Dans les années 1970, Montréal a été au cœur de la révolution disco. Une véritable plaque tournante de ce mouvement né dans l’underground des discothèques homosexuelles, qui est vite devenu grand public au Québec et en Amérique du Nord. Survol d’une nouvelle série documentaire qui s’intéresse au phénomène musical et social.

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le regretté Robert Ouimet, photographié en 2006, au milieu de ses trophées reçus pendant les années disco

Le parrain du disco

Mort subitement à 74 ans, le 21 avril dernier, Robert Ouimet est considéré comme « le parrain montréalais du disco ». Il est aussi un influent mentor pour des générations de jeunes DJ au Québec. À titre d’expert et DJ résidant au Lime Light jusqu’en 1980, il figure dans ce documentaire de cinq épisodes, tourné l’automne dernier à Montréal. C’est touchant de voir d’autres interviewés, comme le très pertinent producteur et artiste Christian Pronovost, nous parler de Ouimet au présent ; en rappelant ses faits d’armes pour la profession, et surtout pour l’histoire de la musique électronique au pays. Un beau soir de la fin des années 1970, las de faire jouer du disco, Robert Ouimet a décidé de déposer sur sa platine un disque qu’il venait juste de recevoir d’Europe. « J’ai mis une pièce New Wave… et la piste de danse s’est complètement vidée ! », se souvient-il. Quelques mois plus tard, Ouimet quittait le Lime Light pour aller travailler au Studio 1. Et populariser cette nouvelle musique.

PHOTO JEAN GOUPIL, ARCHIVES LA PRESSE

La discothèque le Lime Light, rue Stanley à Montréal, en 1980

Le party

Le disco, c’est un gros party qui a duré cinq ans. Le deuxième épisode de la série, Sexe, drogue et disco, est d’ailleurs consacré à ces nuits magiques, bien arrosées et bien poudrées. « Je me souviens d’avoir été dans une fête chez un producteur. Il offrait aux invités des lignes de cocaïne sur un plateau d’argent, comme des canapés », dit l’animatrice Danielle Ouimet. De son côté, la chanteuse Patsy Gallant raconte que les gens faisaient de la coke pure, sous forme de grosse roche et qu’on devait prendre une râpe à fromage pour la couper ! La production a le mérite d’avoir mis tous les témoins de cette époque en confiance devant la caméra. Chacun raconte ses folles nuits de jeunesse sans faux-fuyants. Car le disco est aussi synonyme d’excès et d’insouciance.

L’acceptation…

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Mado Lamotte en spectacle au Gesù en 2014

Le disco est rythmé comme des battements cardiaques. Et cette musique sert aussi de liant humain. Toutes couleurs, origines et orientations sexuelles confondues. « À l’époque du disco, pour la première fois, on pouvait être qui on voulait, au moment où on le voulait. Et le disco, pour une drag-queen, c’était le nirvana ! », résume Mado Lamotte. La « reine mère des drags » ajoute avoir toujours inclus du disco dans les spectacles de son cabaret, depuis l’ouverture en 2002. De leur côté, Kim Richardson, Pierre Perpall et Freddie James (Get Up and Boogie) nous parlent de la connexion musicale directe du disco avec le funk, le Motown, le R&B. De l’ouverture de la scène musicale montréalaise des années 1970 pour les artistes noirs qui avaient débuté au Rock Head Paradise ou au 217 Club, boulevard Saint-Laurent. La nuit, tous les chats sont gris. Et le disco est rassembleur.

… et le rejet…

L’un des propriétaires du Lime Light, Claude Chalifoux, se souvient avoir entendu des gens dire qu’ils allaient « rire des tapettes » au Jardin [la discothèque pour hommes seulement, située à l’étage en dessous du Lime Light]. « Je leur ai dit qu’ici, y a pas de tapettes. Tout le monde se respecte et laisse vivre les autres. Sinon, c’est la porte ! » En juillet 1979, l’évènement Disco Sucks, un autodafé de disques sur le terrain d’un stade de baseball à Chicago, a été vu comme le début de la fin du disco. « Pour moi, ce n’était pas une manif anti-disco, explique la chanteuse France Joli. C’était un geste contre les Noirs, les femmes et les gais qui étaient associés à cette musique. » « Le disco était un prétexte pour justifier un acte haineux », ajoute Robert Ouimet.

La récupération

Fly, Robin, Fly ; Born to Be Alive, Your Love… Dans les années 1970, ces titres ont été des succès énormes et… sans lendemain. Des « one-hit wonders » dans la carrière de leurs interprètes. Martin Stevens reconnaît avoir été le chanteur d’un tube qu’il a repris sans cesse durant des décennies. Échaudé par la rapacité de l’industrie musicale, l’interprète de Love Is in the Air en conserve de beaux souvenirs, mais aussi des regrets. Toutes les maisons de disques voulaient leurs Bee Gees. Et tout le monde s’est mis à chanter du disco. Si le disco a perdu de son lustre, c’est parce que l’industrie a trop pressé le citron, et associé le genre à n’importe quels produits et artistes… Ma’m Thibault de Monsieur Tranquille (Roger Giguère), ça vous dit quelque chose ?

Le bonheur

PHOTO FOURNIE PAR LA PRODUCTION

L’ex-interprète du groupe disco Toulouse, Judi Richards

« Le disco n’est pas mort, il a juste évolué », dit-on à la fin de la série. « La musique, c’est des moments de pur bonheur, estime l’ex-disquaire Guy Brouillard. Le disco n’est pas quétaine, sinon la joie et le bonheur le sont aussi. » Donnons le mot de la fin à l’interprète de Toulouse, Judi Richards : « Le disco, peu importe sa forme, reviendra toujours. Parce que les gens auront toujours envie de s’éclater. »

D. I. S. C. O. Réalisation : Charles Gervais. D’après une idée d’Éric Hébert. Offert sur Vrai, la plateforme de contenus par abonnements de Vidéotron.

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