La nouvelle quotidienne STAT divise les professionnels du milieu hospitalier. Certains déplorent son manque de réalisme, tandis que d’autres rappellent qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une fiction.

Entrée en ondes lundi avec tambour et trompette, la série dramatique d’ICI Télé a rallié en moyenne 1 171 000 téléspectateurs cette semaine, selon les données préliminaires de Numéris fournies par Radio-Canada. Au-delà du succès d’écoute, certaines scènes du feuilleton écrit par Marie-Andrée Labbé (Sans rendez-vous, Trop) ont suscité des discussions entre professionnels du milieu hospitalier sur différents médias sociaux.

Des téléspectateurs avertis ont sourcillé en voyant Emmanuelle St-Cyr, la cheffe des urgences de l’hôpital Saint-Vincent interprétée par Suzanne Clément, monter au bloc opératoire. Apparemment, aucun urgentologue ne s’aventure dans cette structure de l’établissement.

La manière dont l’urgentologue Jacob (Lou-Pascal Tremblay) s’est occupé du jeune hockeyeur blessé a également donné lieu à des protestations. Certaines provenaient d’une figure bien connue du public, le DAlain Vadeboncœur. Sur Twitter, l’urgentologue a tenu à rassurer ses abonnés en publiant le message suivant : « Si vous arrivez à l’urgence avec une fracture ouverte, vous serez installé sur une civière, aurez un soluté et recevrez analgésie et sédations avant que soit tentée une réduction, qui se fera sans doute hors de l’urgence, après évaluation et imagerie. »

PHOTO ÉRIC MYRE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Lou-Pascal Tremblay dans STAT

Enfin, les agissements du directeur des services professionnels, défendu par Normand D’Amour, ont suscité des remontrances. Pour son « incursion à l’étage », et pour avoir asséné un coup au conjoint de Chrystelle (Sarah Anne Parent), cette patiente qui entend des voix dans l’interphone.

L’équipe derrière STAT n’a pas souhaité commenter l’affaire. La boîte de production Aetios, dirigée par Fabienne Larouche et Michel Trudeau, nous confirme toutefois qu’elle vient de recruter Alain Vadeboncœur comme consultant médical.

L’ex-chef du département de médecine d’urgence de l’Institut de cardiologie de Montréal a déjà été conseiller au scénario sur Ruptures, L’échappée et Nouvelle adresse. Sur STAT, le DVadeboncœur rejoint la Dre Geneviève Létourneau, spécialisée en psychiatrie, et le DHai Huynh, spécialisé en chirurgie générale, qui apparaissaient au générique depuis lundi.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Le DAlain Vadeboncœur

Pas d’obligation

À la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ), on ne croit pas qu’en fiction, les créateurs doivent absolument représenter la pratique médicale telle qu’elle est. « Si l’objectif, c’est de divertir et non d’informer, ils n’ont pas l’obligation de brosser un portrait précis de ce qui en est », déclare le président et directeur général du syndicat, le DMarc-André Amyot, en entrevue téléphonique.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) émet le même son de cloche. « Ils peuvent faire ce qu’ils veulent, mais c’est sûr que c’est intéressant quand ça reflète la réalité, parce que ça peut servir d’éducation au public. Ça peut sensibiliser les gens aux réalités du milieu hospitalier », observe Anne-Louise Chauvette, directrice des communications du groupe, qui compte plus de 10 000 membres.

Selon le DAmyot, qui compte 28 années de pratique dans les urgences, les commentaires recensés traduisent l’« inquiétude des médecins », qui redoutent qu’une série populaire comme STAT « crée des attentes ».

À une certaine époque, dans les séries médicales, chaque fois qu’on voyait un patient arriver aux urgences, on procédait aussitôt aux manœuvres de réanimation. Et souvent, le patient était réanimé. Or, dans la vraie vie, ça n’arrive pas comme ça. On doit se fier sur l’auditoire pour faire la part des choses.

Le DMarc-André Amyot

Le DAmyot indique aussi qu’avec « tout ce qui arrive en santé » depuis quelque temps, les professionnels du réseau sont à fleur de peau, ce qui pourrait expliquer pourquoi certains d’entre eux s’en prennent à STAT. « À l’heure actuelle, le personnel est épuisé, à bout de souffle. Il y a du temps supplémentaire obligatoire, beaucoup de besoins, des listes d’attente en chirurgie, des listes d’attente pour consulter un médecin de famille. La pression est forte, et des fois, ça ne prend pas grand-chose pour irriter des médecins. »

L’histoire se répète

STAT est loin d’être la première série de fiction à susciter des critiques en provenance de véritables spécialistes du milieu de travail qu’elle dépeint. Même District 31 a fait l’objet de récriminations durant son règne de six saisons sur ICI Télé.

On s’en est notamment pris au taux de résolution des crimes de l’escouade du commandant Chiasson, bien supérieur au taux de réussite du SPVM. Du côté juridique, les (trop) nombreuses visites au poste du personnage de Sonia Blanchard, la procureure du Directeur des poursuites criminelles et pénales campée par Pascale Montpetit, avaient également été montrées du doigt.