La guerre annoncée n’aura pas lieu. Les révélations fracassantes auxquelles s’attendait la monarchie britannique, à la suite de la diffusion des premiers épisodes de la très attendue série Harry & Meghan, ne sont pas si fracassantes que cela, finalement. Dommage ? Pas vraiment. Parce que la série sur le couple terrible de la monarchie britannique demeure du pur bonbon pour les amateurs de potins en général, des riches et célèbres en particulier. Décryptage en cinq points.

1. Une entente valant des dizaines de millions

Rappelons que le duc et la duchesse de Sussex ont signé un contrat de plusieurs dizaines de millions de dollars américains avec Netflix, en vue de raconter ici leur histoire, « leur version », d’un récit par ailleurs ultra médiatisé. L’histoire de leur rencontre, de leur réalité, et du pourquoi du comment ils se sont exilés. « C’est mon devoir de protéger ma famille », répète aussi le prince Harry, à plusieurs reprises dans la série. Réalisée par Liz Garbus, à qui l’on doit plusieurs œuvres du genre (Love, Marilyn et What happened, Miss Simone), en plus de la quatrième saison de Handmaid’s Tale, Harry & Meghan est bourrée de photos inédites, vidéos intimes et témoignages de proches. Des amis de Harry, mais surtout de Meghan, jusqu’ici ni vus, ni connus, ni entendus. Le tout sera diffusé en deux temps : les trois premiers épisodes ont été déposés jeudi, les trois derniers le seront jeudi prochain, le 15. Et après la disparition de la reine Élisabeth II, il y a trois mois, très exactement, on n’a pas fini d’entendre parler de royauté. En effet, Harry publie d’ici quelques semaines ses mémoires : Spare (ou la pièce de rechange, chez Penguin Random House).

2. Le point sur leur rencontre

PHOTO PRINCE HARRY AND MEG, FOURNIE PAR NETFLIX

Le prince et sa princesse

Toutes les entrevues ont été achevées avant le mois d’août dernier, et « la famille royale s’est refusée à tout commentaire sur le documentaire », est-il indiqué, en tout début du premier épisode. Faux, a réagi une source au Washington Post, selon laquelle personne au palais de Buckingham n’aurait été sollicité. Passons. Parce qu’arrive ensuite le croustillant, avec le récit de la toute première rencontre (sur Instagram, photos, échanges, et vidéos à l’appui, en plus du récit de ce qu’on devine leur toute première nuit, sous une tente au Botswana) des deux tourtereaux. Et il faut bien le dire, c’est ainsi qu’ils se présentent, sans relâche, assis sagement, quoique toujours complices, devant la caméra. « Et c’est visuellement très léché, et très professionnel », réagit André H. Caron, professeur émérite au département des communications de l’Université de Montréal, au sujet de ce « faux documentaire », ou plutôt « rebranding » du couple princier, réfugié en Californie depuis 2020. Parce que si le tandem dénonce effectivement la violation constante et sans relâche de sa vie privée, il en expose ici paradoxalement un plutôt gros morceau, certes soigneusement édité. « Comme s’ils étaient des gens comme tout le monde, qui veulent protéger leurs enfants. […] Mais c’est un peu faux ! », glisse notre observateur.

3. La relation aux médias

IMAGE FOURNIE PAR NETFLIX

Le récit d’un amour d’abord gardé secret, loin des médias…

À travers le portrait de leur rencontre (« qui est cette fille ? », s’est demandé Harry en voyant une première photo d’elle, coiffée d’oreilles de chien !), tel un conte de fées, la série décortique le rapport tout particulier qu’entretient la famille royale avec les médias. Un rapport qu’on devine tordu, à la fois pour transmettre ses messages et demeurer présent dans l’actualité. Sans doute l’élément le plus nouveau, ou inédit, de ce début de série, pour le spectateur nord-américain à tout le moins. On apprend ainsi que la famille royale entretient une sorte de système, offrant à certains journaux (le Mirror, le Daily Mail, et une poignée d’autres tabloïds), une couverture, bref des informations dites « privilégiées ». « Ils contrôlent la perception […] de notre histoire », dit même Harry. Qui ? Des « experts de la famille royale ». « Et n’importe qui peut être expert, poursuit-il, et ils peuvent écrire n’importe quoi ! » « C’est très intelligent, commente ici André H. Caron. La série n’attaque jamais la reine Élisabeth II ni le prince Philip, mais la structure organisationnelle. Les communications de l’institution. […] C’est assez intelligent, parce qu’on n’égratigne personne. » Le tout à l’aide de plusieurs allers-retours historiques, souvenirs de Harry et du destin tragique de sa mère, la princesse Diana, évidemment.

4. Meghan, son histoire, et la question raciale

Ce qui se fait, ou pas, Meghan a dû l’apprendre sur le tas, de l’hymne national à l’art de la révérence, en passant par le code royal vestimentaire. Le deuxième épisode, qui commence avec un entretien avec sa mère Doria (« ces cinq dernières années ont été difficiles »), raconte l’enfance d’une jeune fille brillante, élevée par sa mère (noire) la semaine, son père (blanc) le week-end, pour qui la question ethnique n’a par ailleurs jamais été un enjeu. Tout un contraste, quand on sait (et on revoit) comment les tabloïds britanniques (une industrie d’hommes blancs, rappelle-t-on) l’ont accueillie. Détail intéressant : tout ceci se passait en plein Brexit, et autres débats tendus entourant la question de l’immigration. On découvre à quel point l’actrice (dans la série Suits, au moment de rencontrer son prince) aimait aussi son travail. Sa liberté. Tout un contraste, bis, quand on la voit encerclée par les paparazzis, obligée d’embaucher un chauffeur expert en esquives pour se faufiler à travers Toronto, où elle résidait à l’époque. « Terrifiant », répète-t-elle aussi. C’est toutefois au troisième épisode que la question raciale est analysée plus en profondeur, écorchant au passage l’institution du Commonwealth, fondée sur le colonialisme.

5. Et la suite ?

IMAGE FOURNIE PAR NETFLIX

Harry et Meghan lèvent le voile sur leur vie.

Beaucoup de choses ont été déjà abordées : l’enfance de Harry, plusieurs de ses frasques (sa consommation, son costume de nazi), et tout son cheminement à aujourd’hui. Sans parler de son engagement social, partagé avec Meghan. Les frasques du côté du père de Meghan (qui n’a pas été au mariage, souvenez-vous) sont également racontées. Décortiquées. Et on apprendra aussi les dessous de cette histoire pitoyable. Le troisième épisode se clôt à la veille du mariage, justement. On peut s’attendre, dans la suite attendue, à avoir les dessous du jour J. Mais plusieurs aspects restent à développer : la relation entre Harry et son frère William (Meghan et Kate ?), à peine mentionnée, et que dire de son père, le nouveau roi Charles III, dont le nom n’a même pas été encore prononcé ? Quoi qu’il en soit, André H. Caron croit que le tout sera très bien accueilli, de ce côté de l’Atlantique comme de l’autre. « Parce qu’on n’a pas touché aux choses sensibles ». En tout cas pas encore. À suivre.

Sur Netflix