La haute saison des tournages étrangers à Montréal est officiellement commencée. L’arrondissement de Verdun a été déguisé en quartier new-yorkais en début de semaine à l’occasion du tournage du pilote d’une série du réseau NBC.

Des panneaux de signalisation maquillés, des taxis jaunes à quelques pas du IGA, des vitrines de commerces métamorphosées (Gemesi’s Beauty Salon pour remplacer Salon Gaétane), des camions qui monopolisent les espaces de stationnement… La rue Wellington arborait de nouvelles couleurs lundi puisqu’elle accueillait l’équipe d’Adam & Eva.

Écrite par Mike Daniel (The Vampire Diaries, The Village) et réalisée par Stephanie Laing (Dollface, Veep), cette comédie dramatique américaine adaptée d’un format néerlandais raconte l’histoire d’amour épique, à Manhattan, de deux inconnus que l’univers semble déterminé à réunir, précise Deadline. Ben Rappaport (For the People, Younger) et Alexandra Chando (As the World Turns, The Lying Game) s’y donnent la réplique.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Rue Wellington, l’équipe de tournage d’Adam & Eva a maquillé les panneaux de rue pour donner à Verdun des allures de New York.

Si NBC donne le feu vert au projet, ses 13 épisodes seront tournés en ville, nous informe le Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), qui souligne que Montréal a rarement accueilli le tournage de pilotes de séries américaines.

« C’est une nouveauté », indique la présidente-directrice générale de l’organisme, Christine Maestracci, en entrevue. « Ça découle du travail du BCTQ au cours des dernières années, avec ses tournées de familiarisation. On est très heureux. »

Une année plus tranquille

Adam & Eva donne le coup d’envoi d’un blitz de tournages étrangers qui devrait s’étirer jusqu’en novembre. Après une année 2021 de retombées économiques record, notamment marquée par l’accueil du tournage de la superproduction à gros budget Transformers 7 : Rise of the Beasts, l’année 2022 s’annonce plus tranquille. Christine Maestracci parle d’un retour au rythme de croissance « constant » prépandémie.

Même son de cloche chez l’Alliance québécoise des techniciens et techniciennes de l’image et du son (AQTIS), section locale 514 AIEST. « C’est un assez bon début d’année, mais on voit un ralentissement », déclare le président du regroupement, Christian Lemay.

L’an dernier, on était en mode surproduction parce que tout était condensé pour rattraper le retard accumulé [en 2020, lorsque la COVID-19 avait forcé la suspension complète des activités].

Christian Lemay, président de la section locale 514 AIEST de l’AQTIS

Président des studios MELS, Martin Carrier qualifie 2022 d’« année un peu plus normale ». Au cours des derniers mois, l’entreprise a accueilli des tournages des géants Viacom et Disney. Cet été, elle recevra l’équipe du long métrage d’horreur Scream 6 avec Courteney Cox et Hayden Panettiere, qui devrait débarquer en juin.

PHOTO BROWNIE HARRIS, FOURNIE PAR PARAMOUNT PICTURES

Courteney Cox dans Scream 5

Parmi les autres productions d’envergure attendues au Québec, signalons la comédie de situation Ghosts du réseau CBS, qui attire chaque semaine plus de 8 millions de téléspectateurs aux États-Unis, selon Nielsen.

Mentionnons également The Sticky, une série inspirée de faits réels, coproduite par Jamie Lee Curtis, Blumhouse Television et Sphère Média, qui relate le vol historique de sirop d’érable de 2012 à Saint-Louis-de-Blandford. Commandée par Amazon, cette fiction est destinée au service de vidéo sur demande Prime Video.

Du côté des coproductions, signalons deux films : La tresse, un drame italo-franco-canadien réalisé par Laetitia Colombani et inspiré du roman du même titre mettant en vedette Kim Raver (Grey’s Anatomy), et Jaguar My Love, du cinéaste français Gilles de Maistre (Le premier cri, Féroce).

Plusieurs autres titres devraient venir gonfler cette liste au cours des prochaines semaines.

Une pénurie pas spécifique au Québec

Comme l’an dernier, la pénurie de main-d’œuvre posera vraisemblablement des défis aux productions. Mais comme l’indique Christine Maestracci, du BCTQ, ce n’est pas un problème spécifique au Québec.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Des camions transportant l’équipement de tournage d’Adam & Eva, une série de NBC, ont été aperçus à Verdun.

« C’est un enjeu planétaire. Ça fait partie des choses qui sont prises en considération quand vient le temps de choisir un endroit où aller tourner. Ça fait partie des questions qu’on nous pose, au même titre que : “Est-ce que vous avez assez de pieds carrés pour telle production ?”, “Est-ce que vous avez des initiatives vertes ?”, “Est-ce que vous avez assez de diversité devant et derrière la caméra ?” »

Du côté de l’AQTIS, section locale 514 AIEST, on voit l’arrivée des productions américaines d’un bon œil, même en période de rareté de main-d’œuvre. Bien qu’en offrant des salaires plus élevés, ces dernières compliquent la tâche aux producteurs québécois qui tentent de retenir leurs employés, elles stimulent l’industrie, insiste le syndicat. « Notre organisation favorise toute création d’emplois, quelle qu’elle soit : québécoise, canadienne-anglaise ou américaine », signale Christian Lemay.

Il faut embrasser la croissance de l’industrie de l’audiovisuel. Ça crée des opportunités incroyables. Ça peut contribuer à relancer l’économie post-pandémique du Québec. 

Christian Lemay

Pour Christian Lemay, l’arrivée des tournages américains au Québec n’est pas une menace pour l’industrie locale. Au contraire. Pour étayer son propos, il cite la loi du 1 %, qui oblige les entreprises à investir annuellement au moins 1 % de leur masse salariale pour former la main-d’œuvre. Ainsi, l’an dernier, les producteurs américains auraient versé 650 000 $ à l’Institut national de l’image et du son, qui assure la formation professionnelle continue.

Quant aux mesures sanitaires pandémiques, qui demeurent en place pour chaque tournage, elles n’ont pas l’air de décourager les producteurs étrangers de déposer leurs valises au Québec.

« Parce qu’on a été parmi les premiers à repartir en 2020. Les protocoles qui ont été mis en place en concertation avec l’ensemble de l’industrie ont rassuré les producteurs étrangers, soutient Christine Maestracci. Ce n’est pas un frein. »