Simon Boulerice aime la danse. Pour quiconque connaît un tant soit peu son œuvre, il s’agit d’une évidence. Après tout, ne s’est-il pas déjà écrit un spectacle solo intitulé Simon a toujours aimé danser ? Comme on disait, Simon Boulerice affectionne la danse… sauf le tango. « C’est trop de séduction, la tension est insupportable ! s’exclame l’auteur, acteur, poète et metteur en scène. Je préfère le swing, c’est plus décomplexé ! »

Si l’on s’étonne d’entendre soudainement Simon Boulerice discuter de danse, ce n’est pas (seulement) parce qu’il parle plus vite que son ombre et qu’il vient de prendre le contrôle de l’entrevue. C’est parce qu’il explique les raisons pour lesquelles il s’est déjà laissé emporter par l’ouragan des applications de rencontre, qui requièrent habituellement peu d’efforts pour charmer l’autre personne engagée dans l’échange virtuel.

« La séduction, ça n’a jamais été ma force. Je n’ai jamais été habile là-dedans. Et ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse vraiment. »

Cette période passée sur Tinder, Grindr et compagnie a inspiré Simon Boulerice à publier, en 2016, Géolocaliser l’amour, roman par poèmes qui, six ans plus tard, adopte la forme d’une série qui atterrira cette semaine sur l’Extra d’ICI Tou.tv. Composée de 10 épisodes d’une dizaine de minutes chacun, cette autofiction pour adultes, réalisée par Nicolas Legendre-Duplessis, dépeint les sexcapades – parfois drôles, tristes, décevantes et malaisées – d’un protagoniste au pedigree identique au sien. Malgré tout, Simon Boulerice, qui incarne le héros à l’écran, refuse de parler de série autobiographique.

Il y a des éléments qui sont vrais [dans Géolocaliser l’amour], mais la plupart sont inventés ou empruntés. C’est une somme de faits vécus et d’observations.

Simon Boulerice

Est-ce qu’il s’est déjà fait ghoster ? Est-ce qu’il s’est déjà fait « revirer de bord » cinq secondes après être arrivé chez son « match » ? Est-ce qu’il s’est déjà tapé le concierge d’une école primaire immédiatement après y avoir donné une conférence ? S’il n’a pas envie de séparer le vrai du faux, Simon Boulerice s’amuse certainement à flouter la ligne entre réalité et fiction dans Géolocaliser l’amour. C’est d’ailleurs son véritable meilleur ami, Jocelyn Lebeau, qui campe son meilleur ami à l’écran. Les images d’archives utilisées dans chacun des épisodes sont toutes authentiques, comme son passage à Tout le monde en parle en 2013.

« Il y a une scène où Simon fait une fellation à un gars qui s’endort. Je trouve ça très drôle comme situation ! Mais je ne dirai pas si c’est moi qui ai vécu ça ! »

Un viol

Géolocaliser l’amour marie comédie et drame. Au quatrième épisode, la série prend une tournure inquiétante en présentant une scène de viol, lorsque la quête de Simon le mène jusque chez Marc-Antoine, un narcissique sans grand égard pour autrui.

Simon Boulerice tenait à inclure cette séquence dans l’adaptation télé.

Je trouvais ça important qu’on montre une scène de viol homosexuel. Parce que c’est rare qu’on voie ça. Mais ça existe.

Simon Boulerice

Le tournage de l’extrait, minutieusement chorégraphié, s’est bien déroulé, raconte l’artiste verbomoteur. Une fois la scène montée, les dirigeants de Radio-Canada l’ont toutefois jugée trop explicite. Ils ont exigé qu’elle subisse quelques altérations, pour couvrir la nudité frontale du comédien Gabriel Lemire, qui incarne l’agresseur.

« C’était très cru, reconnaît Simon. On peut dire qu’on a ajouté du mystère en postproduction. »

PHOTO ALEXIA LACHANCE, FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Marc-Antoine (Gabriel Lemire) et Simon (Simon Boulerice) dans Géolocaliser l’amour

Comme une chanson triste

Revisiter cette période plus sombre, truffée de déceptions amoureuses en tous genres, n’a pas déplu au principal intéressé. Au contraire. À l’écouter parler, l’expérience s’est même avérée agréable.

