Elles avaient dit au revoir en juin 2021 à la téléréalité qui les avait mises au monde, Keeping Up with the Kardashians (KUWTK). Leur absence aura été de courte durée : Kris, Kim, Kourtney, Khloé, Kendall et Kylie font leur retour cette semaine avec une nouvelle émission appelée tout simplement : The Kardashians.

Aux États-Unis, un lent striptease médiatique accompagne bien sûr ce retour fortement attendu : des unes de magazines (Vogue et Variety), une pub télé aux Oscars, quelques entrevues chez Ellen DeGeneres ou sur la chaîne ABC, réseau parent du nouveau diffuseur de la série (Disney+ au Québec). Que nous réserve la famille royale de la télé américaine ?

Les Kardashian sont sérieuses

« Never go against the family » (« Ne jamais aller contre la famille ») : cet avertissement lancé à deux reprises dans la bande-annonce (vue plus de 12 millions de fois sur YouTube au moment d’écrire ces lignes) fait craindre le pire aux fans de longue date des Kardashian.

« C’est très Soprano, très Le Parrain », dit en riant Natalie Franklin, auteure du compte Instagram @norisblackbook, qui parodie North West, la fille aînée de Kim Kardashian et de Kanye West — et qui compte pas moins de 1,5 million d’abonnés, dont Kim elle-même et Julia Fox, flamme éphémère de Kanye West.

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De nombreuses émissions de téléréalité ont fait leur marque de fabrique d’une certaine folie, dirons-nous. The Kardashians, qui sera diffusée sur Hulu, plateforme de diffusion en continu appartenant à Disney, annonce une esthétique léchée, qui s’éloigne des codes du genre.

PHOTO JORDAN STRAUSS, FOURNIE PAR ASSOCIATED PRESS

Kourtney Kardashian et son amoureux Travis Barker lors de la cérémonie de remise des Grammy, le 3 avril dernier

« Elles se positionnent maintenant comme des femmes d’affaires, sérieuses, mais ça pourrait laisser place à un peu de folie. On sort d’une pandémie, il y a la guerre… ça ne vous tenterait pas plutôt de faire un mauvais coup à Kris ? », blague Natalie Franklin. Pour la petite histoire, Mme Franklin a rencontré Kim et Kourtney et participé à la dernière saison de KUWTK. « Dans la vraie vie, Kim et sa sœur sont toutes deux magnifiques, dit-elle, mais aussi très drôles, et capables d’autodérision. »

Une émission qui fait bling

Il est révolu le temps où les Kardashian n’étaient qu’une famille de Beverly Hills comme les autres aspirant tout simplement au confort de la notoriété. Près de 15 ans après ses débuts cathodiques, la famille est à la tête d’un empire allant du divertissement aux cosmétiques, en passant par l’alcool, les produits ménagers et le prêt-à-porter. Elle pèse aujourd’hui près de 5 milliards US, selon Variety, et la fortune de Kim Kardashian, à elle seule, est estimée à 1,8 milliard US.

« L’émission s’appelle seulement The Kardashians, et je crois que c’est significatif. Cela les place comme une famille iconique, comme les Kennedy ou les Windsor. Elles sont maintenant sur une autre planète, ce sont des divinités, qui sont le pinacle d’une certaine culture », analyse Meredith Jones, de l’Université Brunel, à Londres, et organisatrice de deux « Kimposium » consacrés, comme leur nom l’indique, à Kim Kardashian.

Consultez le programme du dernier Kimposium

Pour attirer la famille Kardashian, Disney aurait allongé une somme « dans les neuf chiffres », selon la presse américaine. Bref, l’identification du spectateur avec les Kardashian, un des moteurs de KUWTK, sera plus ardue en 2022 qu’en 2007.

PHOTO DANNY MOLOSHOK, ARCHIVES REUTERS

Kim Kardashian et Kanye West photographiés en 2020, un an avant leur séparation

Ye contre Pete

Sans surprise, le divorce acrimonieux de « KimYe » (Kim et Kanye West) sera au cœur de cette saison : Kanye West a multiplié les sorties contre son ex et son nouveau compagnon, Pete Davidson, au cours de l’hiver. Pour Kim, c’est un troisième divorce — et son deuxième devant les caméras d’une téléréalité.

