Katherine Levac est à la barre de la nouvelle saison de la populaire émission L’amour est dans le pré, qui commence jeudi sur les ondes de Noovo. Un mandat qui s’accorde bien avec le désir d’authenticité de l’humoriste, avec qui nous avons discuté de téléréalité, d’agriculture et d’amour, mais aussi d’affirmation et de prises de conscience.

Si Katherine Levac était déjà fan de L’amour est dans le pré, c’est parce que les agriculteurs qui y participent sont là « pour les bonnes raisons » et que cette quête la rejoint particulièrement.

« Cette sincérité, j’en ai besoin, dit-elle. Ils ne font pas semblant, ils veulent simplement trouver l’amour. » Le fait d’avoir grandi sur une ferme lui permet de bien comprendre leur réalité, ajoute-t-elle. « Je le sais que c’est difficile de trouver quelqu’un, j’ai vu des gens très proches le vivre. »

Mais ce qui la touche surtout, et qu’elle a constaté maintenant qu’elle connaît l’envers du décor, c’est l’ouverture des prétendantes, qui « ont beaucoup à gagner, mais aussi beaucoup à perdre », et la grande générosité des participants, qui sont souvent très timides.

« En plus, on arrive dans leur maison à l’automne, qui est la saison la plus occupée ! Mon grand-père aurait mis tout le monde dehors... Mais là, on voit les familles s’occuper de la ferme pour que leur enfant trouve l’amour. C’est de la générosité qui n’a pas de bon sens à mon avis. »

Si Katherine Levac trouvait déjà les participants « divertissants et attachants », aujourd’hui, elle les admire.

À l’ère où on a le swipe facile, où tout le monde est un peu remplaçable, ça fait du bien de voir du monde qui veut s’investir pour vrai.

Katherine Levac

Confiance

Avoir une vue de l’intérieur a bien sûr comblé son côté voyeur – « N’importe qui aurait tripé ! » –, mais elle avoue avoir vécu des choses auxquelles elle ne s’attendait pas. « Ils nous font confiance, et tout le monde dans l’équipe est là pour les aider et veut leur bonheur. On devient vraiment des confidents et je me suis investie à un point que je ne pensais pas ! »

Comme tout le monde, Katherine Levac ressent un certain plaisir à voir une date mal tourner. « Ça peut être long, 10 minutes ! » Mais pas question de provoquer une rupture de ton avec celui de sa prédécesseure, Marie-Eve Janvier. L’humoriste a remisé son ironie naturelle. « Mon rôle n’est pas de montrer que je suis donc drôle et pince-sans-rire ! »

IMAGE FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Katherine Levac en compagnie de Martin, l’un des agriculteurs participants à L’amour est dans le pré

Et s’il y a parfois de l’humour, Katherine Levac tient à rester respectueuse. « On parle de sujets sérieux avec eux. En même temps, j’ai envie de tirer les vers du nez d’agriculteurs qui ne veulent pas tant parler de leurs sentiments et beaucoup de leur ferme ! Je ne me retiens pas de poser toutes les questions. Mais le ton de l’émission ne change pas, je ne le veux pas et ce n’est pas ça qu’on m’a demandé. »

Bref, on ne sera pas à OD dans le pré. « Les enjeux sont trop gros. » Par contre, avec un premier concurrent gai, et aussi pour la première fois un sexagénaire, on sent que L’amour est dans le pré, comme Occupation double qui a brisé quelques tabous depuis deux ans, veut être en accord avec son temps.

Je ne sais pas si notre téléréalité est en avance ou en retard, mais elle est représentative de la vie et il faut continuer ! Ce que je pense par contre, c’est que notre téléréalité est peut-être en avance sur nos fictions.

Katherine Levac

Modèle

Katherine Levac rêve du jour où la présence d’un agriculteur gai à L’amour est dans le pré ne sera plus un évènement qu’il faudra souligner. Pour l’instant, être un agriculteur gai en Beauce reste « une grosse affaire », rappelle l’animatrice.

« C’est courageux pour lui de s’afficher. Je le trouve inspirant, Alex. Il s’est inscrit parce qu’il a besoin de nous. Mais je le sais qu’il va en aider du monde. Pas à s’inscrire à L’amour est dans le pré, mais juste des gens qui sont dans sa situation et qui ne voient personne comme eux. »

Il pourra être un modèle, comme l’a été le couple de quinquagénaires formé de Nicolas et Louise l’an dernier, qui a peut-être inspiré Denis, 60 ans, à s’inscrire cette saison. « Le fait d’avoir des gens comme ça à l’écran, c’est des cadeaux ! »

C’est d’ailleurs aussi pour « aider du monde » que Katherine Levac a dévoilé sa pansexualité à l’été 2019, suivi au début de 2020 d’une page couverture spectaculaire du Elle Québec avec la comédienne Karelle Tremblay, avec qui elle était alors en couple.

