Attention : visionnement bonbon à l’horizon. Le récit d’une mamie anglaise déjantée devenue DJ, alias Mamy Rock, fait l’objet d’un documentaire savoureux, présenté cette semaine, dans le cadre de la Semaine québécoise intergénérationnelle.

Et ça se regarde tout seul. Bonne musique, personnage décalé et morale inspirante inclus. Installez-vous confortablement et appréciez, cela fait du bien à l’âme.

Peut-être en aviez-vous déjà entendu parler, elle a fait un tabac lors de sa fulgurante carrière éclair : de Paris à Ibiza en passant par Shanghai et Miami, tout le monde s’est arraché Ruth Flowers de son vrai nom, la DJ improbable au look d’enfer, qui faisait danser les foules avec ses mix technos originaux, mais surtout son énergie du tonnerre.

Le mot est faible : entre 2010 et 2014, la dame de 80 ans aux lunettes fumées a fait le tour de la planète et donné plus de 500 concerts.

Elle n’était pas arrêtable. À preuve : elle est même morte en 2014, assise confortablement dans son salon de Bristol, sa fidèle valise à ses côtés et son passeport bien en poche.

« Comme si elle était prête à repartir… », se souvient avec tendresse Orel Simon, le réalisateur du documentaire, diffusé en primeur sur les ondes de Planète+ dimanche, qui a en prime été le producteur de Mamy Rock.

« J’ai passé cinq ans de ma vie en tant que producteur, se souvient-il, dans un entretien téléphonique accordé la semaine dernière. Et pendant ces cinq années, j’avais toujours une caméra sur moi pour documenter cette aventure exceptionnelle. […] Elle avait une énergie incroyable. […] Moi, parfois, j’étais fatigué, mais elle, elle voulait toujours continuer… »

IMAGE FOURNIE PAR PLANÈTE+

Mamy Rock avait un look aussi pété qu’étudié.

J’ai été très triste d’apprendre ça [sa mort]. Pour moi, elle était increvable.

Orel Simon, réalisateur et producteur de Mamy Rock

Pourquoi ce film, près de dix ans plus tard ? Orel Simon avait des années d’images à organiser, de scénario à monter, justifie-t-il. Et puis, voilà qu’il y a quelques années, invité à la Soirée des Oscars à Los Angeles, il fait la rencontre d’un voyant. Pardonnez l’anecdote ésotérique, mais elle n’est pas sans intérêt. « Je n’ai jamais raconté cette histoire, glisse notre interlocuteur. Ma femme croit beaucoup à ça. Moi ? Moins. » Toujours est-il que le type en question, un Français, apparemment connu de la communauté artistique locale, lui dit : « Il y a une personne qui veut que tu fasses un film sur elle, paraphrase le producteur. Il faut vraiment que tu le fasses. Ce qu’elle a vécu peut être un bon exemple pour beaucoup de gens… »

« Tout est possible »

Et c’est un fait. Qu’on croie à cette vision ou pas, l’aventure de Ruth Flowers est certes unique et éclatée, mais non moins porteuse. « Tout est possible », résume Orel Simon. Telle est la morale de cette histoire impossible, et néanmoins vraie de vraie.

Il se revoit encore rencontrer cette grand-mère (qui a lancé un jour et en boutade à son petit-fils cette phrase prémonitoire : « Moi, je pourrais mixer à ton anniversaire ! »). Non seulement elle était « cool » et avait une culture musicale immense, mais leurs énergies ont vraiment « matché ». « Je trouvais qu’elle avait un vrai potentiel, résume le producteur. Ça se sent quand quelqu’un a une flamme. Elle avait un dynamisme, c’est quelqu’un d’attachant, de drôle et de très communicant. »

Évidemment, elle n’est pas devenue DJ toute seule. On le voit à l’écran, il y a eu tout un travail d’équipe pour lui enseigner la technologie (son principal défi), l’art d’enchaîner les morceaux, se tenir devant une foule. Sans oublier la création de son look, aussi pété qu’étudié. « Et puis, elle a amené dans ses mix des morceaux qu’elle aimait, elle, notamment Freddie Mercury […]. Et puis, des choses plus classiques de son époque, comme Ella Fitzgerald. […] On ne s’attendait pas à ce genre de mix. » Et de toute évidence, ça a drôlement accroché.

Au-delà du beat qu’elle maîtrisait effectivement à merveille, elle avait « vraiment » quelque chose à dire, conclut Orel Simon. « Elle était porteuse d’un message positif pour notre époque. Oui, c’est très important de respecter les personnes âgées […], et tout est aussi possible dans la vie. On peut se réinventer. Si on y croit. […] C’est ce qu’elle dit, c’est très beau comme message. Et c’est vraiment elle. »

Le dimanche 21 mai, à 20 h 30, sur Planète+

À noter que Planète+ propose le lendemain, le lundi 22 mai, à 21 h, Re-Belles, une réflexion sur la notion de vieillesse au grand écran, avec, entre autres grands noms du cinéma français, Léa Drucker, Anne Brochet et Anouk Grinberg.