Le divorce sera sûrement mis en scène pour montrer Kim compatissante envers Kanye [qui a eu un diagnostic de bipolarité en 2016]. Mais elle ne se positionnera pas comme une victime de violence, si violence il y a.

Meredith Jones, de l’Université Brunel, à Londres

Quant à Pete Davidson, les pronostics qu’il devienne une figure régulière de l’émission ne sont pas très bons. « C’est un bon copain à court terme, cela ne le dérange pas d’être dans l’œil du public, mais ce n’est pas un compagnon à long terme », tranche Natalie Franklin.

PHOTO EVAN AGOSTINI, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le comédien Pete Davidson fréquente Kim Kardashian depuis l’automne 2021.

Les curieux pourront se rabattre sur les coulisses de Saturday Night Live, où Kim a rencontré Pete à l’automne, pour peut-être comprendre comment s’est formé ce couple improbable.

Un mariage et des interrogations

Autre couple dont les bas devraient être au cœur de cette nouvelle mouture : Khloé et Tristan Thompson, qui a multiplié les infidélités et confirmé, en janvier, avoir eu un enfant avec une autre femme pendant leur relation. L’aînée des Kardashian, Kourtney, a quant à elle un mari tout neuf, Travis Barker, et des envies de famille. Le mystère plane également quant à la façon dont l’émission abordera (ou non) la tragédie du Festival Astroworld de Travis Scott, père des deux enfants de Kylie Jenner, au cours duquel huit personnes ont perdu la vie l’été dernier.

Pas de retour de Caitlyn Jenner

Figure parentale des débuts de l’émission, disparue après sa séparation avec la matriarche Kris, Caitlyn Jenner ne sera pas de retour. « Elle a supplié de revenir dans l’émission », rappelle Natalie Franklin, citant un tweet de l’ex-médaillé olympique des Jeux de Montréal.

Mais la partie Kardashian de la famille semble avoir plus ou moins coupé les ponts avec Caitlyn, parent de Kendall et Kylie, croit-elle.

PHOTO MATHIEU WADDELL, ARCHIVES LA PRESSE

Kylie Jenner était venue au Beachclub de Pointe-Calumet pour fêter son 18e anniversaire de naissance, en 2015.

Et comme le savent ceux qui ont vu disparaître des amies au fil des saisons, chez les Kardashian, il n’y a pas de rédemption possible. Caitlyn Jenner a fait ses débuts fin mars sur Fox News comme commentatrice très conservatrice, et qui ne se positionne pas du tout en tant que militante trans.

Là pour de bon

Vous n’êtes pas sur Instagram ou TikTok, et croyez être protégé de la culture des influenceurs sur laquelle les Kardashian règnent ? Vous vous demandez pourquoi la presse en général et La Presse en particulier parlent même d’elles ? Meredith Jones a un message pour vous : « C’est une posture misogyne et morale, qui dénote un certain manque de compréhension de la culture populaire, et qui me rend dingue. »

Outre leur succès indéniable, les Kardashian ont refaçonné à leur image une certaine culture populaire. Elles ont su plus rapidement que d’autres célébrités tirer profit des réseaux sociaux. Snobée pour avoir fait la couverture de Playboy en 2007 avec plus ou moins de classe, Kim est aujourd’hui une icône incontestable de la mode et du luxe, qui n’en finit plus de redéfinir les critères de beauté pour les femmes.

« Qui peut vendre en quelques secondes des milliers de parfums ou de cosmétiques en ligne, seulement sur ses réseaux ? demande Corderro McMurry, journaliste à la télévision texane, et auteur d’un mémoire universitaire consacré au poids médiatique de Kim Kardashian et publié à compte d’auteur, Can I Get a Copy ? Elles sont devenues des icônes des réseaux sociaux et de la téléréalité, et elles ont prouvé que c’était un modèle durable. »

The Kardashians sera offerte au Québec sur Disney+ à partir du 14 avril.