Pamela Anderson s’était promis de ne plus jamais flancher pour un vilain garnement. C’était jusqu’à ce que Tommy Lee s’assoie à ses côtés dans une boîte de nuit et lui lèche le visage. Ils se mariaient quatre jours plus tard, en février 1995, sur une plage de Cancún. Ils donnent aujourd’hui leur prénom à la jubilatoire minisérie Pam & Tommy.

Le boogie du mauvais garçon

Inspiré d’un article d’Amanda Chicago Lewis publié en 2014 dans le magazine Rolling Stone, Pam & Tommy s’amorce alors que Tommy Lee (intense Sebastien Stan), batteur du légendaire groupe de rock phallique Mötley Crüe, rénove son manoir afin de le transformer en temple du coït, dans lequel sa nouvelle femme (méconnaissable Lily James) et lui pourront honorer le corps de l’autre. Las des demandes imprévisibles de son patron (qui se promène partout en string), le menuisier Rand Gauthier (touchant Seth Rogen) ose un jour lui tenir tête. Il est congédié, puis menacé à la pointe d’une arme à feu par le mauvais garçon, un grand bébé qui refuse d’entendre le mot non. Affrontement classique entre le roi de la montagne, qui possède tout ce dont un homme peut rêver, et l’ouvrier excédé de toujours avoir à courber l’échine.

Du côté obscur

PHOTO FOURNIE PAR DISNEY+

Seth Rogen et Nick Offerman

« Je n’ai jamais été très populaire auprès des gens », a déclaré Rand Gauthier à Rolling Stone en 2014. « Mais je n’avais jamais été menacé avec un fusil. Ça m’a joué dans la tête. » Ex-acteur porno, ironiquement doté d’un petit appendice reproducteur, le menuisier est un perdant pas magnifique, que l’avanie de Tommy Lee propulse du côté obscur. Il vole chez le couple un coffre-fort contenant de l’argent et des bijoux, mais aussi une cassette, sur laquelle se trouvent huit minutes de sexe passionné entre son ennemi (lui, muni d’un membre viril à faire pâlir tous les marquis de Sade) et la playmate dont le popotin faisait baver les millions de fidèles du soap Alerte à Malibu. Mis en vente illégalement sur VHS par l’entremise de cette nouvelle technologie appelée le web, la vidéo intime est aujourd’hui considérée comme le Citizen Kane des sextapes de célébrités. Leur orgasme sera entendu (et vu !) par le monde entier.

Maison douce maison

Réalisée par Craig Gillespie (Moi, Tonya), Pam & Tommy aurait facilement pu générer des rires en les dépeignant, elle, en nunuche, et lui, en bozo. Sans tenter de les présenter en candidats pour un Nobel, la série parvient néanmoins à leur rendre cette humanité que la presse à scandales leur a longtemps refusée. Les épisodes deux et trois, essentiellement consacrés à leur coup de foudre et à leurs épousailles précipitées, sont les plus mémorables des huit, en ce qu’ils permettent de croire que, n’eût été de la mise en circulation de leur vidéo domestique, les tourtereaux, étonnamment attachants, avaient tout pour vivre heureux. Tommy Lee est attendrissant comme un enfant surexcité, et Pamela, émouvante dans son désir de devenir mère et de fonder maison. Des démarches troublées par le cirque médiatico-judiciaire qui cognera à leur porte.

Filles, filles, filles

Par moments surréaliste (Tommy Lee s’entretient avec son pénis), Pam & Tommy s’inscrit dans une récente lignée d’œuvres braquant leur lumière sur les horreurs vécues par des figures féminines iconiques des années 1990 et 2000. Alors que des documentaires invitaient à enfin considérer comme telle la misogynie du traitement odieux réservé à Britney Spears et à Janet Jackson, cette fiction qui puise sa matière première dans le réel met en exergue les humiliations vécues par Pamela Anderson, dont tous les talk-shows se moqueront sans relâche. Engagée dans un processus judiciaire afin de stopper la prolifération de la sextape, la beauté fatale encaisse quantité de questions grossièrement lubriques de la part des avocats de la défense. Bien que le scénario lui mette parfois en bouche des répliques difficiles à croire, tant elles sont dignes d’une lectrice de Martine Delvaux, il est aisé de s’imaginer que même la vraie Pamela savait trop bien que personne ne s’émouvrait du sort d’une fille qui gagne sa vie avec ses seins et ses fesses.

Redémarre mon cœur

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Lily James et Sebastien Stan incarnent avec brio le couple mythique.

Tommy Lee et Pamela Anderson tenteront tant bien que mal de protéger leur relation des intrusions qu’ils subissent ainsi que de l’amertume que nourrissent leurs revers de carrière. Pendant que le film qui devait la consacrer en actrice crédible (Barb Wire) fait patate au box-office, le groupe de Tommy Lee, Mötley Crüe, peine à avaler son recul au palmarès. S’ils ont survécu au grunge, les saints de Los Angeles peinent à se défaire de leur réputation de poseurs, et surprennent même un jour Third Eye Blind (!) lorsqu’ils se pointent au studio où ils ont leurs habitudes. Tommy Lee est vite rattrapé par ses vieilles habitudes, la bibine et les coups de poing, qu’il distribue dans les bars à des admirateurs pourtant bien intentionnés, qui tentent de le féliciter pour… la taille de son engin.

Théâtre de la douleur

Jouant habilement sur la ligne entre caricature, drame et critique sociale, Pam & Tommy remonte à la racine de notre obsession malsaine pour ces vedettes que l’on aime voir tomber de leur piédestal. La belle et la bête souhaitaient mettre en bouteille leur amour en l’immortalisant sur pellicule. Ils ont offert sans le vouloir à la porno sur le web sa bougie d’allumage. Ils seraient encore longtemps enfermés à clé entre les murs de ce théâtre de la douleur et de l’impudeur, celle d’une époque qui aimait ses stars, mais pas au point de les respecter.

Pam & Tommy est offert sur Disney+.