La reprise de Plan B par le Canada anglais conserve son essence québécoise, au grand bonheur des comédiens Karine Vanasse et François Arnaud, qui s’y donnent la réplique.

Présentée sur Séries Plus en 2017 avant d’être récupérée par Radio-Canada, la première saison du drame psychologique des auteurs Jean-François Asselin et Jacques Drolet relatait le parcours de Philippe, un avocat ambitieux (interprété par Louis Morissette) qui recourait aux services d’une mystérieuse entreprise pour remonter le temps et sauver son couple.

Dans l’adaptation anglophone qui atterrit cette semaine sur CBC, le héros est défendu par l’acteur ontarien Patrick J. Adams, qu’on a connu dans Suits. Karine Vanasse incarne sa conjointe Évelyne, que Magalie Lépine-Blondeau interprétait en français, et François Arnaud campe son partenaire en affaires, beau-frère et meilleur ami Patrick, auquel Émile Proulx-Cloutier prêtait initialement ses traits.

La boîte KOTV, qui était derrière l’œuvre originale, a chapeauté cette nouvelle production de six épisodes. Jean-François Asselin a repris son poste de réalisateur, qu’il a cette fois partagé avec Maxime Giroux (Norbourg) et Aisling Chin-Yee (No Ordinary Man).

En dépit du changement de langue, l’histoire est restée ancrée à Montréal, où l’ensemble du tournage s’est déroulé l’été dernier. « Pour moi, c’est une source de fierté qu’on reprenne un projet du Québec au Canada anglais et qu’il implique les mêmes créateurs, les mêmes producteurs », lance Karine Vanasse en entrevue.

On retrouve cette culture montréalaise québécoise. Je trouve ça l’fun que la CBC ait souhaité garder ça.

Karine Vanasse

Les téléspectateurs qui regarderont cette nouvelle mouture de Plan B entendront également plusieurs répliques en français. Ces phrases lancées sporadiquement seront évidemment accompagnées de sous-titres pour permettre aux unilingues anglophones de tout comprendre.

« C’était important qu’on donne une image juste de Montréal ; pas une image où tout le monde parle en anglais, indique François Arnaud. Parce que ce n’est pas vrai qu’on parle uniquement en anglais. Le français n’est pas une affaire désuète. Au contraire. »

Souvenir vivace

Karine Vanasse et François Arnaud avaient tous deux regardé la première saison de Plan B en français lorsqu’ils ont reçu l’offre d’intégrer sa distribution anglophone. La première se rappelait les émotions en montagnes russes qu’elle avait vécues comme téléspectatrice, en voyant Évelyne tournoyer en spirale au rythme des voyages temporels de Philippe.

« Au départ, quand on rencontre Évelyne, on constate que c’est une fille qui retient son souffle depuis un bon moment. Elle n’est plus bien dans leur relation, et elle décide d’y mettre un terme. Donc pour elle, ça devient encore plus mélangeant quand Philippe commence à prendre des comportements différents chaque fois qu’il remonte le temps. Elle ne sait plus à quoi s’attendre. La confusion qui s’installe chez elle… Elle perd le nord, elle perd ses repères… Comme actrice, c’était super intéressant d’explorer ça. C’était aussi vertigineux. »

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR LA CBC

Karine Vanasse et Patrick J. Adams dans Plan B

Pour François Arnaud, le défi était d’« aller ailleurs », de s’éloigner du portrait qu’avait brossé Émile Proulx-Cloutier.

J’avais adoré ce qu’Émile [Proulx-Cloutier] avait fait du personnage. C’était très rythmé et haut en couleur. Mais je n’avais pas envie de refaire ce qu’il avait fait.

François Arnaud

« Même Émile n’aurait pas voulu refaire ce qu’il avait fait. Je n’avais pas envie d’imiter la performance de quelqu’un d’autre. J’ai juste essayé de l’oublier et d’aborder le personnage de façon différente », explique l’acteur, joint par téléphone à Los Angeles.

