Parler des personnes trans et de ce qu’elles vivent est de moins en moins tabou. La série documentaire Un nouveau jour ouvre une grande porte en racontant et en montrant une réalité mal connue, celle de la chirurgie d’affirmation de genre. Un sujet délicat, que la réalisatrice Émilie Ricard-Harvey aborde avec doigté.

Julie Lagrange est tout sourire lorsqu’elle débarque à Montréal. Après un an et demi de préparation et d’attente, elle s’apprête à franchir l’ultime étape qui lui permettra de compléter sa transition amorcée quatre ans plus tôt et d’être enfin elle-même : une opération de réassignation sexuelle. Concrètement, ses organes génitaux seront modifiés pour que son corps ressemble à la femme qu’elle est depuis toujours à l’intérieur.

Elle est loin d’être la seule. D’autres femmes trans vivent aussi cette transformation dans les deux premiers épisodes d’Un nouveau jour, diffusée sur Crave à compter de mercredi. La série documentaire montrera aussi des personnes qui font le voyage inverse, des hommes trans qui vont dire adieu au corps féminin dans lequel ils sont nés et qui ne reflète pas leur identité intime.

« La réalité des personnes trans, je ne la connaissais pas dans les détails, dit la réalisatrice de la série, Émilie Ricard-Harvey. Mais au-delà de la personne trans, il y a un être humain et une quête identitaire. Je comprends ça, on en a tous une. » Ce qu’elle met en valeur, c’est d’abord ça : des personnes en quête d’elles-mêmes dans un contexte qui, lui, est exceptionnel.

Toutes les personnes trans ne choisissent pas de passer sous le bistouri. Pour raconter ce moment charnière de la vie de ceux qui en ont besoin, la réalisatrice a eu un accès inédit à la clinique GrS Montréal, seul établissement privé spécialisé en chirurgie de réassignation sexuelle au Canada. Ses experts ont réalisé plus de 10 500 opérations pour des personnes trans et non binaires de partout dans le monde depuis 1980.

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Émilie Ricard-Harvey suit principalement Julie dans les deux premiers épisodes de la série, mais donne aussi la parole à Emmanuelle et à Rebecca, qui ont elles aussi subi des vaginoplasties à peu près au même moment. On sent dès le départ qu’elle a su établir un lien de confiance avec les personnes qu’elle met à l’écran. Les patientes, qu’elle enveloppe d’une lumière douce, se confient à elle avec naturel. Elle ne force aucune porte et ne cherche pas à faire jaillir l’émotion.

« Je voulais que les patientes et les patients comprennent qu’on n’allait pas aller au-delà d’une certaine limite », explique la réalisatrice, qui a pris le temps de bien expliquer sa démarche aux patientes et patients qui souhaitaient apparaître dans la série documentaire. Une chose était claire, toutefois, à ses yeux : il fallait montrer les interventions chirurgicales.

PHOTO KAROLINA KRUPA, FOURNIE PAR ÉMILIE RICARD-HARVEY

Émilie Ricard-Harvey, réalisatrice de la série documentaire Un nouveau jour

Il y a un grand désir d’honnêteté et de franchise, un désir de montrer vraiment ce que c’est de A à Z. Montrer, c’est informer, c’est aider à comprendre. C’est comme ça qu’on fait tomber les barrières.

Émilie Ricard-Harvey, réalisatrice de la série documentaire Un nouveau jour

Sa caméra était donc présente en salle d’opération pour filmer l’intervention chirurgicale de Julie. Elle en a gardé trois ou quatre séquences de quelques secondes pour montrer ce qui se passe concrètement lorsqu’un chirurgien transforme un sexe masculin en sexe féminin. Une animation intercalée dans le segment qui se déroule en salle d’opération complète l’information. C’est direct, mais sobre.

« Il y a une grande part d’intimité du fait qu’on montre les chirurgies, mais leur intimité, on ne la montre que dans un contexte chirurgical », fait valoir la réalisatrice, qui a visiblement soupesé chacune des images qu’elle met à l’écran.

Un environnement chaleureux

La série Un nouveau jour ne se distingue pas seulement par la franchise avec laquelle elle montre les différents types d’interventions chirurgicales auxquels les personnes trans peuvent avoir recours pour être mieux dans leur peau. Elle s’attarde énormément à l’environnement dans lequel les opérations ont lieu, un cadre chaleureux, bienveillant, où brille un personnel dévoué. Tout dans cet endroit est mis en œuvre pour accompagner les patientes et les patients dans ce moment pivot de leur vie.

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

« La transidentité est une chose qui ne s’invente pas, c’est une chose qui se vit », dit le DPierre Brassard. C’est un problème qui peut pousser au suicide, souligne le chirurgien, qui se consacre aux opérations d’affirmation de genre parce qu’il voit le bien que ça fait aux patientes et aux patients.

Les femmes trans qu’on découvre dans les deux premiers épisodes de la série semblent d’ailleurs très bien dans leur peau au moment de compléter leur transition. « C’est un moment d’affirmation qui est très puissant. J’ai vraiment senti un grand soulagement chez chacune de ces personnes », dit Émilie Ricard-Harvey.

« J’ai l’impression d’avoir fait quelque chose d’utile. Je me considère comme une alliée et j’espère que toutes les personnes trans vont le voir comme ça aussi, poursuit la réalisatrice. Je ne peux rien faire pour les gens qui n’ont ni curiosité ni ouverture. Par contre, ceux qui manquent d’information et qui veulent en apprendre plus, je pense que la série va leur ouvrir les yeux sur la réalité des personnes trans. »

Un nouveau jour, dès mercredi, sur Crave