Jay Du Temple revient sur ce qui l’a amené à animer la téléréalité il y a cinq ans et explique pourquoi il quitte maintenant l’aventure.

Jay Du Temple veut que vous sachiez qu’il ne quitte pas Occupation double à cause du psychodrame national d’octobre dernier qui a mené à l’expulsion de trois concurrents. « Chaque saison, je signe pour seulement un an, explique-t-il. Quand j’ai commencé en 2017, je pensais juste aller chercher un peu de notoriété, et je me suis fait prendre au jeu. Je ne m’attendais pas à avoir autant de plaisir et à ce que ce soit un travail aussi humain. »

Mais Jay Du Temple sait très bien qu’ils seront nombreux à conclure que s’il s’évince lui-même de la maison de l’amour, c’est afin de ne plus jamais être éclaboussé par une autre controverse du genre. La vérité : Jay Du Temple a annoncé sa décision à la productrice Julie Snyder en août dernier. Raisons de son départ ? L’humoriste voulait tirer sa révérence avant de ne plus s’y plaire, mais, surtout, afin de se consacrer au rodage de son deuxième spectacle intitulé Fin.

« Ç’a été une saison dure, mais j’étais heureux d’être là », assure-t-il au sujet de la rocambolesque épopée — intimidation en pleine télé incluse — qui se concluait dimanche soir.

Le plus important pour moi durant les moments difficiles, c’était que mes collègues sachent que j’étais là pour eux, que les candidats sachent que s’ils avaient besoin de dire quelque chose à la production, je pouvais être leur représentant.

Jay Du Temple

« Ç’a été une longue fin de semaine d’intensité et d’émotions pendant laquelle je me suis concentré sur ce que je pouvais contrôler, donc plus sur l’humain que sur le show télé », poursuit-il au sujet des évènements qui ont mené à l’éviction d’Isaack, de Philippe et de Félix.

Mais en exacerbant sciemment les inimitiés entre ses concurrents, au nom de cette tension dramatique qui gonfle les cotes d’écoute, la production d’Occupation double n’a-t-elle pas créé elle-même un climat délétère propice à de tels dérapages ?

Long silence. « J’imagine que oui… » finit par répondre Jay, qui devient soudainement très sérieux, mesurant chacun de ses mots. « Je suis encore en train de me faire une tête. Je ne sais pas si j’ai à être le juge de tout ça. Je fais confiance que les personnes en place ont appris de ça. Ce qui est certain, c’est que tout ça a nourri ma réflexion pour la suite : est-ce que ça me va de juste animer une émission, de faire partie d’un truc qui se fait critiquer, alors que ce n’est pas moi qui prends les décisions ? »

Être multiple

En 2017, plusieurs gros noms avaient décliné la proposition des Productions J de prendre les rênes de la nouvelle mouture d’OD, dont Stéphane Rousseau et Guillaume Lemay-Thivierge. Jay Du Temple a bien failli ajouter le sien à la liste de ceux qui ont répondu à Julie Snyder : Merci, mais non merci. « Mes trucs en humour, à une échelle très relative, commençaient à bien aller, se rappelle-t-il. J’avais dit que je préférais faire des spectacles. »

La démone, qui en avait vu d’autres, se rendra jusque Chez Maurice, à Saint-Lazare, où celui qu’elle souhaitait convaincre animait une soirée comique.

Je me souviens encore de Richard, le propriétaire, qui entre dans les loges en criant : “Heille Jay, Julie Snyder te cherche !” C’était complètement absurde. On a jasé un peu à l’entracte et Julie m’a dit : “Si tu veux faire des shows dans la vie, il faut que tu vendes des billets et moi, je t’offre l’opportunité d’animer un show qui va te permettre d’en vendre beaucoup.”

Jay Du Temple

La plus grande crainte de Jay Du Temple à cette époque ? Devoir narrer sur le ton emphatique d’un correspondant de guerre des intrigues somme toute bénignes, l’attitude jusque-là préconisée par ses prédécesseurs en chemises turquoise. Ça tombait bien : l’équipe d’OD entendait insuffler un minimum de deuxième degré à la téléréalité.

« J’avais peur de ce que les gens allaient penser, confie-t-il, mais j’ai fini par me rendre à l’évidence que si ceux qui venaient me voir dans les soirées d’humour ne m’aimaient plus parce que j’anime OD, c’était eux, le problème. On a le droit d’être multiple dans la vie. »

Julie Snyder ne lui avait pas raconté des bobards : alors que certaines salles refusaient jusque-là d’accueillir son premier spectacle, entièrement autoproduit, on répondait désormais systématiquement aux appels de sa sœur et gérante. Sans OD, Jay Du Temple n’aurait fort probablement pas mis les pieds sur la scène du Centre Bell en janvier 2020.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

Jay Du Temple en rodage de son spectacle en juillet dernier

Les valeurs que représente Occupation double — un certain carcan hétéronormatif où la bienveillance se dissout dans les verres de Bulles de Nuit — ont cependant parfois semblé en porte-à-faux avec celles d’un Jay Du Temple qui, au micro de sa balado, s’est fait un devoir de parler de féminisme, de consentement ou de diversité corporelle.

« C’est une réflexion qui n’a jamais cessé de vivre en moi, mais avec le temps, j’ai accepté le fait que j’anime seulement ce show-là, je n’en suis pas le producteur ou le diffuseur, dit-il. J’ai dû accepter que je n’avais pas le plein contrôle. Ma manière d’être intègre, ç’a été d’exprimer mes inconforts quand il y en avait. On ne m’a jamais demandé de faire quoi que ce soit qui me rendait mal à l’aise. »

Qui lui succédera ?

Au cœur d’un univers télévisuel qui dédaigne de mettre à l’écran d’autres visages que ceux qui y ont déjà brillé, confier la barre d’Occupation double à un humoriste de la relève tenait de l’exception. Jay Du Temple n’avait après tout animé jusque-là que le magazine UrbArt à MAtv — il était aussi, ironiquement, apparu dans l’inoubliable sketch « Je choisis Jonathan » de Like-moi.

Julie a vu en moi quelque chose que même moi je ne voyais pas. Ça fait peur à certains décideurs de donner un gros mandat à quelqu’un en début de carrière, mais l’avantage que ça a, c’est que cette personne-là ne peut pas ne pas être motivée.

Jay Du Temple

A-t-il une idée de qui pourrait lui succéder ? « Ce que j’espère, c’est que cette personne-là en ait besoin, comme moi j’en avais besoin. J’espère que cette personne verra sa vie changer de manière aussi heureuse que la mienne. »

Lisez notre entrevue de juillet avec Jay Du Temple sur son nouveau spectacle