PHOTO DANNY TAILLON, FOURNIE PAR LA CBC

Patrick J. Adams et François Arnaud dans Plan B

Avec Plan B, François Arnaud complète ce qu’il décrit comme sa « trilogie de douchebags de finances », après avoir incarné le fraudeur Vincent Lacroix dans Norbourg et joué dans Surface, une série produite par Reese Witherspoon sur Apple TV+.

« Patrick a peur de manquer d’argent. Il prend des décisions moralement discutables. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, mais je comprends ce qui l’amène à agir comme ça. »

« Comme acteur, c’est souvent ce que j’ai le plus de plaisir à faire, comme dans The Borgias, des gens qui commettent des atrocités. La gymnastique intellectuelle que quelqu’un fait pour justifier ses actions horribles, pour leur donner un sens… C’est ce qui m’intéresse le plus. »

Science-fiction ?

Bien qu’on y parle de voyages temporels, ni Karine Vanasse ni François Arnaud ne décrivent Plan B comme une série de science-fiction.

« La science-fiction, c’est une excuse pour raconter une histoire très, très humaine, estime le comédien de 37 ans. C’est le genre de question qu’on se pose tous les jours. On regrette quelque chose qu’on a fait, et on est comme : “Ah ! Si seulement je pouvais retourner ne serait-ce que 30 secondes en arrière !” Ça fait partie du quotidien. Ce n’est pas quelque chose de flyé. »

« L’hyperréalisme, ce n’est pas toujours la meilleure manière de parler de l’expérience humaine, poursuit François Arnaud. Ce qui se passe dans ma tête chaque jour, ça ressemble beaucoup plus au tourbillon de Plan B qu’à un film d’auteur lent et avec plein de plans fixes ! »

La CBC présente la première saison de Plan B dès lundi à 21 h. La série est également offerte gratuitement sur CBC Gem, la plateforme de visionnement en ligne du diffuseur.

Karine Vanasse

PHOTO SERGE GAUVIN, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

La comédienne Karine Vanasse

De retour d’un voyage au Japon, Karine Vanasse caresse quelques projets confidentiels au printemps. Plus tard cette année, elle tournera la deuxième saison d’Avant le crash, qui sera diffusée sur ICI Télé l’automne prochain. Elle renfilera les tailleurs d’Évelyne, une banquière d’investissement aux standards de performance particulièrement élevés, très loin de l’Évelyne qu’elle incarne dans Plan B. « C’est intéressant d’explorer deux extrêmes avec deux filles au même prénom. Pour Évelyne dans Plan B, c’est plus difficile d’assumer les décisions qu’elle prend. C’est plus difficile d’obtenir des réponses aussi. C’est une fille qui n’a pas suivi ses rêves, qui s’est mise de côté pour se mettre au service des autres. J’ai hâte de voir où [les auteurs Éric Bruneau et Kim Lévesque-Lizotte] vont amener nos personnages dans Avant le crash, poursuit-elle. J’ai aussi hâte de recommencer à écouter du techno en allant travailler le matin, pour être dans l’ambiance. »

François Arnaud

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, ARCHIVES LA PRESSE

Le comédien François Arnaud

À partir du 24 mars, François Arnaud pourra être vu dans Yellowjackets, une série américaine qui relate le parcours tumultueux d’une équipe de soccer en mode survie en pleine forêt. L’acteur québécois y jouera l’amant secret du coach. Diffusée sur Showtime (et Crave au Canada) en 2021, la première saison avait obtenu beaucoup de succès. « J’avais regardé le premier épisode, mais je n’avais pas aimé ça, avoue François Arnaud au téléphone. Quand ils m’ont approché pour la suite, j’ai réessayé et j’ai vraiment tripé. J’ai regardé tous les épisodes en deux jours ! » Le comédien a beaucoup aimé son expérience de tournage. « Melanie Lynskey m’a fait un super accueil. Elle est venue me voir au maquillage et elle m’a dit : “On est chanceux de t’avoir.” C’était super, parce que je l’aime depuis que je l’ai vue dans Heavenly Creatures avec Kate Winslet au milieu des années 1990. »