Au sommet de la pyramide du bon goût télévisuel, il y a les documentaires, la programmation complète de TV5 et les nouveaux téléthéâtres de Télé-Québec. En bas de cette pyramide, il y a les téléréalités à la Occupation double ou Big Brother, La poule aux œufs d’or ainsi que les quiz de l’heure du souper.

Et au troisième sous-sol de la fameuse pyramide d’acceptabilité sociale télévisuelle, vous retrouverez toutes les éditions des Real Housewives de la chaîne américaine Bravo, que relaie Slice TV chez nous. C’est le summum du superficiel. Le quétaine absolu. Du vide abyssal, persifflent les détracteurs de ce genre pourtant hyper populaire.

Au Québec, avouer que l’on regarde – et que l’on apprécie, argh ! – les Housewives, c’est le dernier tabou télévisuel. Les fans en parlent entre eux, en chuchotant sous leur cape, comme s’ils vivaient à Gilead et que cette confession leur vaudrait un aller simple vers les colonies. Il est temps de briser l’omerta. Alors, go. J’aime les Housewives, surtout celles de Beverly Hills (mes préférées), de même que leurs collègues de New York. Voilà, c’est dit.

Catherine Brisson aussi. La chroniqueuse culturelle à l’émission Puisqu’il faut se lever du 98,5 FM suit les péripéties alcoolisées de ces dames riches et privilégiées depuis la première saison, en 2006. Elle a vu toutes les éditions, déclinées dans 10 villes ou régions des États-Unis, soit Orange County, New York, Atlanta, New Jersey, Washington, Beverly Hills, Miami, Potomac, Dallas et Salt Lake City, sans oublier les versions canadiennes de Vancouver et Toronto.

« Je suis une des plus grandes fans et je suis prête à m’humilier sur la place publique. Je regarde tellement de choses pour mon travail, et les Housewives me permettent de décrocher. J’entre dans un univers qui n’est vraiment pas le mien. Oui, c’est superficiel, je l’assume. Mon chum rit en regardant ça avec moi. Il ne comprend pas pourquoi il y a autant de cris et de larmes. Mais c’est mon échappatoire », confie la journaliste Catherine Brisson, qui suit même ses « épouses » préférées sur Instagram (moi aussi).

Pour les non-initiés, dans les Real Housewives, les caméras suivent des femmes matures, pour la plupart des « rivalamies », dans des évènements de charité, des soupers arrosés, des barbecues décadents, des virées de shopping ou des voyages en Europe.

Le champagne coule sur leurs robes griffées. Les héroïnes se jettent des coupes de chardonnay au visage, discutent de chirurgies plastiques ratées ou de vêtements hors de prix.

Les personnages – chacune d’entre elles connaît parfaitement le rôle qu’elle a à jouer – hurlent, éclatent en sanglots, cassent des verres de vin et se réconcilient autour d’un cocktail. C’est comme une version non scénarisée (hum, hum) de la vie des gens qui forment le 1 % du 1 %. Du gros drame de cafétéria d’école secondaire (Garcelle ne me suit plus sur Instagram !), mais dans des maisons au décor rococo valant plusieurs millions de dollars.

PHOTO FOURNIE PAR BRAVO

L’équipe des Real Housewives de New York

L’auteure Sarah-Maude Beauchesne (Fourchette, L’académie) adore les Real Housewives de New York, surtout pour l’aspect de sororité qui englobe les 13 saisons présentées jusqu’à maintenant.

« Ces femmes-là sont investies dans le lien qu’elles ont entre elles. Oui, elles sont parfois cruelles, mais il y a souvent des moments où elles essaient d’être de bonnes personnes. Elles s’expliquent, se pardonnent. C’est touchant de les voir parler de leur statut de veuve ou de divorcée, de les entendre discuter de leur rapport à l’argent, gagné ou hérité. Ça me touche beaucoup de voir une femme brisée et fragile comme Sonja Morgan. J’ai beaucoup d’empathie pour elle », confie Sarah-Maude Beauchesne, qui regarde aussi la mouture de Beverly Hills.

Il y a aussi un côté Sex and the City dans les Real Housewives qui plaît à leurs fidèles.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

L’auteure Sarah-Maude Beauchesne est une fan de la série.

J’y crois, à l’amitié des filles de New York. Il y a beaucoup de cœur et de bienveillance en trame de fond. Dans les partys, on les voit souvent se coller, rire et se bécoter. Ce lien-là entre femmes est universel.

Sarah-Maude Beauchesne

« Et elles assument leur sexualité, elles ont des carrières, elles parlent de vieillissement, de leur peur de finir seules. Il y a beaucoup de matière à analyser », constate la scénariste Sarah-Maude Beauchesne.

Si vous n’avez jamais craqué pour cet univers luxuo-trash, la chroniqueuse Catherine Brisson suggère de commencer par les Real Housewives de Beverly Hills. Très d’accord avec la recommandation. Vous y découvrirez des actrices « connues » des années 1990 comme Lisa Rinna et même Kathy Hilton, la célèbre mère de Paris Hilton.

Fraudes fiscales, divorces explosifs, passés sulfureux, romances lesbiennes, conduite en état d’ébriété et guerres nucléaires entre les protagonistes, la vie tumultueuse de ces épouses alimente une galaxie de sites à potins comme TMZ. Évidemment que ces scandales aboutissent tous, sans exception, dans les épisodes des Real Housewives. La presse artistique nourrit l’émission, qui nourrit la presse artistique, qui nourrit l’émission, et la roue tourne à l’infini.

Aucun sujet n’est tabou chez les participantes. Elles parlent sans gêne de sexe, de drogue et d’hormones. L’écrivaine féministe Camille Paglia est également obsédée par les Housewives, un mode de vie, selon elle. Comme quoi même les intellos carburent au régime 3B des Housewives : Botox, boisson et bitcherie.