Son avion a beau s’être écrasé au petit écran, sa carrière, elle, atteint un nouveau sommet. Le sceau d’approbation du New York Times, un tapis rouge à Hollywood, d’innombrables théories de fans sur l’internet, une longue entrevue au Washington Post… Sophie Nélisse a passé les trois derniers mois au cœur d’un tourbillon nommé Yellowjackets. Malgré le succès retentissant de l’offrande du réseau américain Showtime, l’actrice garde les pieds sur terre. Ou presque.

En entrevue avec La Presse, la comédienne de 21 ans, qu’on a notamment vue dans L’échappée et Demain des hommes, admet qu’elle peine à garder la tête froide quand d’aussi grosses pointures que Stephen King, Reese Witherspoon et Seth Rogen encensent publiquement la série.

Et pourtant, la principale intéressée n’est pas une nouvelle venue dans l’industrie. Au téléphone, elle rappelle qu’elle a déjà tourné avec « des gens oscarisés », comme en 2013 dans The Book Thief (La voleuse de livres) avec Geoffrey Rush, qui avait été sacré meilleur acteur en 1996 pour Shine.

« Avant, ça n’avait aucun effet sur moi, mais aujourd’hui, pour une raison que j’ignore, je vois ça d’une autre façon, confesse-t-elle. Quand j’ai appris que Seth Rogen aimait Yellowjackets, j’étais comme : “J’peux pas croire qu’il m’a regardée jouer !” »

C’est un acteur que j’admire. Ça m’a fait chaud au cœur de voir son tweet. J’étais sous le choc ! C’est bizarre…

Sophie Nélisse

Quand elle a décroché le rôle de Shauna dans Yellowjackets en 2019, Sophie Nélisse est au contraire restée calme, bien qu’à son agence californienne, « tout le monde tripait ».

« J’étais sûre qu’ils me disaient ça parce que c’était leur job de dire ça », raconte la comédienne, qui avait été échaudée deux années plus tôt, lorsqu’elle s’était retrouvée finaliste aux prix Aurore d’Infoman. Elle avait été citée pour Et au pire on se mariera, dans une catégorie intitulée « Liquid Paper », soit celle du rôle qu’un interprète aurait intérêt à rayer de son CV.

« Le pire, c’est qu’à la fin du tournage du film, tout le monde était venu me voir pour me dire comment j’avais bien travaillé, à quel point c’était remarquable, blablabla, se souvient-elle. Depuis ce temps, j’essaie d’en prendre et d’en laisser. Les compliments, j’ai arrêté d’y croire. »

En mode survie

PHOTO KAILEY SCHWERMAN, FOURNIE PAR SHOWTIME

Sophie Nélisse dans Yellowjackets

Dans Yellowjackets, inclassable série du réseau américain Showtime qui débarque enfin en français sur Crave dimanche, la comédienne incarne Shauna, l’une des membres d’une équipe de soccer du New Jersey en mode survie après l’écrasement, en pleine nature, de l’avion qui devait les amener aux championnats nationaux juniors.

L’histoire est racontée sur deux lignes temporelles distinctes.

D’un côté, on suit leur périlleux parcours en forêt post-écrasement au cœur des années 1990 ; de l’autre, on explore comment certaines d’entre elles tentent, 25 ans après avoir été secourues, de mener une existence normale.

« Shauna, c’est de prime abord une fille réservée, mais très intelligente, indique Sophie Nélisse, que l’on retrouve en brunette dans la série. Dans la hiérarchie du secondaire, elle connaît son rôle : c’est d’être la meilleure amie de Jackie, la fille la plus populaire. Mais après l’écrasement, quand elles doivent survivre en forêt et qu’il n’y a plus de hiérarchie sociale, elle commence à s’affirmer. Elle trouve sa voie. Elle commence à mettre son pied à terre. »

Sceptique au départ

Mettant également en vedette Christina Ricci, Juliette Lewis et Melanie Lynskey (qui incarne Shauna une fois adulte), Yellowjackets commence sa récolte de sélections et d’accolades. Elle pourrait bientôt être sacrée meilleure série de l’année devant Succession, This Is Us, The Good Fight et Squid Game aux Critics’ Choice Television Awards.

De son propre aveu, lors du tournage, l’an dernier, Sophie Nélisse ne croyait pas que Yellowjackets puisse faire l’unanimité. Thriller psychologique ? Drame d’horreur ? Épopée fantastique ? L’actrice ne savait pas quoi penser de l’étonnant mélange des genres.

J’étais très sceptique. C’est dans ma nature. Ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais. Des fois, je lisais les scénarios, et j’étais comme : ‟Ben voyons donc !” Je trouvais que ça s’en allait dans toutes sortes de directions.

Sophie Nélisse

Le tournage de Yellowjackets s’est échelonné sur quelques mois à Vancouver. Tomboy assumée, Sophie Nélisse appréhendait de passer autant de temps en isolement avec d’autres actrices.

PHOTO COLIN BENTLEY, FOURNIE PAR SHOWTIME

Sophie Nélisse

« En général, j’aime mieux me tenir avec des gars, parce qu’avec des filles, c’est un peu plus bitchy. En tournage, ça peut devenir compétitif. J’en sais quelque chose. Mais sur Yellowjackets, ça n’a pas été comme ça. Je n’ai jamais autant appris auprès d’autres filles. Autant au niveau humain qu’au travail. C’est vraiment cliché, mais on formait vraiment une famille. On était tout le temps ensemble parce qu’on n’avait rien d’autre à faire ; c’était la COVID ! Les fins de semaine, on faisait des road trips, parce que Vancouver, c’est trop merveilleux comme endroit. On s’écrit encore tous les jours. »

Tournage en Pologne

Sophie Nélisse retrouvera ses partenaires de jeu l’été prochain, puisque Showtime a récemment commandé une deuxième saison de Yellowjackets. Entre-temps, la comédienne de 21 ans devrait s’envoler pour l’Europe de l’Est en avril pour tourner dans Irena’s Vow, prochain long métrage (en anglais) de Louise Archambault (Gabrielle, Il pleuvait des oiseaux). En décembre, le film a reçu l’appui financier de Téléfilm Canada.

Adaptation d’une pièce de Dan Gordon, ce drame historique brossera le portrait d’une infirmière polonaise ayant réussi à sauver 12 juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

Le triomphe de Yellowjackets devrait ouvrir beaucoup de portes à Sophie Nélisse aux États-Unis. Mais celle qu’on a découverte en 2011 dans Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau, préfère minimiser les attentes. « Ça devrait me permettre d’obtenir plus d’auditions, mais je n’ai pas l’impression que je vais commencer à enfiler un rôle après l’autre. C’est quelque chose qui va s’établir à long terme. »

La première saison de Yellowjackets est offerte en version anglaise sur Crave. Elle sera offerte en français sur Crave et Super Écran à compter du dimanche 6 février.