hôtel, et « Monsieur Bélanger » dans Indéfendable.

« C’est mon premier gros lead, explique-t-il. Je suis dans presque toutes les scènes. »

En effet, Nicolas Pinson a participé à 59 des 60 journées de tournage de Bon matin Chuck, l’automne dernier. Avant d’amorcer ce blitz, l’acteur a retenu les services d’une coach de jeu, Eve Landry, et s’est entraîné en courant cinq kilomètres quotidiennement à Eastman, dans son coin de pays en Estrie. Le tout, en chantant à tue-tête avec ses écouteurs.

Quand ils passaient, les cyclistes me voyaient, pis ils étaient comme : “Euhhhh…” J’avais l’air d’un vrai fou !

Nicolas Pinson

Se prendre en main

Peu importe la réputation de Nicolas Pinson auprès des adeptes du vélo des Cantons-de-l’Est, son travail préparatoire a porté ses fruits. Lors d’une table ronde réunissant une demi-douzaine de journalistes, Jean-François Rivard a salué son talent avec vigueur.

« J’ai découvert un acteur avec qui j’ai envie de travailler tout le temps, a déclaré l’auteur et réalisateur. J’ai découvert un christie de calice de comédien, qui est game d’aller dans toutes sortes de zones. Ce n’est pas facile, ce qu’il devait jouer. Quand on regarde les scènes, au montage, on est comme : “Crisse qu’il est bon !” Je suis fan. »

PHOTO JOËL SAGET, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Le réalisateur Jean-François Rivard

Ces commentaires valent leur pesant d’or pour Nicolas Pinson. « J’ai été quelqu’un qui voulait tellement être aimé de tous », souffle-t-il.

Bien qu’il n’ait pas beaucoup de projets en chantier, outre une potentielle deuxième saison de Bon matin Chuck, Nicolas Pinson semble avoir trouvé sa voie dans l’industrie.

« J’étais toujours dans l’attente d’un rôle, dans l’attente du coup de téléphone. Du moment que j’ai arrêté de consommer, j’ai pris mes affaires en main. J’ai commencé à écrire Nico vous mijote [une websérie qui s’est étirée sur trois saisons, de 2015 à 2017], et tout le monde a embarqué, même mes amis, qui sont restés avec moi malgré tout le mal que j’ai fait. »

Les deux premiers épisodes de Bon matin Chuck (ou l’art de réduire les méfaits) atterrissent sur Crave mercredi. Deux autres épisodes y seront déposés le mercredi suivant.

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