« Je n’aurais jamais fait ça sinon, je suis assez discrète à propos de ma vie privée. » Mais certains sujets, croit-elle, sont plus grands que soi.

Adib [Alkhalidey] disait l’autre jour à Tout le monde en parle que la société, ça évolue avec des modèles. Moi, quand j’étais petite, il n’y en avait pas de personnage de lesbienne à Radio Enfer, et c’est correct. Là, on est rendus ailleurs, mais c’est comme si j’attendais après les modèles. Je disais ‟y’a pas de modèle, y’a pas de modèle”, mais à un moment, je me suis dit : ‟mais c’est un peu toi le modèle aussi !”

Katherine Levac

C’était aussi une question d’honnêteté. « Ma job passe par qui je suis, et ce qui me passionne, c’est de connecter avec les gens. Mais comment tu veux connecter si tu n’es pas honnête avec toi-même ? » Si elle n’a aucun regret – « Au contraire ! » –, elle n’entend pas devenir une porte-parole pour autant.

Prise de conscience

Cette entrevue avec Katherine Levac a eu lieu au lendemain de l’annonce de l’acquittement de Gilbert Rozon. Une occasion pour parler des dénonciations de l’été dans le milieu culturel et des prises de conscience qu’a faites l’humoriste de 31 ans, qui n’avait jamais trop voulu se prononcer sur le sujet de la place des femmes en humour.

« Les choses ont tellement changé depuis 10 ans, et je n’avais pas d’histoire à raconter, explique-t-elle. Je me serais sentie ingrate de dire que je faisais pitié, en sachant qu’il y a tellement de femmes qui ont eu de la difficulté à être prises au sérieux. »

La plus récente vague de dénonciations lui a en revanche ouvert les yeux sur plusieurs comportements qu’elle avait toujours jugés « normaux ».

« Je me suis rendu compte que le fait qu’on m’avertisse de ne jamais me retrouver seule dans une loge avec Gilbert Rozon, puis de le rencontrer pour la première fois et de me dire ‟ce monsieur me fait super peur, mais c’est normal, c’est ça la vie”... ben ce n’était pas normal. Voyons, c’est inacceptable ! »

Même chose pour tous ces petits malaises en présence de certains confrères « pas trustables » ou ces lignes floues entre le travail et le party dans la loge d’un bar. « Je ne pensais pas que c’était ma faute, mais je pensais que c’était normal. Maintenant, je vais demander qu’on me laisse seule. On dirait que ma voix a un poids, qu’elle est soutenue par ce mouvement. »

Elle raconte avoir ressenti beaucoup de déception et d’amertume l’été dernier. « Et c’est vraiment poche comme sentiment, être déçue. C’est nul à chier. » Avoir mal au cœur en lisant un article, mesurer l’ampleur des dégâts... elle n’en revient pas encore. Elle en veut aussi à ceux qui ont trop longtemps fermé les yeux.

« Les boîtes, les agents, ils ont eu la dissociation facile. Évidemment que ce n’est pas leur faute, les agissements de leurs artistes, mais quand tu vois que ton artiste va mal, qu’il consomme, qu’il a une réputation pas d’allure et que ça ne te dérange même pas, mais que tu te sauves en courant quand ça sort publiquement... Pour moi, il y a des responsabilités qui n’ont pas été prises. »

La suite

Katherine Levac espère que cette culture d’aveuglement volontaire changera et que la société sera plus empathique avec les personnes qui dénoncent publiquement leurs agresseurs. Elle estime aussi que, malgré « les envies de vomir », 2020 aura été une bonne année en raison, justement, de ce point de non-retour qui a été atteint.

Il fallait que ça se passe, et tant mieux parce que ça fait qu’on peut avancer ensemble d’un pas. Il y a eu d’énormes prises de conscience, mais des petites aussi. Et les petites sont aussi importantes.

Katherine Levac

À part terminer les enregistrements de L’amour est dans le pré, 2021 sera une année d’écriture pour l’humoriste, qui n’exclut pas de remonter sur scène avec son amie Rosalie Vaillancourt, comme l’été dernier, mais qui travaille surtout sur un deuxième spectacle solo.

« J’ai plein d’affaires dans la tête, c’est l’fun. Après une année où il y a eu moins de scène, j’ai tellement hâte... Mon rêve, ce serait de pouvoir tester devant du public huit minutes de jokes pas tant bonnes. Ouin. Je vais commencer par ça ! »

L’amour est dans le pré, dès le jeudi 14 janvier, 20 h, à Noovo