Plusieurs souverainistes détestent La Maison-Bleue de Radio-Canada, même s’ils n’en ont attrapé que des bribes. « En fait, les indépendantistes refusent de regarder l’émission. Ils trouvent qu’elle ridiculise le projet d’un Québec souverain », me glisse un espion chez les péquistes à l’Assemblée nationale.

Grand consommateur d’humour politique, Jean-François Lisée a dérogé à la ligne de parti et visionné cette comédie imaginée par Ricardo Trogi et Daniel Savoie, avec un coup de pouce de François Avard aux textes. L’ancien député de Rosemont et ex-chef du Parti québécois croit que l’on peut rire de tout, même d’une orientation politique, à condition que ce soit drôle.

« Le principal problème avec La Maison-Bleue, c’est la médiocrité du scénario. Tout est cliché, convenu, facile. Si l’humour, l’intelligence et la finesse ne sont pas au rendez-vous, que reste-t-il ? Une série sans intérêt qui présente le Québec indépendant comme une république bananière dirigée par des incompétents et où la majorité des Québécois souhaitent revenir au Canada », explique Jean-François Lisée, que j’ai joint mercredi.

PHOTO FOURNIE PAR RADIO-CANADA

Dans La Maison-Bleue, Guy Nadon interprète le rôle du président de la république du Québec, Jacques Hamelin.

Sur la stupidité des protagonistes de La Maison-Bleue, Jean-François Lisée n’a pas tort. Le vice-président de la république du Québec, Gilbert Boudreau (Claude Despins), n’est pas le Bagel Bites le plus dégelé de la boîte du Costco. Boudreau ne sait pas lire et son unique idée de projet de société consiste à ouvrir des casinos.

Quant au président Jacques Hamelin (Guy Nadon), il vole un peu plus haut, mais redescend assez vite sur le plancher des vaches pour une poutine de Chez Austin, un voyage dans un tout-inclus ou un épisode de sa téléréalité préférée de style OD.

Sa femme, Mireille Turcotte (Anne-Marie Cadieux), la première dame du Québec, parle anglais comme Julie Snyder quand elle ne se force pas. La plus grande réalisation de Mimi a été son élection comme duchesse du Carnaval, il y a plusieurs décennies. Et le garde du corps (Dominic Paquet) ? Un deux watts, en forçant fort.

Les personnages fédéralistes ne paraissent guère mieux, à mon avis. Le voisin qui tripe sur l’unifolié, le douchebag Mike (Karl Farah), se classe dans la catégorie des gros colons. La cheffe du Bloc canadien, Mélanie Guzzo (Isabelle Brouillette), ne s’impose pas comme une politicienne ultra inspirante. Et le président américain Lester Richards (Bruce Dinsmore) est un twit fini, tout comme le premier ministre du Canada.

« La Maison-Bleue, c’est une grosse comédie où tout le monde est nono. On dépeint un monde parallèle. C’est tellement gros comme intrigue que si tu ne peux pas en rire, si tu ne peux pas y détecter l’humour, je ne pourrais pas commencer à tout expliquer. On tire pas mal égal sur tout le monde et le show parle pas mal plus de notre société que de politique », réplique Louis Morissette, qui produit La Maison-Bleue avec sa boîte KOTV.

La deuxième saison de La Maison-Bleue atterrira sur l’Extra d’ICI Tou.tv le 25 mars et le Québec y traversera une crise du sirop en raison d’un virus chinois, acheté par le Canada, qui empêche les érables de couler. Dans un Québec affranchi, c’est la SQDSE (Société québécoise du sirop d’érable) qui contrôle le marché du liquide brun sucré.

S’asseoir devant La Maison-Bleue, c’est en accepter les codes tracés au crayon hyper gras. J’ai aimé la première saison de La Maison-Bleue, en excluant toute l’intrigue ennuyeuse du sous-marin acheté au Mawanda, qui ralentissait l’histoire.

En incluant les enregistrements, cette comédie burlesque a intéressé une moyenne de 812 000 téléphages les mercredis à 21 h. La finale jouera le 10 mars avec la tenue du référendum sur l’échange de quatre comtés de la Floride contre les territoires québécois au nord du 53e parallèle.

Mes deux personnages préférés ? La travaillante Karine Desmarais (Geneviève Schmidt) et le dévoué Antoine Arsenault (Simon Beaulé-Bulman), les conseillers du président Hamelin, les deux seules personnes allumées dans ce cirque de bouffons.

Les segments de la fausse émission Coude à coude de Jessika Walsh (Maryève Alary), où la fédéraliste Caroline Dumas (Myriam LeBlanc) croise le fer avec le nationaliste Pierre Pelletier (Frédéric Pierre), sont très réussis. On en prendrait davantage.

Les dialogues de La Maison-Bleue renferment plusieurs clins d’œil, qui passent sous le radar si notre attention baisse quelques secondes. L’hôpital psychiatrique Pierre-Mailloux, la médaille du courage Mad Dog Vachon, le groupe Mediacor qui ne couvre plus la politique, parce qu’il y a une finale d’un show de recettes, le grand poète québécois Marc Bergevin ou Oswald Harvey McCain qui a tenté de tuer le président québécois : les scénaristes se gâtent.

Oui, il y a eu Bunker, le cirque de Luc Dionne en 2002. Reste qu’il y aurait assurément des clients pour une télésérie, et non une sitcom, sur la politique québécoise à la House of Cards ou The West Wing. Maintenant, faudrait trouver des gens intéressés (et branchés sur ce milieu) pour l’écrire. Des volontaires ?