Toutes les deux semaines, La Presse convie des créatrices et des créateurs chevronnés à nous parler de leur amour de la télévision. Et des nouveaux défis de la création télévisuelle. Aujourd’hui, la scénariste Marie-Andrée Labbé.

Marie-Andrée Labbé a collaboré à plusieurs séries et émissions de télé (Les Parent, Brassard en direct d’aujourd’hui, Les enfants de la télé). Avec le succès de Trop, son nom est devenu familier au public. Portrait d’une femme qui aime la télé réconfortante.

Marie-Andrée Labbé fait de la télévision pour réconforter les gens. Pour elle, une bonne série de fiction raconte des histoires qui font du bien à l’âme. Pour nous émouvoir, nous bouleverser, mais surtout, nous apaiser.

D’où son style d’écriture original, à la fois comique et dramatique, gai et triste, lumineux et fragile. Comme la vie. « J’aime beaucoup la comédie dramatique, dit-elle en entrevue téléphonique avec La Presse. À mon avis, ce genre se prête bien à la fiction télévisuelle, pour mieux transposer la réalité et imiter la vie. La comédie dramatique nous permet de prendre du recul sur les travers humains. »

La télévision fait partie de son ADN depuis sa tendre enfance. La femme de 38 ans a grandi à L’Anse-Saint-Jean, un village du Saguenay. Le dernier épisode de sa série Trop a d’ailleurs été tourné dans cette région bordée par le fjord. « À 14 ans, comme cadeau de Noël, mes parents m’ont offert une télévision avec un lecteur VHS intégré, afin que je puisse enregistrer mes émissions et les regarder dans ma chambre, se souvient-elle. Je m’y enfermais des jours entiers ! Au grand dam de ma grande sœur… Car elle étudiait au cégep et venait me voir les week-ends. Mais aujourd’hui, elle est très contente de voir que ce cadeau a servi à quelque chose [rires]. »

L’écriture comme un refuge

Nous sommes alors au milieu des années 1990. L’adolescente regarde Chambres en ville, 4 et demi, Scoop et plus tard Rumeurs, une comédie écrite par Isabelle Langlois. L’auteure de Lâcher prise demeure, selon Labbé, « la reine » de la télévision au Québec. « Si je suis scénariste, je le dois en partie à Isabelle [Langlois]. Elle a défoncé des portes en télé, car il y avait peu de femmes qui écrivaient de la comédie à l’époque. Et encore aujourd’hui, l’humour est la chasse gardée des hommes. Toutefois, les choses changent. On est sur la bonne voie pour trouver un équilibre. Je ne suis pas inquiète de la place future des femmes en humour. »

Écrire une saison de 10 épisodes lui prend une bonne année de travail. Mais elle peut travailler sur plusieurs projets en même temps. Elle reconnaît avoir un côté « workaholic ». Elle aime le fait de pouvoir écrire dans son bureau, chez elle, en sirotant un bon thé chaud. Le clavier est son doudou !

« Pour moi, l’écriture est un refuge, une façon de fuir ce que je n’aime pas du réel », dit-elle.

En ce moment, avec la pandémie, la réalité, je ne l’aime pas vraiment. L’état du monde me donne davantage envie d’écrire mes projets. J’imagine des scènes de proximité, où l’on voit des personnages se coller, se toucher… en espérant qu’elles pourront se tourner dans un proche avenir.

Marie-Andrée Labbé

La règle du jeu

Après la diffusion de Trop, des gens lui ont dit que dans la vie, un trouble bipolaire [comme celui du personnage d’Anaïs] est plus dur que ce qu’elle expose dans sa série. « J’écris de la fiction, pas des documentaires, répond-elle. Évidemment, je fais des recherches sur le sujet ; mais je montre ma vision d’une réalité. Ce que je souhaiterais voir arriver dans la vie d’une personne différente, comme Anaïs. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Évelyne Brochu et Virginie Fortin, en mars 2018

Si Marie-Andrée Labbé aime travailler loin des projecteurs, elle est fascinée par le talent lumineux des interprètes québécois : « C’est toujours un cadeau, dit-elle, lorsqu’un acteur ou une actrice que j’adore accepte de jouer un de mes personnages. Leur jeu ajoute une couche d’écriture supplémentaire à mon histoire. Un bon acteur a le pouvoir d’apporter autre chose au récit, sans modifier le texte. Comme l’ont fait Virginie [Fortin] et Évelyne [Brochu] dans Trop. »

Si un scénariste exprime toujours sa vision de la réalité, il lui semble important que la télévision québécoise diversifie les points de vue exprimés sur nos écrans. « Il y a des personnes qui décident quelles histoires sont diffusées ; et qui pourront nous les raconter à l’écran, explique Marie-Andrée Labbé. Depuis peu, on a constaté que ces décideurs ont souvent le même profil. Ça suscite une colère, légitime, chez des groupes peu visibles. Il faut donc prendre des mesures pour changer les choses. Et assurer une meilleure représentativité. Ceux qui s’opposent aux changements sont soit de mauvaise foi, soit ignorants des autres réalités ; ou encore, ils ont peur de perdre leurs privilèges. »

Marie-Andrée Labbé en trois projets…

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Un scénariste exprime toujours son point de vue sur la réalité, selon Marie-Andrée Labbé.

Sans rendez-vous. Cette série est basée sur une websérie australienne intitulée Sexy Herpes. Les protagonistes travaillent dans une clinique de santé sexuelle. Elle met en vedette Magalie Lépine-Blondeau dans le rôle d’une sexologue lesbienne qui vit une crise existentielle. Reporté l’été dernier à cause de la COVID-19, le tournage doit débuter cet hiver. Sa diffusion se fera d’abord sur la plateforme ICI Tou.tv Extra à une date à annoncer. Marie-Andrée Labbé est en train d’écrire la saison 2.

Drôles de Véronic. Une comédie parodique de sketches, d’imitations et de chansons, en ondes les mercredis à 21 h 30 sur TVA. Marie-Andrée Labbé signe la grande majorité des textes de Drôles de Véronic, en collaboration avec sa tête d’affiche, Véronic DiCaire, et Josée Fortier.

> Regardez la bande-annonce

Trop. La troisième et ultime saison de cette série, prisée par la critique, est diffusée à ICI Radio-Canada Télé, les lundis à 19 h 30. Trop est aussi offert sur la zone Véro TV de la plateforme ICI Tou.tv Extra.