L’impact de Pornhub sur l’industrie de la pornographie a été gigantesque pour diverses raisons : en plus de faciliter l’accès à du contenu gratuit et de redonner du pouvoir aux actrices et acteurs pornos, la plateforme a rendu possible… la diffusion à grande échelle de vidéo de viols et de pornographie juvénile. Le documentaire Money Shot : The Pornhub Story retrace la lutte que se font les détracteurs et les défenseurs de la plateforme, qui vient de changer de mains.

« Ethical Capital Partners a acheté MindGeek/Pornhub. Ils ont acheté la scène du crime qu’est Pornhub », a écrit Laila Mickelwait jeudi après-midi, après l’annonce de la vente de MindGeek, société montréalaise derrière la plateforme Pornhub, à Ethical Capital Partners, une firme d’Ottawa.

IMAGE TIRÉE DE MONEY SHOT : THE PORNHUB STORY

Scène de Money Shot : The Pornhub Story

Laila Mickelwait est à la tête de TraffickingHub, un mouvement qui réclame la fermeture de Pornhub et milite pour que ses dirigeants soient tenus responsables d’avoir rendu possible la distribution d’images de viols et d’autres abus sexuels et d’avoir profité de l’exploitation sexuelle de personnes, notamment des mineurs.

Son combat occupe une part conséquente de Money Shot : The Pornhub Story, documentaire de Suzanne Hillinger.

Offert depuis mercredi sur Netflix, le film relate l’histoire de la très populaire plateforme de diffusion, rappelle les bouleversements qu’elle a provoqués dans l’industrie de la porno et la controverse qu’elle suscite, en particulier depuis la publication dans le New York Times, en décembre 2020, d’un reportage d’opinion où il était question de vidéos d’agression sexuelle sur des mineurs diffusés sur la plateforme.

Un film nuancé

Money Shot n’est pas une charge à fond de train contre Pornhub, mais il aborde de front les aspects problématiques de la plateforme. Il est question du manque de contrôle sur le contenu qui permet la diffusion de matériel illégal (pornographie juvénile, scènes de viol, etc.), le laxisme dans le traitement des plaintes et le retrait de vidéos litigieuses, ainsi que la relative indifférence de ses dirigeants envers ceux qui les font vivre, c’est-à-dire les travailleurs du sexe.

Le film souligne aussi les liens entre certains détracteurs de Pornhub et la droite religieuse américaine. Laila Mickelwait, par exemple, est reliée à des groupes fondamentalistes qui sont contre toute forme de pornographie – Sports Ilustrated, c’est de la porno à leurs yeux, souligne le documentaire.

Ces lobbys mènent un combat d’abord moral sur le dos des victimes d’exploitation sexuelle, jugent certains intervenants du film.

Suzanne Hillinger manipule avec beaucoup de nuance un contenu explosif. Elle met en valeur des points de vue diamétralement opposés et cerne avec habileté les enjeux complexes qu’ils soulèvent. Couper les vivres à ce genre de plateforme fait-il plus de mal que de bien ? Quelles sont les conséquences d’un encadrement légal mal ficelé ? Qu’est-ce qui relève de la morale et qu’est-ce qui est protégé par la liberté d’expression entre adultes consentants ? Comment protéger les victimes d’agression et leur éviter le traumatisme de la diffusion des sévices subis ?

Money Shot aborde avec lucidité des questions qui concernent l’internet au sens large (du contenu scabreux se trouve aussi sur Facebook et bien d’autres réseaux, rappelle le documentaire). Et, sans minimiser les traumas des victimes d’exploitation sexuelle, il garde en tête que la demande pour la porno ne va pas disparaître et que cette industrie doit protéger ceux qui la font vivre : les travailleurs du sexe.

Offert sur Netflix, en anglais (sous-titres français disponibles) et en version française