Occupation double, L’île de l’amour, 5 gars pour moi… Le visage des téléréalités amoureuses québécoises s’apprête à subir un changement. L’hiver 2023 marquera l’arrivée d’une émission de rencontres réservée aux personnes handicapées, a appris La Presse.

Intitulée Et si c’était toi ?, cette série de 10 épisodes animée par Varda Étienne et produite par Pixcom (Audrey est revenue, Alertes) sera offerte sur AMI-télé. Le diffuseur au service des personnes non voyantes, à mobilité réduite ou malentendantes prévoit une entrée en ondes en février.

Dans chaque demi-heure, une personne célibataire en situation de handicap rencontrera trois prétendants, lesquels présentent un handicap ou non. Au terme des tête-à-tête, la personne devra sélectionner son coup de cœur.

Chez Pixcom, on décrit Et si c’était toi ? comme une émission de rencontres « très inclusive », développée en collaboration avec AMI-télé. Parmi les concurrents, on trouve des célibataires atteints d’une déficience intellectuelle, de surdité ou d’un trouble du spectre de l’autisme, et d’autres en fauteuil roulant, à cause d’un accident ou d’une maladie.

PHOTO PATRICK MALTAIS VERRETTE, FOURNIE PAR AMI-TÉLÉ

Le candidat Kevin Ouellet au cours des premières journées de tournage de l’émission Et si c’était toi ?

« On a essayé d’avoir une diversité à tous points de vue. On s’est aussi efforcés d’avoir une diversité sexuelle », souligne la réalisatrice Estelle Bouchard (Les nerdz, Ça ne se demande pas).

« C’est quand même différent comme casting. On est loin de L’île de l’amour et d’OD », déclare le directeur du développement francophone chez Pixcom, François-Étienne Parent.

Recrutement plus facile que prévu

Le recrutement des candidats a commencé au printemps. D’après François-Étienne Parent, cette étape cruciale dans la préparation d’une téléréalité amoureuse s’est déroulée rondement.

La réponse est bonne parce que ce n’est pas une clientèle à laquelle s’intéressent normalement les dating shows.

François-Étienne Parent, directeur du développement francophone chez Pixcom

« Les gens nous disent que c’est difficile de rencontrer, poursuit la productrice Amélie Dionne-Martel. Ils sont tannés des applications et tout ça. C’est pour ça qu’ils s’inscrivent en grand nombre aux émissions de rencontres. »

Une seule chose est venue compliquer la préproduction du nouveau rendez-vous télévisuel : la pandémie de COVID-19. « Les personnes en situation de handicap peuvent parfois avoir une santé un peu plus fragile, explique Amélie Dionne-Martel. On n’a pas voulu prendre de risques : on a dû trouver des prétendants de rechange au cas où quelqu’un présentait des symptômes la journée du tournage. »

Quant au choix de Varda Étienne à l’animation, il s’est imposé « naturellement ».

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Varda Étienne

« On n’avait personne d’autre en tête, soutient Amélie Dionne-Martel. C’était la seule. On aime son côté franc, mais attachant. Elle met du mordant dans ses commentaires. On en avait besoin. »

Une initiative saluée

Le Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ) applaudit la mise en chantier de l’émission Et si c’était toi ?. Jointe au téléphone, la cofondatrice, présidente sortante et porte-parole de l’organisme, Linda Gauthier, explique qu’elle salue le projet non seulement parce qu’il accroît la visibilité des personnes handicapées au petit écran, mais aussi parce qu’on trouve des personnes non handicapées au sein des trios de prétendants.

S’il y avait eu seulement des personnes en situation de handicap, ça aurait ghettoïsé le concept. Parce que moi, je suis en situation de handicap, mais pas mon mari. Et j’en connais plein d’autres, des couples comme nous.

Linda Gauthier, du RAPLIQ

Il s’agissait d’un aspect important pour l’équipe derrière l’émission.

« Sinon, on aurait l’air de dire que les personnes handicapées peuvent juste se fréquenter entre elles, déclare la réalisatrice Estelle Bouchard. C’est loin d’être ça qu’on veut montrer. »

Bien qu’elle sourcille chaque fois qu’elle entend le terme « téléréalité », Linda Gauthier, de RAPLIQ, considère Et si c’était toi ? comme une « avancée ». « Nous aussi, on a des besoins amoureux, autant affectifs que physiques. Ça serait bien qu’on puisse le voir. »

D’autres exemples

Et si c’était toi ? n’est pas l’unique téléréalité amoureuse impliquant des personnes dites « différentes ». Depuis 2020, Netflix relaie Love on the Spectrum (en français, Histoires d’amour et d’autisme), une production australienne qui explore avec sensibilité l’univers des rencontres entre jeunes adultes autistes.

Deux saisons sont actuellement offertes. Depuis quelques mois, la plateforme propose également l’adaptation américaine, judicieusement baptisée Love on the Spectrum US.

On pourrait également mentionner The Undateables, une téléréalité britannique diffusée sur Channel 4 depuis 2012 dans laquelle on montre comment des personnes aux prises avec divers types de troubles (trisomie, difficultés d’apprentissage, etc.) tentent de trouver l’amour.

Est-ce qu’une émission comme Et si c’était toi ? aurait pu voir le jour plus tôt au Québec ? Estelle Bouchard croit que oui. Les astres étaient toutefois alignés en 2022 pour qu’elle soit lancée avec autant d’aplomb.

« On a beaucoup parlé d’inclusion au cours des dernières années, de diversité culturelle, de diversité sexuelle, souligne la réalisatrice. Je pense qu’on est rendu à [représenter] la diversité de corps. »

« J’ose espérer que toutes les émissions vont s’ouvrir à ça », ajoute Amélie Dionne-Martel.