L’histoire de Julian Doucet n’est pas banale. L’acteur, auteur et producteur montréalais en dévoile d’ailleurs une partie dans The Lake, sa première série pour Prime Video, la plateforme d’Amazon.

Comme son héros prénommé Justin, Julian Doucet est papa d’une adolescente qu’il a confiée en adoption alors qu’il venait de terminer son secondaire, et qu’il n’était pas encore sorti du placard. Mais contrairement au personnage défendu par Jordan Gavaris (Orphan Black) dans l’œuvre de fiction, Julian ne s’est pas exilé en Australie pour revenir au pays, 16 ans plus tard, dans l’espoir de reprendre contact.

« C’est une histoire que j’ai portée en moi pendant tellement longtemps, poursuit-il. Durant toute ma carrière, on m’a dit : “Tu devrais raconter ta vie ! C’est tellement inusité !” Mais j’hésitais. Je n’avais pas envie d’exploiter mon passé. »

Julian Doucet a décidé de faire le saut quand Amaze Film+Television, boîte de production torontoise, a lancé un projet de série ancré dans l’univers des chalets en forêt autour d’un lac, un cadre qu’il connaissait bien puisqu’enfant, il avait passé plusieurs étés – avec ses parents « un peu hippies » – dans ce type d’habitations aux abords d’un plan d’eau.

Quand on écrit que Julian Doucet a choisi de « faire le saut » en faisant partager son expérience, on parle d’un plongeon tête baissée, et non d’un petit bond réservé. L’auteur a mis « toutes ses tripes » dans The Lake. Il s’en est rendu compte en salle de montage, après avoir écrit le scénario et supervisé le tournage.

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Julian Doucet

Cette série, c’est tout moi. Je l’assume entièrement. C’est la vision que j’avais en tête au début. Si c’est un échec, ce sera 100 % ma faute.

Julian Doucet

Originaire d’Ottawa, Julian Doucet a étudié le théâtre à Toronto. Depuis maintenant 15 ans, il réside à Montréal. Son nom est apparu au générique des séries St-Nickel (Unis TV), Killjoys (Space) et Hudson & Rex (Citytv).

Notre entrevue s’est déroulée en deux parties. La première s’est tenue de manière virtuelle en avril, en marge d’un évènement médiatique de Prime Video à Toronto, au cours duquel la populaire plateforme dévoilait son offre originale canadienne pour 2022. Julian s’était alors avoué « très nerveux ». Et pour cause, il venait tout juste de descendre de scène pour présenter The Lake aux membres de l’industrie.

Une aventure « surréelle »

Deux mois plus tard, la nervosité s’est transformée en incrédulité. Dans quelques jours, son « bébé » sera offert dans 240 pays et territoires.

« Je n’arrive pas à y croire ! C’est surréel ! C’est malade ! C’est excitant ! »

PHOTO PETER H STRANKS, FOURNIE PAR AMAZON PRIME VIDEO

Jordan Gavaris (Justin) et Madison Shamoun (Billie) dans The Lake

Le côté semi-autobiographique du projet n’est certainement pas étranger au cocktail d’émotions que ressent Julian Doucet. Outre sa prémisse de père homosexuel-fille biologique, The Lake met de l’avant un protagoniste qui présente des traits de caractère calqués sur Doucet. Leurs points en commun ? L’auteur souligne leur résilience devant l’adversité, leurs nombreuses insécurités et, surtout, leur tendance à suranalyser chaque situation. Mais tandis que Julian retourne ses pensées en boucle dans son esprit sans broncher, Justin les verbalise… Peut-être même trop.

« On a tous deux beaucoup d’humour. Mais Justin est plus étroit d’esprit que moi. Il est plus intolérant. »

La vraie fille de Julian Doucet a également servi d’inspiration pour Billie, l’ado dégourdie campée par Madison Shamoun (Black-ish).

PHOTO PETER STRANKS, FOURNIE PAR AMAZON PRIME VIDEO

Julia Stiles (Maisy-May) dans The Lake

Quant à Maisy-May, la demi-sœur « parfaite » et rigide de Justin interprétée par l’actrice américaine Julia Stiles (The Bourne Identity, 10 Things I Hate About You), elle représente une autre facette de Julian.

« Chaque personnage me ressemble, indique le scénariste. Maisy, c’est mon côté très perfectionniste et ambitieux. »

De Céline Dion à Mitsou

Julian Doucet se réjouit qu’Amazon investisse dans l’industrie télévisuelle du pays. Outre The Lake, le géant américain hébergera plusieurs productions canadiennes au cours des prochains mois, comme The Sticky, fiction inspirée du vol historique de sirop d’érable de 2012 au Québec, la série Three Pines de l’auteure Louise Penny et LOL – Qui rira le dernier ? avec Patrick Huard.

« Avec l’incroyable succès de Schitt’s Creek, et avec toutes ces séries québécoises qu’on adapte un peu partout à l’étranger, je pense qu’il y a un réel engouement pour ce qu’on fait. »

The Lake est d’ailleurs résolument canadienne. La culture pop de l’unifolié teinte fortement les premiers épisodes, qui renferment des références à Shania Twain, Céline Dion, Justin Bieber, Sarah McLachlan, k. d. lang et Anne Murray. Le Québec n’est pas en reste. En ouverture de série, on peut entendre Bye bye mon cowboy de Mitsou sortir des haut-parleurs d’une radio de dépanneur.

« Je voulais célébrer notre culture. Et j’adore la musique canadienne et québécoise : Roch Voisine, Gowan, Mitsou… Et tout le monde sait qu’un chalet, c’est l’endroit parfait pour écouter ses plaisirs coupables. »

The Lake atterrit sur Prime Video le vendredi 17 juin. (La série sera offerte en version française et avec sous-titres français.)