« J’ai aimé ça pour les mêmes raisons que j’aime écouter des chansons tristes. Des chansons qui font pleurer, ça vidange. Ce n’est pas quelque chose qui me tire vers le bas. »

J’ai beaucoup de tendresse pour ce que j’ai été, pour mon côté tout croche. Je me sentais seul, et pourtant, j’étais entouré d’amis. Il y avait une forme de désarroi chez moi. J’étais tellement transi d’amour, j’espérais tellement le conte de fées… Quand je repense à cette période, je voudrais me prendre dans mes bras et dire : “Ça va bien aller, mon petit gars”. Un peu comme un grand frère.

Simon Boulerice

Simon Boulerice ne souhaite pas condamner les applications de rencontre avec Géolocaliser l’amour. Après tout, c’est sur l’une d’elles qu’il a rencontré son copain des cinq dernières années.

« C’est un condensé : il y a des personnes formidables comme il y a des personnes désagréables. J’y ai fait des rencontres très ludiques même quand ça n’aboutissait sur rien. »

L’envie de jouer

Bien qu’il possède un DEC en interprétation du Collège Lionel-Groulx, Simon Boulerice est mieux connu comme auteur auprès du grand public. Depuis quelques années, par contre, sa carrière d’acteur prend davantage de place. Il s’est notamment écrit un rôle dans Six degrés, rôle qu’il étoffe de saison en saison.

Contrairement à Xavier Dolan, qui avait essentiellement écrit J’ai tué ma mère pour s’offrir l’occasion de jouer, le touche-à-tout ne considère pas Géolocaliser l’amour comme une carte de visite qui pourrait convaincre des réalisateurs de retenir ses services comme comédien.

« Si j’avais été plus jeune, peut-être. Mais je viens d’avoir 40 ans. Je suis détaché de tout ça. Quand je suis sorti de l’école de théâtre, j’avais tellement envie de jouer. Mais les choses n’arrivaient pas. J’ai donc beaucoup écrit. J’avais une petite compagnie de théâtre avec Sarah Berthiaume. Je faisais des mises en scène. On gagnait des prix. Puis j’ai commencé à écrire des romans. Ça marchait super bien. Ça m’a permis de gagner ma vie. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Simon Boulerice

Le bourreau de travail s’est également donné un petit rôle – celui d’un bibliothécaire – dans Chouchou, sa prochaine série attendue sur Noovo l’automne prochain. En tournage depuis quelques jours, le drame réalisé par Marie-Claude Blouin et Félix Tétreault décrira un amour illicite entre une professeure de français de 37 ans, défendue par Evelyne Brochu, et son élève de 17 ans, campé par Lévi Doré.

Le scénario rappelle évidemment l’affaire Mary Kay Letourneau, cette enseignante et mère de famille, qui avait été condamnée à sept ans de prison ferme aux États-Unis pour avoir entretenu une relation sexuelle avec Vili Fualaau, son élève alors âgé de 12 ans.

« J’avais envie de dépeindre une zone évidemment condamnable, mais plus floue, précise le scénariste. Je trouvais ça intéressant de montrer un élève qui cruise sa professeure, qui va vers elle. »

Briser l’image ?

Avec Géolocaliser l’amour et Chouchou, Simon Boulerice s’éloigne évidemment du Simon Boulerice ayant signé une vingtaine de romans jeunesse et ayant participé à l’écriture de la reprise de Passe-Partout à Télé-Québec. Conscient du clivage, le principal intéressé ne semble pas s’en formaliser.

Ce n’est pas une image que j’essaie de briser. Parce que c’est moi, autant l’un que l’autre. Je suis multiple, comme tout le monde. J’ai un côté coloré, mais j’ai aussi un côté plus dramatique.

Simon Boulerice

« Quand la bande-annonce de Géolocaliser l’amour est sortie, les commentaires étaient majoritairement positifs, mais il y a quand même une dame qui m’a écrit : “Je vous préfère quand vous souriez.” C’est sûr qu’à Bonsoir Bonsoir ! ou qu’à Télé-Québec avec Marc Labrèche, je souris beaucoup. Quand la caméra s’allume, je m’allume complètement. Mais je suis aussi capable de m’éteindre complètement. Michel Tremblay a déjà dit à mon chum : « Ça ne doit pas être facile de vivre avec Simon. » Mon chum a répondu qu’au contraire, c’est même un peu plate. Et c’est vrai ! Au quotidien, quand j’écris, je suis vraiment centré et silencieux. »

Géolocaliser l’amour atterrit sur ICI Tout.tv Extra jeudi. Simon Boulerice continue de participer à Bonsoir Bonsoir ! sur ICI Télé. Il collaborera également à Sucré salé, de retour le 23 mai à TVA.